Deux techniques chirurgicales pour la greffe de cornée (remplacement de la partie claire de l'œil par du tissu prélevé sur un donneur)

Quel est l’objectif de cette revue ?
L’objectif de cette Revue Cochrane était de comparer deux façons différentes de réaliser une greffe de cornée : La kératoplastie endothéliale de la membrane de Descemet (DMEK) et la kératoplastie endothéliale avec stripping automatisé de la membrane de Descemet (DSAEK). Les auteurs de cette Revue Cochrane ont recueilli et analysé toutes les études pertinentes pour répondre à cette question. Ils ont trouvé quatre études.

Messages clés
Comparée à la DSAEK, la DMEK peut potentiellement améliorer la vision. La DMEK peut être associée à davantage de complications, mais celles-ci ne surviennent pas fréquemment et peuvent être traitées sans autre intervention chirurgicale.

Quel est le sujet de la revue ?
La cornée est la partie transparente à l’avant de l'œil. Dans le cas de certaines pathologies, telles que la dystrophie endothéliale de Fuchs, les cellules qui tapissent l’intérieur de la cornée (endothélium) rencontrent des difficultés de fonctionnement. En conséquence, la vision peut devenir trouble. Les médecins peuvent restaurer la vision en procédant à une greffe de cornée, c'est-à-dire en remplaçant le tissu cornéen par du tissu prélevé sur un donneur. Lorsque seul l'endothélium est remplacé, on parle de "kératoplastie endothéliale de la membrane de Descemet" ou DMEK. Une autre technique de greffe de cornée consiste à remplacer l'endothélium et la couche de tissu adjacente à celui-ci dans la cornée. C'est ce qu'on appelle la kératoplastie endothéliale avec stripping automatisé de la membrane de Descemet ou DSAEK.

Les auteurs de la Revue Cochrane avaient pour objectif de déterminer si la vision est meilleure après une DMEK ou une DSAEK, et quelles sont les différences entre les techniques en ce qui concerne les complications chirurgicales.

Quels sont les principaux résultats de la revue ?
Les auteurs de la Revue Cochrane ont trouvé quatre études. Ces études ont été menées sur des personnes qui ont subi une DSAEK dans leur premier œil puis une DMEK dans leur deuxième œil afin de recevoir une greffe de cornée. Ces études provenaient du Canada, de l'Allemagne, de l'Inde et des États-Unis. Aucune de ces études n'a été parrainée par des promoteurs ayant un intérêt commercial.

Les auteurs de la Revue Cochrane ont estimé que les données probantes étaient peu fiables, voir très peu fiables, parce qu'il peut y avoir des différences entre la première et la deuxième chirurgie oculaire (autres que la DMEK ou la DSAEK) et que, dans certains cas, les données étaient limitées ou incohérentes.

Les résultats étaient les suivants :

• Comparée à la DSAEK, la DMEK peut potentiellement améliorer la vision (preuve de faible fiabilité). Cette différence équivaut au fait de pouvoir lire une ou deux lignes de plus sur un tableau de vision.

• Aucune des personnes participant à ces études n'a subi de perte de vision grave après la chirurgie. La perte de vision grave a été définie comme une vision pire que 6/60 ou 20/200. Le nombre de personnes participant à ces études n’était pas assez élevé pour pouvoir mesurer de façon fiable ce critère de jugement peu fréquent (preuve de très faible fiabilité).

• Ces études ont mesuré le nombre de cellules présentes dans l'endothélium après l'intervention chirurgicale, mais elles ont révélé des résultats incohérents (preuve de très faible fiabilité).

• On a constaté une bonne survie des greffons chez la plupart des personnes ayant participé aux études, avec très peu de rejets de greffons et aucun échec des greffons. Le nombre de personnes participant à ces études n’était pas assez élevé pour mesurer de façon fiable ces critères de jugement peu fréquents (preuve de très faible fiabilité).

• La DMEK peut être associée à des complications chirurgicales plus précoces. Le décollement du greffon peut survenir chez une ou deux personnes sur 100 ayant subi une DSAEK, et environ cinq fois plus fréquemment dans le cas d’une DMEK. Cette différence n'a pas été mesurée de façon fiable et pourrait être moins importante ou au contraire beaucoup plus importante (preuve de très faible fiabilité). Le décollement du greffon se produit dans les jours ou les semaines qui suivent l'intervention chirurgicale et est habituellement traité par une injection d'air dans l'œil (" re-bubbling").

Cette revue est-elle à jour ?
Les auteurs de la Revue Cochrane ont recherché des études publiées jusqu'en août 2017.

Conclusions des auteurs: 

Cette revue comprenait des études menées sur des personnes atteintes d'insuffisance de l'endothélium cornéen due à une DEF pour lesquelles une DMEK et une DSAEK peuvent être envisagées. On a trouvé des preuves de faible fiabilité selon lesquelles la DMEK offre un certain avantage en termes de MAVC finale. Cependant cette technique peut être à l’origine de davantage de décollements de greffons nécessitant une injection d’air en chambre antérieure (très faible certitude des preuves).

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Contexte: 

La greffe d'endothélium cornéen est devenue la technique de référence pour le traitement des dysfonctionnements de l'endothélium cornéen, remplaçant la greffe de pleine épaisseur, connue sous le nom de kératoplastie transfixiante. La transplantation endothéliale cornéenne a été décrite à l'aide de deux techniques différentes : La kératoplastie endothéliale de la membrane de Descemet (DMEK) et la kératoplastie endothéliale avec stripping automatisé de la membrane de Descemet (DSAEK). Aujourd’hui, ces deux techniques sont encore pratiquées dans le monde entier.

Objectifs: 

Comparer l'efficacité et l'innocuité de la kératoplastie endothéliale de la membrane de Descemet (DMEK) par rapport à la kératoplastie endothéliale avec stripping automatisé de la membrane de Descemet (DSAEK) pour le traitement de la défaillance endothéliale cornéenne chez les personnes atteintes de dystrophie endothéliale de Fuchs (DEF) et de kératopathie bulleuse du pseudophaque (PBK).

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) (qui contient le Registre d’essais du groupe Cochrane sur l’ophtalmologie) (2017, numéro 7) ; MEDLINE Ovid ; Embase Ovid ; LILACS BIREME ; le registre ISRCTN ; ClinicalTrials.gov et la plate-forme d'essais cliniques internationale (ICTRP) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Nous avons effectué notre recherche le 11 août 2017.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) et les études non randomisées sur yeux controlatéraux couplés dans tout contexte où la DMEK a été comparée à la DSAEK afin de traiter les personnes atteintes d'insuffisance endothéliale cornéenne.

Recueil et analyse des données: 

Deux des auteurs ont examiné les résultats de la recherche, évalué la qualité des essais et extrait les données à l'aide des procédures méthodologiques standards prévues par Cochrane. Notre critère principal était la meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC), mesurée en logarithme de l'angle minimal de résolution (logMAR). Les critères de jugement secondaires étaient le nombre de cellules endothéliales, le rejet de greffon, la défaillance primaire du greffon et le décollement du greffon. Nous avons évalué le risque de biais des études non randomisées (NRS) à l'aide de ROBINS-I.

Résultats principaux: 

Nous n'avons pas trouvé d'ECR, mais nous avons trouvé quatre études non randomisées (NRS) réalisées sur 72 participants (144 yeux) qui avaient subi une DSAEK dans un œil suivie d’une DMEK dans l'autre œil. Toutes les études comprenaient des participants adultes pour lesquels les données indiquaient la présence d’une DEF ou d'une insuffisance endothéliale nécessitant une greffe de cornée pour le traitement de la déficience visuelle. Nous n’avons trouvé aucune étude incluant la PBK. Les essais ont été publiés entre 2011 et 2015, et nous les avons évalués comme étant à risque élevé de biais en raison de facteurs de confusion inconnus potentiels puisque la DSAEK a précédé la DMEK chez tous les participants. Deux études ont rapporté des résultats à 12 mois, une à 6 mois et une entre 6 et 24 mois. Après un an, l'utilisation de la DMEK en cas de défaillance endothéliale peut potentiellement entraîner une meilleure MAVC par rapport à l’utilisation de la DSAEK (différence moyenne (DM) -0,14, intervalle de confiance à 95 % (IC) -0,18 à -0,10 logMAR, 4 études, 140 yeux, preuves peu fiables). Aucun des participants n'a subi de perte visuelle grave (MAVC de 1,0 logMAR ou plus ; preuve de très faible fiabilité). En ce qui concerne les données sur la numération des cellules endothéliales (4 études, 134 yeux), il est difficile de tirer des conclusions puisque deux études n'ont suggéré aucune différence et les deux autres ont rapporté que la DMEK fournit une densité cellulaire plus élevée après un an (preuve de très faible fiabilité). Dans les quatre études (144 yeux), aucune défaillance primaire du greffon et un seul rejet de greffon ont été enregistrés (preuve de très faible fiabilité). Les complications les plus couramment signalées étaient les décollements de greffons. Ils ont été enregistrés chez un ou deux sur 100 participants ayant subi une DSAEK, mais ils étaient plus fréquents avec la DMEK, bien que cette différence n'ait pu être estimée avec précision (risque relatif (RR) 5,40, IC à 95 % : 1,51 à 19,3 ; 4 études, 144 yeux, preuves de très faible fiabilité).

Notes de traduction: 

Post-édition : Antoine Rozier - Révision : Luisa Correa (M2 ILTS, Université Paris Diderot)

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.