Interventions psychologiques, sociales et de protection sociale pour la santé psychologique et le bien-être des survivants de la torture

Pourquoi cette revue est-elle importante ?

La torture est un problème répandu qui peut causer des problèmes physiques, psychologiques, sociaux durables et affecter le bien-être des survivants. Différents organismes proposent un traitement : certains apportent leur aide dans différentes conditions, des camps de réfugiés aux pays à hauts revenus ; d'autres soutiennent les survivants dans les pays où la répression ou un conflit armé ont sévi ou sévissent encore. Les ressources disponibles pour ces interventions sont rares et il est donc important qu'elles soient utilisées de la manière la plus efficace pour améliorer le bien-être des survivants de la torture.

Qui pourrait être intéressé par cette revue ?

Les organismes procurant des services de santé et d'aide sociale aux survivants de la torture, les organisations qui financent ces organismes, les survivants de la torture et leurs proches.

Quelles sont les questions de cette revue ?

Quelle intervention améliore le bien-être des survivants de la torture ayant des problèmes psychologiques, sociaux et de protection sociale ?

Quelles études ont été incluses dans la revue ?

Nous avons effectué une recherche dans la littérature universitaire, mais aussi non universitaire, par exemple les rapports d'organisations non gouvernementales intervenant dans ce contexte, jusqu'à avril 2013 puis à nouveau jusqu'à juin 2014. Les études devaient décrire un essai contrôlé randomisé d'une intervention pour des problèmes psychologiques, sociaux ou de protection sociale parmi les survivants de la torture, adultes ou enfants. Nous avons trouvé neuf essais portant sur 507 adultes et examinant diverses interventions psychologiques en comparaison avec l'absence de traitement ou un autre traitement crédible. Six essais ont été réalisés dans des centres de traitement en Europe, et trois dans des camps de réfugiés en Afrique ; tous étaient axés sur le stress post-traumatique et étaient de qualité faible à modérée.

Que nous apportent les preuves de la revue ?

Des preuves de très faible qualité suggèrent qu'il n'y a pas de différences entre les thérapies psychologiques et les situations de contrôle en termes d'effet immédiat sur les symptômes post-traumatiques, la détresse ou la qualité de la vie. Cependant, à six mois de suivi, quatre études (86 personnes) montrent un bénéfice modéré sur le stress post-traumatique et la détresse. Trois essais concernaient une thérapie d'exposition narrative, et un autre une thérapie cognitivo-comportementale, mais nous avons peu de confiance dans ces résultats parce que les preuves étaient de très mauvaise qualité et les essais incluaient un très petit nombre de personnes. Aucune étude n'a évalué l'aggravation des problèmes ni les changements dans les relations familiales et sociales ou l'intégration dans la communauté, avec ou sans amélioration des symptômes.

Que se passe-t-il ensuite ?

Des études doivent identifier les objectifs plus larges des interventions et continuer à tester une série d'interventions adaptées à l'ampleur des problèmes des survivants de la torture. Les investigateurs doivent également évaluer les changements en les validant pour différentes cultures et langues.

Conclusions des auteurs: 

Des preuves de très faible qualité suggèrent qu'il n'y a pas de différences entre les thérapies psychologiques et les situations de contrôle en termes d'effet immédiat sur les symptômes post-traumatiques, la détresse ou la qualité de la vie. Toutefois, il est apparu que la TNE et et la TCC apportaient un bénéfice modéré pour la réduction des symptômes de détresse et de stress post-traumatique à moyen terme (six mois après le traitement). Les preuves étaient de très mauvaise qualité, principalement parce que des méthodes d'évaluation non standardisées, faisant appel à des interprètes, ont été utilisées et parce que les échantillons étaient de très petite taille. La plupart des essais admissibles ont également révélé un risque moyen à élevé de biais. En outre, la pertinence culturelle des interventions ou leurs qualités psychométriques n'ont pas fait l'objet d'une attention adéquate, et les paramètres d'évaluation utilisés étaient inadaptés. De ce fait, ces résultats doivent être interprétés avec prudence.

Nous n'avons trouvé aucune donnée indiquant si la réduction des symptômes avait permis l'amélioration de la qualité de vie, la participation à la vie communautaire ou les relations sociales et familiales à moyen terme. Aucune information sur les événements indésirables et la satisfaction vis-à-vis du traitement n'était disponibles, que ce soit immédiatement après le traitement ou à moyen terme. Les recherches futures devront viser à combler ces lacunes dans les preuves et inclure des échantillons plus importants lorsque cela sera possible. Les problèmes des survivants de la torture devront être définis de façon beaucoup plus large que par les symptômes du syndrome de stress post-traumatique, et il faudra porter attention aux influences contextuelles du statut de survivant de la torture, notamment demandeur d'asile ou réfugié, sur la santé psychologique et sociale.

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Contexte: 

La torture est très répandue et peut avoir des répercussions physiques, psychologiques, sociales et autres de longue durée. Ses effets, complexes et divers, varient aussi selon l'origine ethnique, le sexe et la vie de réfugié. Des agences de santé et de protection sociale offrent des services de réadaptation variés, allant d'une approche de santé mentale conventionnelle à des interventions éclectiques ou fondées sur les besoins. Cette revue est nécessaire parce qu'il y a eu relativement peu de recherche sur les résultats dans ce domaine, et aucune revue systématique n'a été menée précédemment. Les ressources sont rares et les interventions peuvent se heurter à des difficultés considérables.

Objectifs: 

Évaluer les effets bénéfiques et néfastes des interventions psychologiques, sociales et de protection sociale pour les survivants de la torture, et comparer ces effets avec ceux rapportés par des situations de contrôle actives et inactives.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons identifié des essais contrôlés randomisés (ECR) par une recherche dans PsycINFO, MEDLINE, EMBASE, Web of Science, l'indice cumulatif de la littérature en soins infirmiers et connexe (CINAHL), le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) et le registre spécialisé du Groupe Cochrane sur la dépression, l'anxiété et les névroses (CCDANCTR), la Base de données d'informations sur la santé d'Amérique latine et des Caraïbes (LILACS), le Système ouvert d'information sur la littérature grise en Europe (OpenSIGLE), le système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et la littérature internationale publiée sur le stress post-traumatique (PILOTS) sur toutes les années jusqu'au 11 avril 2013 ; les recherches dans les ressources Cochrane, les registres d'essais internationaux et les principales bases de données biomédicales ont été mises à jour le 20 juin 2014. Nous avons également effectué une recherche dans la Bibliothèque en ligne de la Dignité (Institut danois contre la torture), les listes bibliographiques de revues et celles des études incluses et les revues les plus fréquemment cités, jusqu'à avril 2013 mais pas en 2014. Les investigateurs ont été contactés afin d'obtenir des mises à jour ou des précisions si nécessaire.

Critères de sélection: 

Publications complètes d'essais contrôlés randomisés (ECR) ou quasi-ECR d'interventions psychologiques, sociales ou d'aide sociale pour les victimes de la torture, en comparaison à une quelconque situation de contrôle active ou inactive.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons inclus toutes les principales sources de la littérature grise dans notre recherche et utilisé les procédures méthodologiques standard prévues par la Collaboration Cochrane pour la collecte de données, l'évaluation du risque de biais et l'utilisation de la méthode GRADE (degrés de recommandation, d'évaluation, de développement et d'évaluation) pour évaluer la qualité des preuves.

Résultats principaux: 

Neuf ECR ont été inclus dans cette revue. Tous concernaient des interventions psychologiques et aucun des interventions sociales ou de protection sociale. Les neuf essais ont fourni des données pour 507 adultes ; aucun n'incluait des enfants ou des adolescents. Huit des neuf études décrivaient un traitement individuel, et une autre un traitement de groupe. Six essais ont été menés en Europe et trois dans différents pays d'Afrique. La plupart des sujets étaient réfugiés dans la trentaine et la quarantaine, présentant initialement un tableau qui concordait avec les critères d'un trouble de stress post-traumatique. Quatre essais ont utilisé une thérapie d'exposition narrative (TEN), une autre une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et les quatre dernières des méthodes mixtes utilisées pour les symptômes de traumatisme, notamment des méthodes de réconciliation. Cinq interventions étaient comparées à des contrôles actifs tels que la psychoéducation, quatre au traitement habituel ou à une liste d'attente/absence de traitement ; nous avons analysé toutes les situations de contrôle ensemble. La durée de la thérapie variait d'une heure à plus de 20 heures avec une médiane d'environ 12 à 15 heures. Tous les essais rendent compte des effets sur la détresse et le stres post-traumatique et deux sur la qualité de vie. Cinq études ont suivi les participants pendant au moins six mois.

Aucun bénéfice immédiat de la thérapie psychologique n'a été noté par rapport aux témoins en ce qui concerne notre critère d'évaluation principal de détresse (généralement dépression), ni pour les symptômes du syndrome de stress post-traumatique, le degré de confirmation des cas de SPT ou la qualité de vie. À six mois de suivi, trois études sur la TNE et une étude sur la TCC (86 participants) ont montré des effets modérés de l'intervention par rapport au témoin en termes de réduction de la détresse (différence moyenne standardisée (DMS) -0,63, intervalle de confiance (IC) à 95 % de -1,07 à -0,19) et des symptômes de stress post-traumatique (DMS -0,52, IC à 95 % de -0,97 à -0,07). Cependant, la qualité des preuves était très faible et le risque de biais résultant de l'allégeance des chercheurs et thérapeutes aux méthodes de traitement, des effets du statut d'asile incertain de certains sujets et de la traduction non normalisée en temps réel des évaluations. Aucune mesure des événements indésirables n'a été décrite, ni de la participation, du fonctionnement social, de la densité des relations sociales ou familiales, des mesures de substitution par des tiers ou de la satisfaction vis-à-vis du traitement. Trop peu d'études ont été identifiées pour que les auteurs de la revue tentent des analyses de sensibilité.

Notes de traduction: 

Traduction réalisée par Cochrane France

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.