Les traitements topiques et à l’aide de dispositifs sont-ils efficaces chez les personnes souffrant d'infections fongiques des ongles d'orteils ?

Problématique de la revue

Nous avons examiné les données probantes sur l'effet des traitements topiques et des traitements à l’aide de dispositifs pour les infections fongiques des ongles d'orteil (onychomycose des ongles d'orteil), en les comparant entre eux, à un placebo (un traitement identique mais inactif), à un vecteur (des ingrédients inactifs qui aident à administrer un traitement actif) ou à l’absence de traitement. Nous avons évalué des adultes, dont l'infection a été diagnostiquée sur la base de l'étude d'échantillons d'ongles.

Contexte

L'onychomycose des ongles d'orteil provoque des douleurs, une gêne et un préjudice esthétique. Les traitements topiques et à l’aide de dispositifs peuvent présenter moins de risques d'interactions médicamenteuses ou d'effets secondaires que les médicaments oraux. Les médicaments antifongiques sont soit fongistatiques (inhibant la croissance des champignons), soit fongicides (tuant les pathogènes fongiques). L'objectif commun des dispositifs (par exemple, le laser, la photothérapie dynamique) est la destruction des champignons.

Caractéristiques de l'étude

Lors des recherches effectuées jusqu'en mai 2019, nous avons trouvé 56 études comprenant 12 501 hommes ou femmes (âge moyen : 27 à 68 ans) présentant principalement une onychomycose légère à modérée des ongles d'orteil. La durée de l'onychomycose était sous-déclarée, mais variait de quelques mois à quelques années. Environ 63 % des études ont évalué l'onychomycose causée par des dermatophytes (champignons). La plupart des études ont duré de 48 à 52 semaines et ont été menées dans un cadre ambulatoire. Les études ont utilisé, soit des traitements à l’aide de dispositifs, soit des traitements topiques, comprenant des vernis et des crèmes, seuls ou en association, comparés les uns aux autres, à l’absence de traitement, à un vecteur ou à un placebo.

Principaux résultats

Pour les principaux résultats suivants, le traitement a duré 36 ou 48 semaines, et les critères de jugement étaient évalués entre 40 et 52 semaines (les effets secondaires ont été mesurés tout au long de l'étude).

Par rapport au vecteur (pas de traitement), la solution topique d’éfinaconazole à 10 % est meilleure pour obtenir une guérison complète (c'est-à-dire un ongle d'apparence normale associé à une élimination des champignons déterminée par des méthodes de laboratoire) (données probantes de haute qualité). La solution de tavaborole à 5% (par rapport au vecteur) et le P-3051 (hydrovernis au ciclopirox 8%) (par rapport à deux autres traitements : vernis au ciclopirox 8% ou amorolfine 5%) sont probablement meilleurs pour atteindre ce résultat (données probantes de qualité modérée pour les deux comparaisons). Le vernis au ciclopirox à 8 % pourrait conduire à des taux de guérison complète plus élevés que le vecteur, mais les taux sont faibles (on ne peut pas s'attendre à ce que tous les patients obtiennent une guérison complète) (données probantes de faible qualité).

Le vernis au ciclopirox 8% et l'éfinaconazole 10% sont probablement plus efficaces pour éliminer le champignon (traitement mycologique) que le vecteur, mais pour le P-3051 (hydrovernis au ciclopirox 8%), il n’existe probablement que peu ou pas de différence par rapport aux deux traitements de comparaison (toutes des données probantes de qualité modérée). Le tavaborole 5 % améliore la guérison mycologique par rapport au vecteur (données probantes de qualité élevée).

Nous n'avons pas trouvé de preuve d'une différence dans les effets secondaires, y compris les rougeurs, les éruptions et les brûlures, entre le P-3051 (hydrovernis au ciclopirox 8%) et les deux autres traitements (données probantes de faible qualité). Le vernis au ciclopirox 8% pourrait augmenter les effets secondaires, y compris les réactions au site d'application, les éruptions et les changements de l'ongle, par rapport au vecteur, bien que les effets du traitement varient, il est donc possible qu'il n’y ait en fait que peu ou pas de différence (données probantes de faible qualité). Par rapport au vecteur, les participants étaient légèrement plus susceptibles de présenter des effets secondaires (généralement des dermatites et des vésicules) avec l'éfinaconazole 10 % (données probantes de qualité élevée) et probablement plus susceptibles de présenter des effets secondaires avec le tavaborole 5 % (généralement, des réactions au site d'application, telles que dermatites, rougeurs et douleurs) (données probantes de qualité modérée).

Nous sommes incertains de l'effet du luliconazole à 5 % sur la guérison complète par rapport au vecteur (données probantes de très faible qualité) ; il se peut qu'il n’y ait que peu ou pas de différence entre ces groupes en ce qui concerne les effets secondaires (peau sèche, eczéma et épaississement de la peau ont été fréquemment rapportés, mais se sont améliorés après l'arrêt du traitement), et la solution de luliconazole à 5 % pourrait augmenter la guérison mycologique ; cependant, les effets de ce traitement varient, il est donc possible qu'il n’y ait en fait que peu ou pas de différence dans la guérison mycologique (données probantes de faible qualité dans les deux cas).

Trois études ont comparé le laser à l'absence de traitement ou à un traitement fictif, et il se peut qu'il n'y ait que peu ou pas de différence dans la guérison mycologique (données probantes de faible qualité). La guérison complète n'a pas été mesurée, et nous ne savons pas s'il existe une différence dans les effets secondaires entre les groupes (données probantes de très faible qualité).

La solution d'éfinaconazole à 10 % est plus efficace pour obtenir une guérison clinique que le vecteur (données probantes de qualité élevée) ; aucune des autres comparaisons clés n'a mesuré ce critère de jugement.

Valeur probante des données

Nous basons nos conclusions sur des données probantes de qualité variable. Pour la guérison complète, la guérison mycologique et les effets secondaires, la qualité variait de faible à élevée, avec des données probantes de très faible qualité pour trois résultats clés.

De nombreuses études étaient de petite taille, avaient des problèmes de design et ne comparaient pas directement les traitements. Aucune étude n'a fait état de la qualité de vie.

Conclusions des auteurs: 

En ce qui concerne l'évaluation de la guérison complète, des données probantes de qualité élevée soutiennent l'efficacité de l'éfinaconazole, des données probantes de qualité modérée soutiennent le P-3051 (hydrovernis au ciclopirox 8%) et le tavaborole, et des données probantes de faible qualité soutiennent le vernis au ciclopirox 8%. Nous ne savons pas si la solution de luliconazole à 5% conduit à une guérison complète (données probantes de très faible qualité) ; ce critère de jugement n'a pas été mesuré par la comparaison avec le laser Nd:YAG 1064-nm. Bien que les données probantes appuient les traitements topiques, les taux de guérison complète avec des traitements topiques sont relativement faibles.

Nous ne savons pas si le laser Nd:YAG 1064-nm augmente les effets indésirables par rapport à l'absence de traitement ou à un traitement fictif (données probantes de très faible qualité). Des données probantes de faible qualité indiquent qu'il n'y a pas de différence dans les événements indésirables entre le P-3051 (hydrovernis au ciclopirox), la solution de luliconazole à 5% et leurs comparateurs. Le vernis au ciclopirox à 8 % pourrait augmenter les effets indésirables (données probantes de faible qualité). Des données probantes de qualité élevée à modérée suggèrent une augmentation des effets indésirables avec la solution d'éfinaconazole à 10 % ou la solution de tavaborole à 5 %.

Nous avons rétrogradé les données probantes au regard de leur hétérogénéité, de l'absence de mise en insu et de la petite taille des échantillons. Il existe une incertitude quant à l'efficacité des traitements basés sur des dispositifs, qui étaient sous-représentés ; 80% des études ont évalué les traitements topiques, mais nous n'avons pas pu évaluer tous les traitements topiques actuellement pertinents.

Les futures études sur les traitements topiques et les traitements basés sur des dispositifs devraient être réalisées en insu, avec des critères de jugement centrés sur le patient et une taille d'échantillon adéquate. Ils devraient préciser l'organisme responsable et comparer directement les traitements.

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Contexte: 

L'onychomycose est une infection fongique de l'appareil unguéal pouvant provoquer des douleurs, une gêne et un préjudice esthétique. Il s'agit d'une mise à jour d'une revue Cochrane publiée en 2007 ; un nombre important de nouvelles recherches justifie une revue portant exclusivement sur les ongles d'orteil.

Objectifs: 

Évaluer les effets cliniques et mycologiques des médicaments topiques et des traitements basés sur des dispositifs pour l'onychomycose des ongles d'orteil.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans les bases de données suivantes jusqu'en mai 2019 : le registre spécialisé du Cochrane Skin Group, CENTRAL, MEDLINE, Embase et LILACS. Nous avons également consulté cinq registres d'essais cliniques et vérifié les bibliographies des études inclues et exclues pour trouver d’autres essais contrôlés randomisés pertinents.

Critères de sélection: 

Essais contrôlés randomisés de traitements topiques et basés sur des dispositifs pour l'onychomycose, chez des participants atteints d'onychomycose des ongles d'orteil, confirmée par des cultures, un examen direct ou un examen histologique des ongles positifs. Les comparateurs éligibles étaient le placebo, le vecteur, l'absence de traitement, ou un traitement topique actif ou à l’aide d’un dispositif.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard définies par Cochrane. Les critères de jugement principaux étaient le taux de guérison complète (ongle d'apparence normale plus élimination des champignons, déterminée à l'aide de méthodes de laboratoire) et le nombre de participants rapportant des effets indésirables liés au traitement.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 56 études (12 501 participants, âge moyen : 27 à 68 ans), avec principalement des onychomycoses légères à modérées sans atteinte de la matrice (lorsque cela était rapporté). Les participants avaient plus d'un ongle d'orteil affecté. La plupart des études ont duré de 48 à 52 semaines ; 23 % ont fait état de la durée de la maladie (variable). Trente-cinq études ont spécifiquement examiné les onychomycoses dermatophytiques. Quarante-trois études ont été menées en milieu ambulatoire. La plupart des études ont évalué les traitements topiques, 9 % les dispositifs, et 11 % les deux.

Nous avons évalué trois études comme présentant un faible risque de biais dans tous les domaines. Le domaine à haut risque le plus courant était le biais de performance. Nous présentons les résultats des comparaisons clé, pour lesquels la durée du traitement était de 36 ou 48 semaines, et les critères de jugement cliniques étaient mesurés entre 40 et 52 semaines.

Selon deux études (460 participants), et par rapport au vecteur, le vernis au ciclopirox à 8 % pourrait être plus efficace pour obtenir une guérison complète (rapport de risque (RR) 9,29, intervalle de confiance (IC) à 95 % 1,72 à 50,14 ; données probantes de faible qualité) et est probablement plus efficace pour obtenir une guérison mycologique (RR 3,15, IC à 95 % 1,93 à 5,12 ; données probantes de qualité modérée). Le vernis au ciclopirox pourrait entraîner une augmentation des effets indésirables, généralement des réactions à l'application, des éruptions cutanées et une altération des ongles (par exemple, de la couleur, de la forme). Cependant, l'IC à 95% indique que le vernis au ciclopirox pourrait en fait ne faire que peu ou pas de différence (RR 1,61, IC à 95% 0,89 à 2,92 ; données probantes de faible qualité).

La solution d'éfinaconazole à 10 % est plus efficace que le vecteur pour obtenir une guérison complète (RR 3,54, IC à 95 % 2,24 à 5,60 ; 3 études, 1 716 participants) et une guérison clinique (RR 3,07, IC à 95 % 2,08 à 4,53 ; 2 études, 1 655 participants) (données probantes de qualité élevée pour les deux) et est probablement plus efficace pour obtenir une guérison mycologique (RR 2,31, IC à 95 % 1,08 à 4,94 ; 3 études, 1 716 participants ; données probantes de qualité modérée). Le risque d'événements indésirables (tels que des dermatites et des vésicules) était légèrement plus élevé avec l'éfinaconazole (RR 1,10, IC à 95 % 1,01 à 1,20 ; 3 études, 1 701 participants ; données probantes de qualité élevée). Aucune autre comparaison clé n'a mesuré la guérison clinique.

Selon deux études, et par rapport au vecteur, la solution de tavaborole à 5 % est probablement plus efficace pour obtenir une guérison complète (RR 7,40, IC à 95 % 2,71 à 20,24 ; 1 198 participants), mais présente probablement un risque plus élevé d'événements indésirables (des réactions au site d'application ont été le plus souvent rapportées) (RR 3,82, IC à 95 % 1,65 à 8,85 ; 1 186 participants (données probantes de qualité modérée pour les deux)). Le tavaborole améliore la guérison mycologique (RR 3,40, IC à 95 % 2,34 à 4,93 ; 1 198 participants ; données probantes de qualité élevée).

Des données de qualité modérée provenant de deux études (490 participants) indiquent que le P-3051 (hydrovernis au ciclopirox 8%) est probablement plus efficace que les comparateurs, que sont le vernis au ciclopirox 8% ou l’amorolfine 5%, pour obtenir une guérison complète (RR 2,43, IC à 95% 1,32 à 4,48), mais il n’existe probablement que peu ou pas de différence entre les traitements pour ce qui est de l’obtention d’une guérison mycologique (RR 1,08, IC à 95% 0,85 à 1,37). Nous n'avons trouvé aucune différence dans le risque d'événements indésirables (RR 0,60, IC à 95% 0,19 à 1,92 ; 2 études, 487 participants ; données probantes de faible qualité). Les événements les plus courants étaient l'érythème, l'éruption et la brûlure.

Trois études (112 participants) ont comparé le laser Nd:YAG 1064-nm à l'absence de traitement ou à un traitement fictif. Nous ne savons pas s'il existe une différence dans les effets indésirables (données probantes de très faible qualité) (deux études ; 85 participants). Il pourrait n’y avoir que peu ou pas de différence dans la guérison mycologique à 52 semaines (RR 1,04, IC à 95 % 0,59 à 1,85 ; 2 études, 85 participants ; données probantes de faible qualité). La guérison complète n'a pas été mesurée.

Une étude (293 participants) a comparé la solution de luliconazole à 5 % à un vecteur. Nous ne savons pas si le luliconazole entraîne des taux plus élevés de guérison complète (données probantes de très faible qualité). Des données probantes de faible qualité indiquent qu'il pourrait n’y avoir que peu ou pas de différence dans les effets indésirables (RR 1,02, IC à 95% 0,90 à 1,16) et qu'il pourrait y avoir une augmentation de la guérison mycologique avec le luliconazole ; cependant, l'IC à 95% indique que le luliconazole pourrait ne faire que peu ou pas de différence dans la guérison mycologique (RR 1,39, IC à 95% 0,98 à 1,97). Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés étaient la peau sèche, la paronychie, l'eczéma et l'hyperkératose, qui s'amélioraient ou se résolvaient après le traitement.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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