Les sondes d’intubation vidéo-assistées sont-elles plus efficaces que les instruments à visualisation directe chez l’adulte et provoquent-elles des effets indésirables ?

Principaux messages

Des appareils appelés laryngoscopes sont utilisés pour aider le personnel médical à insérer une sonde respiratoire en plastique dans la trachée d'une personne ayant besoin d'aide pour respirer. Une caméra vidéo peut être fixée à l'appareil. Nous avons constaté que les vidéolaryngoscopes améliorent généralement le succès de l'insertion d'un sonde respiratoire par rapport aux laryngoscopes conventionnels.

Qu'est-ce que l'intubation ?

Les personnes très malades ou subissant une intervention chirurgicale sous anesthésie générale pourraient avoir besoin d'aide pour respirer. Un membre du personnel médical qualifié pourrait être amené à placer une sonde en plastique souple dans la trachée d'une personne. C'est ce qu'on appelle l'intubation. Elle permet de maintenir les voies respiratoires ouvertes afin d’aider la personne à respirer.

Que sont les laryngoscopes ?

Pendant l'intubation, le personnel médical doit déplacer la langue et les tissus mous de la bouche afin de pouvoir voir les cordes vocales avant d'insérer le tube. Pour ce faire, ils utilisent un laryngoscope. Cependant, il peut être difficile de voir les cordes vocales, par exemple lorsque la personne est limitée dans ses mouvements du cou. Les difficultés d'intubation pourraient entraîner des complications, notamment un faible taux d'oxygène et, dans les cas extrêmes, la mort.

Dans cette revue, nous avons examiné deux types de laryngoscopes : les laryngoscopes directs Macintosh et les vidéolaryngoscopes. Le laryngoscope direct Macintosh est une pièce courbée en métal ou en plastique munie d'une poignée, conçue pour maintenir la langue et les tissus mous. Un vidéolaryngoscope utilise la technologie vidéo et permet au personnel médical de voir la position du tube sur un écran vidéo pendant son insertion. Il existe trois principaux modèles de vidéolaryngoscopes : le style Macintosh (avec une forme similaire à celle du laryngoscope traditionnel), le modèle hyperangulé (plus courbé que les autres laryngoscopes), et le type canalisé (avec une rainure pour guider la sonde respiratoire).

Qu'est-ce que la laryngoscopie ?

La laryngoscopie est une procédure médicale au cours de laquelle un appareil appelé laryngoscope est utilisé pour examiner le larynx et faciliter l'insertion d'une sonde respiratoire dans la trachée afin de protéger les voies respiratoires pendant une anesthésie ou lorsque les patients ont des difficultés à respirer. Les « laryngoscopes directs » reposent sur la visualisation directe du larynx pour y parvenir. Un « vidéolaryngoscope » intègre une technologie vidéo qui permet de visualiser le larynx sur un écran pendant l’intervention.

Que voulions-nous découvrir ?

Nous avons voulu savoir quel type de laryngoscope est le plus efficace pour l’intubation à la fois pour le personnel médical et les patients. Quel type de laryngoscope convient le mieux à certains groupes de patients : par exemple, ceux qui ont des restrictions cervicales ou qui sont obèses, les différents personnels médicaux (expérimentés ou moins expérimentés) et dans différents contextes (en milieu hospitalier ou non). Nous avons également voulu savoir si l'un des laryngoscopes provoque des effets indésirables.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché des études qui comparaient les laryngoscopes Macintosh aux trois différents types de vidéolaryngoscopes. Nous avons comparé et résumé leurs résultats, et évalué le niveau de confiance de données probantes en fonction de facteurs tels que le plan d'étude, les méthodes et le nombre de participants.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé 222 études portant sur 26 149 adultes intubés à l'aide d'un laryngoscope. La plupart des personnes subissaient une intervention chirurgicale et donc l'intubation était prévue ou attendue, mais certaines intubations ont eu lieu dans des situations d'urgence. La plupart des études ont inclus un mélange de personnes. Certaines études portaient sur des groupes sélectionnés comme les personnes obèses ou lorsque le personnel médical s'attendait à ce que l'intubation soit difficile. Les études ont été menées dans des pays du monde entier. Les fabricants de laryngoscopes étaient impliqués dans 14 des études.

Principaux résultats

Par rapport au laryngoscope Macintosh traditionnel, les trois types de vidéolaryngoscope réduisent probablement le nombre d'intubations échouées. Les vidéolaryngoscopes hyperangulés pourraient entraîner moins d'échecs d'intubation, en particulier chez les personnes dont les voies aériennes sont difficiles à intuber (ou dont les voies aériennes devraient être difficiles). Tous les vidéolaryngoscopes pourraient augmenter également les chances de réussite de l'intubation lors de la première tentative et pourraient améliorer la visualisation des cordes vocales.

Les vidéolaryngoscopes de type Macintosh et les vidéolaryngoscopes canalisés réduisent probablement le risque d’un faible taux d'oxygène, mais il pourrait y avoir peu ou pas de différence lorsqu'un vidéolaryngoscope hyperangulé est utilisé. L'utilisation d'un vidéolaryngoscope hyperangulé pourrait réduire le risque que la sonde respiratoire soit accidentellement insérée dans le tube digestif au lieu de la trachée. Les autres vidéolaryngoscopes pourraient réduire ou pas ce risque.

Aucun type de laryngoscope n'a augmenté ou réduit les dommages accidentels des dents mais nous sommes très incertains quant à ce résultat. Nous n'avons pas été en mesure de dire si l'un des laryngoscopes réduisait le temps d'intubation.

Quelles sont les limites des données probantes ?

Nous étions modérément convaincus que les vidéolaryngoscopes réduisent le risque d’échec des intubations. Le niveau de confiance est modéré à très faible dans nos autres conclusions. Les chercheurs n'ont pas pu dissimuler le type de laryngoscope utilisé par le personnel médical, ce qui pourrait avoir eu une incidence sur la manière dont ils ont effectué les intubations. Les études portaient sur différents types de personnes et les deux types de laryngoscope comportaient des bénéfices et des risques.

Ces données probantes sont-elles à jour ?

Cette revue met à jour notre revue précédente. Les données probantes sont à jour jusqu'en mars 2021.

Conclusions des auteurs: 

Les vidéolaryngoscopes, quelle que soit leur conception, réduisent probablement les taux d'échec d'intubation et entraînent des taux d’intubation réussies plus élevés lors de la première tentative, avec des visualisations de la glotte améliorées. Les vidéolaryngoscopes de type Macintosh et canalisés réduisent probablement les taux d'événements hypoxémiques, tandis que les vidéolaryngoscopes hyperangulés réduisent probablement les taux d'intubation œsophagienne. Nous concluons que la vidéolaryngoscopie offre probablement un profil de risque plus sûr que la laryngoscopie directe pour tous les adultes nécessitant une intubation trachéale.

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Contexte: 

L'intubation trachéale est une procédure courante utilisée pour préserver les voies respiratoires des adultes lors d’une intervention chirurgicale ou qui sont gravement malades. L'intubation est parfois associée à des difficultés et à des complications qui pourraient entraîner un préjudice pour le patient. Bien qu'elle soit traditionnellement réalisée par laryngoscopie directe, les trois dernières décennies ont vu l'avènement des vidéolaryngoscopes (VL) rigides indirects. Un nombre croissant de données probantes comparant les deux approches de l'intubation trachéale a été acquis au cours de cette période. Cette publication est une mise à jour d'une revue Cochrane publiée pour la première fois en 2016.

Objectifs: 

Déterminer si l'utilisation de différents modèles de VL chez les adultes nécessitant une intubation trachéale réduit le taux d'échec par rapport à la laryngoscopie directe, ainsi que d’évaluer les bénéfices et les risques de ces dispositifs dans des groupes de population, des utilisateurs et des contextes sélectionnés.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans MEDLINE, Embase, CENTRAL et Web of Science le 27 février 2021. Nous avons également effectué des recherches dans les bases de données d'essais cliniques et les comptes rendus de conférences, ainsi que des recherches de citations en amont et en aval.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) et des quasi-ECR sur des adultes subissant une laryngoscopie réalisée avec un VL ou un laryngoscope direct (LD) Macintosh dans n'importe quel contexte clinique. Nous avons inclus des études en groupes parallèles et des études croisées.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons suivi la méthodologie standard définie par Cochrane. Nous avons recueilli des données sur les critères de jugement suivants : l’échec de l'intubation, l’hypoxémie, l'intubation trachéale réussie à la première tentative, l’intubation œsophagienne, les traumatismes dentaires, la classification de Cormack-Lehane et le délai d'intubation trachéale.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 222 études (219 ECR, trois quasi-ECR) avec 26 149 participants subissant une intubation trachéale. La plupart des études ont recruté des adultes subissant une chirurgie élective nécessitant une intubation trachéale. Vingt-et-une études ont recruté des participants avec des voies respiratoires connues ou prévues comme étant difficiles et 25 autres études ont simulé des voies respiratoires difficiles. Vingt et une études ont été menées en dehors du contexte du bloc opératoire ; parmi celles-ci, six ont été réalisées dans un cadre préhospitalier, sept dans un service d’urgences et huit dans une unité de soins intensifs.

Nous rapportons ici les résultats des trois principales comparaisons selon le type de vidéolaryngoscope.

Nous avons abaissé le niveau de confiance des critères de jugement en raison d’une imprécision, des limites des études (comme des risques de biais élevés ou pas clairs) et d'incohérence lorsque nous avons remarqué une grande hétérogénéité statistique et des biais de publication.

Le vidéolaryngoscope de type Macintosh par rapport à la laryngoscopie directe (61 études, 9883 participants)

Un VL de type Macintosh réduirait probablement les taux d'échec de l'intubation (données probantes d’un niveau de confiance modéré, risque relatif (RR) 0,41, intervalle de confiance (IC) à 95 % entre 0,26 et 0,65 ; 41 études, 4615 participants) et d'hypoxémie (RR 0,72, IC à 95 % entre 0,52 et 0,99 ; 16 études, 2127 participants). Ces dispositifs pourraient augmenter également les taux de réussite lors de la première tentative d'intubation (RR 1,05, IC à 95 % entre 1,02 et 1,09 ; 42 études, 7311 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et amélioreraient probablement la visualisation de la glotte lorsqu'elle est évaluée selon la classification 3 et 4 de Cormack-Lehane (RR 0,38, IC à 95 % 0,29 à 0,48 ; 38 études, 4368 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Nous avons trouvé peu ou pas de différence nette dans les taux d'intubation œsophagienne (RR 0,51, IC à 95 % entre 0,22 et 1,21 ; 14 études, 2404 participants), mais ce résultat était fondé sur des données probantes d’un niveau de confiance faible. Nous n'étions pas sûrs des résultats concernant les traumatismes dentaires car le niveau de confiance des données probantes était très faible (RR 0,68, IC à 95 % entre 0,16 et 2,89 ; 18 études, 2297 participants). Nous n'étions pas en mesure de regrouper les données relatives au temps nécessaire à l'intubation trachéale en raison d'une hétérogénéité considérable (I2 = 96 %).

La vidéolaryngoscopie hyperangulée par rapport à la laryngoscopie directe (96 études, 11 438 participants)

Les VL hyperangulés réduisent probablement les taux d'échec d'intubation (données probantes d’un niveau de confiance modéré, RR 0,51, IC à 95 % entre 0,34 et 0,76 ; 63 études, 7146 participants) et d'intubation œsophagienne (RR 0,39, IC à 95 % entre 0,18 et 0,81 ; 14 études, 1968 participants). Dans une analyse de sous-groupe, nous avons remarqué que les VL hyperangulés étaient plus susceptibles de réduire les échecs d'intubation lorsqu'ils étaient utilisés sur des voies aériennes connues pour/susceptibles d’être difficiles (RR 0,29, IC à 95 % entre 0,17 et 0,48 ; P = 0,03 pour les différences de sous-groupe ; 15 études, 1520 participants). Nous avons également constaté que ces dispositifs pourraient augmenter les taux de réussite lors de la première tentative d'intubation (RR 1,03, IC à 95 % entre 1,00 et 1,05 ; 66 études, 8086 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et que la visualisation de la glotte est probablement aussi améliorée (RR 0,15, IC à 95 % entre 0,10 et 0,24 ; 54 études, 6058 participants ; données pour les visualisations de grade 3/4 de Cormack-Lehane ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Cependant, nous avons trouvé peu ou pas de différence nette dans les taux d'hypoxémie (données probantes d’un niveau de confiance faible, RR 0,49, IC à 95 % entre 0,22 et 1,11 ; 15 études, 1691 participants), et les résultats pour les traumatismes dentaires n'étaient pas clairs car le niveau de confiance était très faible (RR 0,51, IC à 95 % entre 0,16 et 1,59 ; 30 études, 3497 participants). Nous n'avons pas été en mesure de regrouper les données relatives au temps nécessaire à l'intubation trachéale en raison d'une hétérogénéité considérable (I2 = 99 %).

La vidéolaryngoscopie canalisée par rapport à la laryngoscopie directe (73 études, 7165 participants)

Nous avons trouvé des données probantes d’un niveau de confiance modéré sur le fait que les VL canalisés réduisent probablement les taux d'échec d'intubation (RR 0,43, IC à 95 % entre 0,30 et 0,61 ; 53 études, 5367 participants) et d'hypoxémie (RR 0,25, IC à 95 % entre 0,12 et 0,50 ; 15 études, 1966 participants). Ils augmenteraient également les taux de réussite lors de la première tentative d'intubation (RR 1,10, IC à 95 % entre 1,05 et 1,15 ; 47 études, 5210 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) et amélioreraient la visualisation de la glotte (RR 0,14, IC à 95 % entre 0,09 et 0,21 ; 40 études, 3955 participants ; données pour les grades 3/4 de visualisations de Cormack-Lehane ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Nous avons trouvé peu ou pas de différence claire dans les taux d'intubation œsophagienne (RR 0,54, IC à 95 % entre 0,17 et 1,75 ; 16 études, 1756 participants), mais cette conclusion était fondée sur des données probantes d’un niveau de confiance faible. Nous n'étions pas sûrs des résultats concernant les traumatismes dentaires car le niveau de confiance des données probantes était très faible (RR 0,52, IC à 95 % entre 0,13 et 2,12 ; 29 études, 2375 participants). Nous n'avons pas été en mesure de regrouper les données relatives au temps nécessaire à l'intubation trachéale en raison d'une hétérogénéité considérable (I2 = 98 %).

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Astrid.Zessler et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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