Comparaison de différents intervalles d'injection dans la dégénérescence maculaire néovasculaire liée à l'âge

Quel est l’objectif de cette revue ?
L'objectif de cette revue Cochrane était de déterminer si les injections d’anti-facteur de croissance endothéliale vasculaire (anti-vascular endothelial grown factor, anti-VEGF) pour la forme néovasculaire de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA néovasculaire) peuvent être administrées moins fréquemment que tous les mois.

Principaux messages
Cette revue a révélé que les personnes recevant des injections mensuelles avaient une vision légèrement meilleure (une ou deux lettres de plus sur un tableau de test de vision, moins d'une demi ligne de vision) à un an par rapport aux personnes recevant des injections « à la demande » (moyenne : sept injections), mais il n'y avait pas de différence avec un protocole « à la demande » modifié appelé « treat and extend » [traiter et augmenter ou diminuer l'intervalle] (moyenne : neuf injections). Les personnes recevant des injections mensuelles ont reçu davantage d'injections, ce qui augmente le risque d'effets secondaires rares mais graves, tels que des infections.

Qu'étudie cette revue ?
La dégénérescence maculaire néovasculaire liée à l'âge survient chez les personnes âgées et affecte la partie centrale de la vision. Dans le cas de la DMLA néovasculaire, de nouveaux vaisseaux sanguins se développent à l'arrière de l'œil.

Les personnes atteintes de DMLA néovasculaire peuvent bénéficier d'injections de médicaments dans l'œil. Ces médicaments « anti-VEGF » bloquent la croissance de nouveaux vaisseaux sanguins. Actuellement, il y a une variation dans l’intervalle auquel ces injections sont administrées. Un plus grand nombre d'injections pourrait entraîner une meilleure vision mais aussi augmenter les risques, comme l'endophtalmie, une infection de l'œil qui menace la vue. Un plus grand nombre d'injections est également plus coûteux pour le service de santé.

Quels ont été les principaux résultats de la revue ?
Les chercheurs de Cochrane ont identifié 15 études (7732 participants) comparant les injections non mensuelles et mensuelles. Six des quinze études ont été financées par les fabricants de médicaments.

La revue a trouvé :

Les personnes ayant reçu des injections d'anti-VEGF moins fréquentes pourraient avoir une vision légèrement moins bonne à un an que les personnes ayant reçu des injections mensuelles lorsque les injections sont administrées « à la demande » (sept en moyenne). Il s'agit d'une différence d'une ou deux lettres supplémentaires lues sur un tableau de test de vision et d'une augmentation d'environ 10 % des chances d'obtenir 15 lettres de vision ou plus avec des injections mensuelles. Il n'y avait pas de données probantes indiquant une différence entre les injections mensuelles et le « treat and extend » (neuf injections en moyenne).

Le risque d'endophtalmie était plus élevé avec des injections mensuelles. L'endophtalmie est rare, puisqu'elle touche environ 8 personnes sur 1000 qui reçoivent des injections mensuelles pendant un an, et environ 1 personne sur 1000 (fourchette de 0 à 4) qui reçoit moins d'injections mensuelles « à la demande ».

Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?
La recherche a été mise à jour le 18 octobre 2019.

Conclusions des auteurs: 

Nous avons constaté qu'à un an, les protocoles mensuels sont probablement plus efficaces que les protocoles PRN utilisant sept ou huit injections la première année, mais la différence est faible et cliniquement insignifiante. L'endophtalmie est probablement plus fréquente avec des injections mensuelles et les différences de coût entre les protocoles sont plus importantes si l'on utilise l'aflibercept ou le ranibizumab par rapport au bévacizumab.

Ces données probantes ne s'appliquent qu'aux milieux dans lesquels les protocoles sont mis en œuvre tels que décrits dans les essais, alors que le sous-traitement est susceptible d'être courant dans le monde réel. Il n'existe pas de données issues d'ECR sur les effets à long terme des différents protocoles de traitement.

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Contexte: 

La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) est l'une des principales causes de cécité permanente dans le monde. Le principal traitement actuel de la DMLA néovasculaire est l'injection intravitréenne d’agents anti-facteurs de croissance endothéliaux vasculaires (anti-VEGF) : aflibercept, ranibizumab et bévacizumab (hors indication). Les injections peuvent être administrées tous les mois, tous les deux ou trois mois (protocoles fixes), ou à la demande (pro re nata (PRN)). Une variante du PRN est le « treat-and-extend », qui consiste à reprendre les injections si une récidive est détectée, puis à augmenter l’intervalle d’administration. Actuellement, la fréquence des injections varie selon les praticiens, ce qui souligne la nécessité de caractériser une approche optimisée de la gestion des DMLA néovasculaires.

Objectifs: 

Étudier les effets de l'injection intravitréenne mensuelle et non mensuelle d'un agent anti-VEGF chez les personnes souffrant de DMLA néovasculaire récemment diagnostiquée.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans les registres CENTRAL, MEDLINE, Embase, LILACS et dans trois registres d'essais de 2004 à octobre 2019 ; nous avons vérifié les références, consulté des résumés de conférences et contacté des sociétés pharmaceutiques pour identifier des études supplémentaires.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) qui comparent différents protocoles de traitement des agents anti-VEGF chez les personnes atteintes de DMLA néovasculaire récemment diagnostiquée. Nous avons considéré uniquement les doses standard (ranibizumab 0,5 mg, bévacizumab 1,25 mg, aflibercept 2,0 mg, ou une combinaison de ceux-ci).

Recueil et analyse des données: 

Nous avons utilisé les méthodes Cochrane standard pour la sélection des essais, l'extraction des données et l'analyse.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 15 ECR. Le nombre total de participants était de 7732, allant de 37 à 2457 dans chaque essai. Les essais ont été menés dans le monde entier. Parmi ceux-ci, six essais se sont déroulés exclusivement aux États-Unis, et trois d'entre eux concernaient des centres de plus d'un pays. Huit essais présentaient un risque élevé de biais pour au moins un domaine et tous les essais comportaient au moins un domaine présentant un risque de biais peu clair.

Sept essais (3525 participants) ont comparé un protocole PRN à un protocole d'injection mensuelle, dont cinq essais ont fourni quatre à huit injections en utilisant un PRN standard et trois ont fourni neuf ou dix injections en utilisant un protocole « treat-and-extend » au cours de la première année. La variation moyenne globale de la meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC) à un an était de +8,8 lettres dans le groupe d'injection mensuelle. Par rapport à l'injection mensuelle, il a été montré avec des données probantes d’un niveau de confiance modéré que la différence moyenne (DM) dans l'évolution de la MAVC à un an pour le sous-groupe standard du PRN était de -1,7 lettres (intervalle de confiance (IC) à 95 % : -2,8 à -0,6 ; 4 essais, 2299 participants), ce qui favorise les injections mensuelles. Il y a eu des données probantes d’un niveau de confiance faible suggérant une évolution similaire de la MAVC avec le sous-groupe « treat-and-extend » (0,5 lettres, IC à 95 % -3,1 à 4,2 ; 3 essais, 1226 participants).

Par rapport à l'injection mensuelle, des données probantes d’un niveau de confiance faible montraient que moins de participants ont gagné 15 lignes de vision ou plus avec le traitement PRN standard à un an (risque relatif (RR) 0,87, IC à 95 % 0,76 à 0,99 ; 4 essais, 2299 participants) et des données probantes d’un niveau de confiance faible montraient qu'un gain similaire a été obtenu avec le protocole « treat-and-extend » par rapport aux protocoles mensuels (RR 1,11, IC à 95 % 0,91 à 1,36 ; 3 essais, 1169 participants).

Le changement moyen de l'épaisseur de la rétine centrale a été une diminution de -166 μm dans le groupe d'injection mensuelle ; la DM par rapport au PRN standard était de 21 μm (IC à 95 % 6 à 32 ; 4 essais, 2215 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) et par rapport au « treat-and-extend » était de 22 μm (IC à 95 % 37 à -81 μm ; 2 essais, 635 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible), en faveur de l'injection mensuelle. Un seul essai (498 participants) a mesuré la qualité de vie et n'a rapporté de données probantes indiquant une différence entre les protocoles, mais les données n'ont pas pu être extraites (données probantes d’un niveau de confiance faible).

Les deux protocoles PRN (standard et « treat-and-extend ») utilisent moins d'injections que les protocole mensuels (PRN standard : DM d’injections -4,6 , IC à 95 % -5,4 à -3,8 ; 4 essais, 2336 participants ; « treat-and-extend » : -2,4 injections, IC à 95 % - 2,7 à - 2,1 injections ; données probantes d’un niveau de confiance modéré pour les deux comparaisons). Deux essais ont fourni des données sur les coûts (1105 participants, essais menés aux États-Unis et au Royaume-Uni). Ils ont constaté que les différences de coût entre les protocoles étaient réduites si le bévacizumab était utilisé plutôt que l'aflibercept ou le ranibizumab, car le bevacizumab était moins coûteux (données probantes d’un niveau de confiance faible).

Les protocoles PRN ont été associés à un risque réduit d'endophtalmie par rapport aux injections mensuelles (rapport des cotes (RC) de Peto 0,13, IC à 95 % 0,04 à 0,46 ; 6 ECR, 3175 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). En utilisant les données de tous les essais inclus dans cette revue, nous avons estimé le risque d'endophtalmie avec des injections mensuelles à 8 personnes sur 1000 par an. Le risque correspondant pour les personnes recevant des protocoles PRN était de 1 personne sur 1000 par an (IC à 95 % 0 à 4).

Trois essais (1439 participants) ont comparé un protocole fixe à intervalles de plus d’un mois (nombre d'injections rapporté dans un seul grand essai : 7.5 en un an) avec des injections mensuelles. Il y avait des données probantes d’un niveau de confiance modéré qui montraient que la MAVC à un an était similaire pour les injections fixes mensuelles et à intervalles de plus d’un mois (DM dans l’évolution de la MAVC par rapport au groupe fixe à intervalles de plus d’un mois : -1,3 lettres, IC à 95 % -3,9 à 1,3 ; RR de gagner 15 lettres ou plus : 0.94, IC à 95 % 0,80 à 1,10). Le changement d'épaisseur de la rétine centrale a été une diminution de 137 μm dans le groupe mensuel ; la DM avec le groupe fixe à intervalles de plus d’un mois était de 8 μm (IC à 95 % -11 à 27 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). La fréquence de l'endophtalmie était plus faible dans le protocole fixe à intervalles de plus d’un mois que dans le groupe mensuel, mais cette estimation était imprécise (RR 0,19, IC à 95 % 0,03 à 1,11 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Si l'on suppose un risque de 8 cas d'endophtalmie pour 1000 personnes recevant des injections mensuelles sur un an, le risque correspondant avec le protocole fixe à intervalles de plus d’un mois est de 2 sur 1000 personnes (IC à 95 % 0 à 9).

D'autres données probantes comparant différents protocoles fixes à intervalles de plus d’un mois ou de PRN n'ont pas donné de résultats concluants.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Valentin Arrous et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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