La réduction de la densité mammaire après une thérapie endocrinienne comme indicateur du risque de cancer du sein

Quelle est la question ?

Le cancer du sein est un cancer commun et engendre des décès fréquents chez les femmes dans le monde entier. Le panel de traitement du cancer du sein comprend la thérapie endocrinienne. La thérapie endocrinienne peut également être utilisée pour prévenir le cancer du sein chez les femmes pour lesquelles aucun cancer du sein n'a été diagnostiqué. Elle aiderait les médecins et leurs patients à comprendre si certaines patientes sont susceptibles de bénéficier davantage d'une thérapie endocrinienne que d'autres. La structure du sein est susceptible de changer après une thérapie endocrinienne. Ces changements structurels sont visibles lorsque les femmes passent une mammographie (radiographie du sein). Ils se manifestent par une diminution de la surface de tissu blanc (densité du sein) sur la mammographie. Nous avons voulu savoir si la réduction de la densité mammaire après une thérapie endocrinienne peut aider à déterminer l'efficacité de ce dernier.

Problématique de la revue

Nous avons recherché les études publiées précédemment. Nous avons évalué si une réduction de la densité mammaire après avoir reçu une thérapie endocrinienne était associée à de meilleurs résultats. Pour les femmes n’ayant pas de cancer du sein, il s'agissait de déterminer si celles dont la densité mammaire était moindre étaient moins susceptibles de développer un cancer du sein. Pour les femmes atteintes d'un cancer du sein, il s'agissait de savoir si celles dont la densité mammaire diminuait davantage étaient moins susceptibles de mourir d'un cancer du sein.

Caractéristiques des études

Nous avons effectué la recherche le 3 août 2020. Nous avons inclus les études portant sur des femmes adultes atteintes d'un cancer du sein si ce dernier avait été diagnostiqué à un stade précoce et pouvait être traité par thérapie endocrinienne (cancer du sein à récepteurs hormonaux positifs). Nous avons inclus les médicaments souvent utilisés en pratique (tamoxifène et inhibiteurs d'aromatase). Nous avons trouvé une grande variété d'études. Les études variaient en termes de planification et de caractéristiques des femmes incluses dans les études, ainsi qu'en termes de mesure de la variation de la densité mammaire.

Principaux résultats

La plupart des études ont rapporté un risque réduit de cancer du sein après une thérapie endocrinienne chez les femmes ayant subi une réduction de la densité mammaire par rapport aux femmes n'ayant pas subi de réduction. Les données probantes sont un peu plus solides pour le médicament tamoxifène.

- Deux études ont rapporté sur la réduction de la densité mammaire après la prise de tamoxifène et du risque de décès par cancer du sein. Les résultats sont basés sur 172 femmes décédées d'un cancer du sein. Dans l'ensemble, le niveau de confiance des données probantes était faible.

- Deux études ont examiné si le cancer du sein revenait après un traitement au tamoxifène. Les méthodes d'étude et la le niveau de confiance des résultats de ces deux études ont suscité des inquiétudes. Dans l'ensemble, le niveau de confiance des données probantes était très faible.

- Une étude a examiné le traitement par un inhibiteur de l'aromatase et le risque de retour du cancer du sein. L'ampleur de l'effet est très incertaine car l'étude ne comptait que 175 femmes. Le niveau de confiance des données probantes était très faible en raison du risque potentiel de biais de l'étude.

- Une étude a examiné si le cancer du sein revenait localement ou à distance de la tumeur d'origine. Il y avait un risque de biais dans les rapports et une incertitude quant à la taille de l'effet. Le niveau de confiance des données probantes pour les deux critères de jugement était très faible.

- Deux études ont examiné le risque pour les femmes atteintes d'un cancer du sein d'être diagnostiquées plus tard avec un nouveau cancer du sein, par exemple dans le sein opposé. Il y avait un risque de biais dans les rapports et une incertitude quant à la taille de l'effet. Le niveau de confiance des données probantes était très faible.

- Une étude a pris en compte les femmes qui n'avaient pas eu de cancer du sein auparavant et qui avaient reçu du tamoxifène. Les résultats étaient basés sur 51 femmes qui ont développé un cancer du sein. Dans l'ensemble, le niveau de confiance des données probantes était faible.

- Une étude a examiné si l'effet bénéfique du tamoxifène pouvait s'expliquer par une diminution de la densité mammaire. Certains éléments de données probantes le confirment, mais l'intensité de l'effet est incertaine. Les résultats étaient basés sur 51 femmes qui ont développé un cancer du sein après avoir reçu du tamoxifène. Le niveau de confiance des données probantes était faible.

Dans l'ensemble, nous avons trouvé certaines données probantes suggérant que la modification de la densité mammaire après un traitement au tamoxifène est une information utile pour aider à déterminer l'efficacité du médicament à l'avenir. Cependant, la force de cet effet est très incertaine. Cela s'explique par le petit nombre de femmes dans les études, le nombre relativement faible d'études pour chaque critère de jugement et les limites de nombreuses études, comme la façon dont la modification de la densité mammaire a été mesurée. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour aider à évaluer ces questions.

Qualité des données probantes

Dans l'ensemble, nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes disponibles comme étant faible ou très faible.

Conclusions des auteurs: 

Il existe des données probantes d’un niveau de confiance faible ou très faible pour soutenir l'hypothèse selon laquelle la modification de la densité mammaire après une thérapie endocrinienne est un biomarqueur pronostique pour le traitement ou la prévention. Les études suggèrent une taille d'effet potentiellement importante avec le tamoxifène, mais les données probantes sont limitées. Il y a moins de données probantes suggérant que la modification de la densité mammaire après un traitement préventif au tamoxifène soit un biomarqueur prédictif plutôt qu'un biomarqueur pronostique. Les données probantes de la modification de la densité mammaire en tant que biomarqueur pronostique du traitement étaient plus fortes pour le tamoxifène que pour les inhibiteurs de l'aromatase. Il n'y a pas eu d'études rapportant des changements dans la densité mammographique après une thérapie endocrinienne comme biomarqueur prédictif dans le cadre du traitement, ni le traitement par inhibiteur de l'aromatase comme biomarqueur pronostique ou prédictif dans le cadre de la prévention. D'autres recherches sont nécessaires pour évaluer la densité mammographique en tant que biomarqueur pour toutes les classes de thérapie endocrinienne et pour revoir les critères de jugement.

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Contexte: 

La thérapie endocrinienne est efficace pour prévenir ou traiter le cancer du sein. Il a été démontré que certaines formes de thérapies endocriniennes réduisent la densité mammographique. La réduction de la densité mammographique chez les femmes recevant une thérapie endocrinienne pourrait être utilisée pour estimer le risque de récidive ou de développement d'un cancer du sein (biomarqueur pronostique). En outre, l'évolution de la densité mammographique pourrait permettre de prédire la réponse d'une femme à une thérapie endocrinienne (biomarqueur prédictif). Le rôle de la densité mammaire en tant que biomarqueur pronostique ou prédictif pourrait contribuer à améliorer la prise en charge du cancer du sein.

Objectifs: 

Évaluer les données probantes suggérant qu'une réduction de la densité mammographique après une thérapie endocrinienne visant à prévenir le du cancer du sein chez les femmes sans antécédents de cancer du sein, ou à traiter les femmes atteintes d'un cancer du sein à récepteurs hormonaux positifs au stade précoce, est un biomarqueur pronostique ou prédictif.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur le cancer du sein, CENTRAL, MEDLINE, Embase et deux registres d'essais le 3 août 2020, ainsi qu'une vérification des références, une recherche bibliographique et un contact avec les auteurs des études pour obtenir des données supplémentaires.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des études randomisées, de cohorte et cas-témoins portant sur des femmes adultes atteintes ou non d'un cancer du sein et recevant une thérapie endocrinienne. Les agents de thérapie endocrinienne inclus étaient les modulateurs sélectifs des récepteurs d'œstrogènes et les inhibiteurs d'aromatase. Nous avons requis une densité mammaire avant le début de la thérapie endocrinienne et lors du suivi. Nous avons inclus les études publiées en anglais.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard définies par Cochrane. Deux auteurs de la revue ont indépendamment extrait les données et évalué le risque de biais en utilisant les outils Quality in Prognostic Studies (QUIPS) et l’outil du risque de biais pour essais d’intervention non randomisés (ROBINS-I) adaptés. Nous avons utilisé l'approche GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes. Nous n'avons pas effectué de méta-analyse quantitative en raison de l'hétérogénéité importante entre les études.

Résultats principaux: 

Huit études répondaient à nos critères d'inclusion, dont sept ont fourni des données sur les critères de jugement énumérés dans le protocole (5786 femmes). Il y avait une hétérogénéité substantielle entre les études en ce qui concerne la conception, la taille de l'échantillon (349 à 1066 femmes), les caractéristiques des participantes, le suivi (5 à 14 ans) et l'agent de thérapie endocrinienne. Il y avait cinq mesures de densité mammaire et six définitions de changement de densité. Dans toutes les études, au moins un domaine était considéré comme présentant un risque de biais modéré ou élevé. Les préoccupations communes étaient de savoir si l'échantillon de l'étude reflétait la population cible de la revue, et les définitions post hoc probables du changement de densité mammaire.

La plupart des études sur le pronostic des femmes recevant une thérapie endocrinienne ont rapporté une réduction du risque associée à la réduction de la densité mammaire. Pour l'ensemble des critères, des contextes et des agents, les estimations ponctuelles du risque relatif (valeur la plus probable) se situaient entre 0,1 et 1,5, mais avec une grande incertitude. La plus grande cohérence a été observée dans la direction et l'ampleur de l'effet du tamoxifène (pour l'ensemble des critères et des contextes, les estimations ponctuelles du risque relatif étaient comprises entre 0,3 et 0,7). Les résultats sont résumés comme suit.

Résultats des biomarqueurs de pronostic :

Traitement

Mortalité par cancer du sein

Deux études portant sur 823 femmes sous tamoxifène (172 décès par cancer du sein) ont rapporté des estimations ponctuelles du risque relatif de ~0,4 et ~0,5 associées à une réduction de la densité. Le niveau de confiance des données probantes était faible.

Récidive

Deux études portant sur 1956 femmes sous tamoxifène ont rapporté des estimations ponctuelles du risque relatif de ~0,4 et ~0,7 associées à une réduction de la densité. Il y avait un risque de biais dans la méthodologie de conception et d'analyse des études et une incertitude considérable quant à la taille de l'effet.

Une étude portant sur 175 femmes recevant un inhibiteur de l'aromatase a rapporté une estimation ponctuelle du risque relatif de ~0,1 associée à une réduction de la densité. La taille de l'effet était très incertaine et le risque de biais était modéré ou élevé dans tous les domaines.

Une étude portant sur 284 femmes recevant de l'exémestane ou du tamoxifène dans le cadre d'un essai contrôlé randomisé a rapporté d'estimations ponctuelles du risque relatif de ~1,5 (récidive loco-régionale) et de ~1,3 (récidive à distance) associées à une réduction de la densité. Il y avait un risque de biais dans les rapports et de confusion dans l'étude, et une incertitude quant à la taille des effets.

Le niveau de confiance des données probantes pour tous les critères de récidive était très faible.

Incidence d'un cancer du sein primaire secondaire

Deux études portant sur 451 femmes sous exémestane, tamoxifène ou thérapie endocrinienne inconnue ont rapporté des estimations ponctuelles du risque relatif de ~0,5 et ~0,6 associées à une réduction de la densité. Il y avait un risque de biais dans les rapports et de confusion dans l'étude, et une incertitude quant à la taille de l'effet. Le niveau de confiance des données probantes était très faible.

Nous n'avons pas pu trouver de données concernant les neuf autres critères de jugement préspécifiés dans le protocole de la revue.

Prévention

Incidence du cancer du sein invasif et du carcinome canalaire in situ (CCIS)

Une étude portant sur 507 femmes sans cancer du sein qui recevaient du tamoxifène à titre préventif dans le cadre d'un essai contrôlé randomisé (51 cancers du sein ultérieurs) a rapporté une estimation ponctuelle du risque relatif de ~0,3 associée à une réduction de la densité. Le niveau de confiance des données probantes était faible.

Résultats des biomarqueurs prédictifs :

Une étude portant sur un sous-ensemble de 1065 femmes issues d'un essai contrôlé randomisé a permis d'évaluer dans quelle mesure l'effet de la thérapie endocrinienne pouvait s'expliquer par la diminution de la densité mammaire chez celles qui recevaient une thérapie endocrinienne. Cette étude a évalué la prévention du cancer du sein invasif et du CCIS. Nous avons trouvé quelques données probantes pour soutenir l'hypothèse, avec une estimation du point d'interaction du risque relatif de ~0,5. Cependant, l'intervalle de confiance à 95 % incluait l'unité, et les données étaient basées sur 51 femmes ayant un cancer du sein ultérieur dans le groupe tamoxifène. Le niveau de confiance des données probantes était faible.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Cyrine Ezzili et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.