Question de la revue
La pose de diabolos dans les deux oreilles (avec ou sans ablation chirurgicale concomitante des végétations adénoïdes) est-elle bénéfique pour les enfants souffrant d’infections aiguës récurrentes de l’oreille moyenne ?
Contexte
L’infection aiguë de l’oreille moyenne est l’une des maladies infantiles les plus fréquentes. Alors que la plupart des enfants sont atteints d’épisodes occasionnels, certains souffrent d’infections récurrentes de l’oreille (trois infections ou plus sur une période de six mois, ou quatre ou plus dans la même année). Ce genre d’infections récurrentes causent une détresse importante en raison d’épisodes fréquents de douleurs aux oreilles, fièvre, maladie généralisée, nuits sans sommeil et temps perdu à la crèche ou à l’école pour l’enfant et au travail pour leurs aidants. Les diabolos, également connus sous le nom d’aérateurs ou de drains transtympaniques, peuvent être proposés comme traitement. Ce sont de minuscules tubes en plastique insérés dans le tympan par un chirurgien ORL lors d’une courte opération.
Caractéristiques de l’étude
Cette revue inclut des preuves jusqu’au 4 décembre 2017. Nous avons inclus cinq essais contrôlés randomisés portant sur un total de 805 enfants souffrant d’infections aiguës récurrentes de l’oreille moyenne. Toutes les études ont été réalisées avant l’introduction de la vaccination contre le pneumocoque, une bactérie qui provoque couramment des infections de l’oreille. Dans tous les essais, l’ablation chirurgicale des végétations adénoïdes n’était pas réalisée dans les deux groupes.
Principaux résultats
Nous avons principalement examiné la différence de proportion d’enfants qui n’avaient plus d’infections aiguës de l’oreille moyenne pendant trois à six mois de suivi (moyen terme), et qui avaient une perforation (trou) persistante du tympan. Nous avons également évalué certains autres critères, y compris la proportion d’enfants qui n’avaient plus d’épisodes d’infections aiguës de l’oreille moyenne.
Les diabolos par rapport à la surveillance active
Nous avons trouvé des preuves de faible qualité qu’à six et douze mois de suivi, moins d’enfants traités avec des diabolos souffraient d’épisodes d’infection de l’oreille par rapport à ceux pris en charge avec une surveillance active ; respectivement trois et huit enfants avaient besoin d’être traités avec des diabolos pour qu’un enfant en tire un bénéfice. Le nombre d’infections de l’oreille à six et douze mois de suivi était également plus faible dans le groupe avec diabolos ; cependant, la différence était au mieux modeste avec environ un épisode de moins à six mois et un effet moins perceptible à douze mois (preuves de faible à très faible qualité). Les enfants traités avec des diabolos n’avaient pas une meilleure qualité de vie à quatre ou douze mois de suivi (preuves de faible qualité).
Les diabolos par rapport à une antibioprophylaxie
Il n’est pas sûr que les diabolos soient plus efficaces qu’une antibioprophylaxie ; nous avons trouvé des preuves de très faible qualité qu’à six mois, moins d’enfants traités avec des diabolos souffraient d’infections de l’oreille par rapport à ceux recevant une antibioprophylaxie (antibiotiques préventifs) ; cinq enfants avaient besoin d’être traités avec des diabolos pour qu’un enfant en tire un bénéfice. Cependant, le nombre d’infections de l’oreille à six mois n’était pas significativement différent entre les enfants traités avec des diabolos et ceux recevant une antibioprophylaxie (preuves de très faible qualité).
Les diabolos par rapport à des médicaments placebo
Nous avons trouvé des preuves de faible qualité qu’à six mois, un plus petit nombre d’enfants traités avec des diabolos souffraient d’infections de l’oreille par rapport à ceux recevant des médicaments placebo ; trois enfants avaient besoin d’être traités avec des diabolos pour qu’un enfant en tire un bénéfice. À six mois, le nombre d’infections de l’oreille était également plus faible dans le groupe avec diabolos ; cependant, la différence était au mieux modeste avec à peu près un épisode de moins (preuves de très faible qualité).
Les effets négatifs des diabolos n’étaient pas systématiquement rapportés dans les études. Deux études rapportaient le nombre d’enfants présentant une perforation persistante du tympan ; ce qui s’était produit respectivement chez 0 % (0/54) et 4 % (3/76) des enfants recevant des diabolos (preuves de faible qualité).
Qualité des preuves
Nous avons jugé que la qualité des preuves sur les bénéfices et les effets néfastes de la pose de diabolos dans les deux oreilles pour les enfants souffrant d’infections aiguës récurrentes de l’oreille moyenne était faible à très faible en raison des limitations des études (risque de biais) et de la petite à très petite taille d’échantillons des études incluses (conduisant à une estimation imprécise des effets). Cela signifie que les conclusions de cette étude doivent être interprétées avec prudence étant donné que les effets réels des diabolos dans ce groupe d’enfants pourraient être différents des chiffres présentés.
Les preuves actuelles sur l’efficacité des diabolos chez les enfants souffrant d’OMA récurrentes sont limitées à cinq ECR présentant un risque de biais peu clair ou élevé, et qui ont été réalisés avant l’introduction de la vaccination contre le pneumocoque. Des preuves de faible à très faible qualité suggèrent que les enfants recevant des diabolos sont moins susceptibles d’avoir des récidives d’OMA par rapport à ceux qui sont pris en charge par une surveillance active et un médicament placebo, mais l’ampleur de l’effet est modeste avec environ un épisode de moins à six mois et un effet moins perceptible à 12 mois. La faible à très faible qualité des preuves signifie que ces chiffres doivent être interprétés avec prudence étant donné que les effets réels pourraient être sensiblement différents. Il n’est pas certain que les diabolos sont plus efficaces qu’une antibioprophylaxie. Le risque de perforation persistante de la membrane tympanique après la pose de diabolos était faible.
L’utilisation généralisée de la vaccination contre le pneumocoque a changé la bactériologie et l’épidémiologie des OMA, et on ignore l’impact que cela pourrait avoir sur les résultats d’essais antérieurs. De nouveaux ECR de haute qualité étudiant la pose de diabolos chez les enfants souffrant d’OMA récurrentes sont donc nécessaires. Ces essais ne devraient pas seulement se concentrer sur la fréquence des récidives d’OMA, mais également collecter des données sur la sévérité des épisodes d’OMA, la consommation d’antibiotiques et les effets indésirables à la fois de la chirurgie et des antibiotiques. Ceci est particulièrement important puisque les diabolos pourraient réduire la gravité des récidives d’OMA et permettre l’utilisation d’un traitement antibiotique topique plutôt que par voie orale.
L’otite moyenne aiguë (OMA) est l’une des maladies infantiles les plus fréquentes. Alors que beaucoup d’enfants subissent des épisodes sporadiques d’OMA, un large groupe souffre d’OMA récurrentes, définies comme trois épisodes ou plus sur six mois, ou quatre ou plus dans la même année. Dans ce sous-groupe d’enfants, les OMA représentent un vrai fardeau en raison d’épisodes fréquents de douleurs aux oreilles, de maladie généralisée, de nuits sans sommeil et du temps perdu à la crèche ou à l’école. Les diabolos, également connus sous le nom d’aérateurs ou de drains transtympaniques peuvent être proposés comme traitement des OMA récurrentes.
Évaluer les avantages et les inconvénients d’une insertion bilatérale de diabolos avec ou sans ablation concomitante des végétations adénoïdes chez les enfants souffrant d’OMA récurrentes.
Le spécialiste en informations ORL de Cochrane a effectué des recherches sur le registre Cochrane des essais ORL ; CENTRAL ; MEDLINE ; EMBASE ; CINAHL ; Web of Science ; ClinicalTrials.gov ; le système d’enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l’OMS et d’autres sources afin de trouver des essais publiés et non publiés. Les recherches ont été effectuées le 4 décembre 2017.
Des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant l’insertion bilatérale de diabolos, avec ou sans ablation concomitante des végétations adénoïdes, et l’absence d’intervention chirurgicale de l’oreille chez des enfants âgés de moins de 16 ans souffrant d’OMA récurrentes. Nous avions prévu d’appliquer deux scénarios principaux : des diabolos comme seule intervention chirurgicale et des diabolos comme traitement concomitant à une ablation des végétations adénoïdes (c.-à-d. que les enfants des groupes d’intervention et de comparaison ont tous subi une ablation des végétations). Les comparaisons incluaient une surveillance active, une antibioprophylaxie et un médicament placebo.
Nous avons utilisé les procédures méthodologiques standard prévues par Cochrane. Les critères d’évaluation principaux étaient : la proportion d’enfants qui n’ont aucune récidive d’OMA sur trois à six mois de suivi (moyen terme) et la présence d’une perforation persistante de la membrane tympanique (événement indésirable notable). Les critères d’évaluation secondaires étaient : la proportion d’enfants qui n’ont aucune récidive d’OMA sur six à 12 mois de suivi (long terme) ; le nombre total de récidives d’OMA, la qualité de vie liée à la santé spécifique à la maladie et la qualité de vie liée à la santé générale, la présence d’épanchements de l’oreille moyenne et d’autres événements indésirables sur le suivi à court, moyen et long terme. Nous avons utilisé le système GRADE pour évaluer la qualité des preuves pour chaque critère d’évaluation ; la qualité est indiquée en italiques.
Cinq ECR (805 enfants) présentant un risque de biais peu clair ou élevé ont été inclus. Toutes les études ont été effectuées avant l’introduction de la vaccination contre le pneumocoque dans les programmes nationaux de vaccination des pays concernés. Dans tous les essais, l’ablation des végétations adénoïdes n’a pas été réalisée de façon concomitante dans les deux groupes.
Les diabolos par rapport à la surveillance active
Les diabolos étaient plus efficaces que la surveillance active en matière de :
- proportion d’enfants qui n’avaient aucune récidive d’OMA à six mois (une étude ; 95 enfants ; 46 % contre 5 % ; risque relatif [RR] 9,49 ; intervalle de confiance [IC] à 95 % 2,38 à 37,80, nombre de sujets à traiter [NST] 3 ; preuves de faible qualité) ;
- proportion d’enfants qui n’avaient aucune récidive d’OMA à 12 mois (une étude ; 200 enfants ; 48 % contre 34 % ; RR 1,41 ; IC à 95 % 1,00 à 1,99 ; NST 8 ; preuves de faible qualité) ;
- nombre de récidives d’OMA à six mois (une étude, 95 enfants, nombre moyen de récidives d’OMA par enfant : 0,67 contre 2,17 ; différence moyenne [DM] -1,50 ; IC à 95 % -1,99 à -1,01 ; preuves de faible qualité) ;
- nombre de récidives d’OMA à 12 mois (une étude ; 200 enfants ; taux d’incidence d’OMA à un an : 1,15 contre 1,70 ; différence de taux d’incidence -0,55 ; IC à 95 % -0,17 à -0,93 ; preuves de faible qualité).
Les enfants ayant reçu des diabolos n’avaient pas une meilleure qualité de vie liée à la santé spécifique à la maladie (questionnaire Otitis Media-6) à quatre mois (une étude, 85 enfants) ou 12 mois (une étude, 81 enfants) que les enfants pris en charge par une surveillance active (preuves de faible qualité).
Une étude rapportait une absence de perforation persistante de la membrane tympanique des 54 enfants ayant reçu des diabolos (preuves de faible qualité).
Les diabolos par rapport à une antibioprophylaxie
Il n’est pas certain que les diabolos sont plus efficaces qu’une antibioprophylaxie en matière de :
- proportion d’enfants qui n’avaient aucune récidive d’OMA à six mois (deux études ; 96 enfants ; 60 % contre 35 % ; RR 1,68 ; IC à 95 % 1,07 à 2,65 ; I2 = 0 % ; modèle à effets fixes ; NST 5 ; preuves de très faible qualité) ;
- nombre de récidives d’OMA à six mois (une étude ; 43 enfants ; nombre moyen de récidives d’OMA par enfant : 0,86 contre 1,38 ; DM -0,52 ; IC à 95 % -1,37 à 0,33 ; preuves de très faible qualité).
Les diabolos par rapport à un médicament placebo
Les diabolos étaient plus efficaces qu’un médicament placebo en matière de :
- proportion d’enfants qui n’avaient aucune récidive d’OMA à six mois (une étude ; 42 enfants ; 55 % contre 15 % ; RR 3,64 ; IC à 95 % 1,20 à 11,04 ; NST 3 ; preuves de très faible qualité) ;
- nombre de récidives d’OMA à six mois (une étude ; 42 enfants ; nombre moyen de récidives d’OMA par enfant : 0,86 contre 2,0 ; DM -1,14 ; IC à 95 % -2,06 à -0,22 ; preuves de très faible qualité).
Une étude rapportait une perforation persistante de la membrane tympanique chez 3 enfants sur 76 (4 %) ayant reçu des diabolos (preuves de faible qualité).
Analyse de sous-groupes
Il n’y avait pas suffisamment de données pour déterminer si la présence d’un épanchement de l’oreille moyenne à la randomisation, le type de diabolo ou l’âge modifiaient l’efficacité des diabolos.
Traduction réalisée par Sophie Fleurdépine et révisée par Cochrane France