Le rôle de l'anticorps monoclonal alemtuzumab dans le traitement des personnes atteintes de leucémie lymphoïde chronique

La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est une forme de cancer qui représente 25 % du total des leucémies. Il s'agit du cancer du système lymphatique le plus fréquent dans les pays occidentaux. Il se caractérise par une évolution clinique et un pronostic très variables. Certains patients peuvent n'éprouver que des symptômes minimes ou pas de symptômes du tout durant de nombreuses années et avoir une espérance de vie normale, sans nécessiter de traitement. D'autres sont déjà symptomatiques au moment du diagnostic, ou le deviennent rapidement après, et sont sujets à des complications infectieuses et auto-immunes qui réduisent leur espérance de vie. Le traitement standard comprend une chimiothérapie avec un ou plusieurs agents. Aujourd'hui, des anticorps monoclonaux sont ajoutés, en particulier l'alemtuzumab et le rituximab. Toutefois, l'impact de ces agents reste incertain car des essais non-randomisés ont mis en lumière des indices d'une survie globale augmentée, mais aussi d'un risque d'infections graves. Dans cette revue systématique nous avons résumé et analysé les preuves provenant d'essais contrôlés randomisés (ECR) sur l'efficacité et l'innocuité de l'alemtuzumab dans le traitement de la LLC. Nous avons effectué des recherches dans plusieurs bases de données médicales importantes telles que CENTRAL, MEDLINE et EMBASE, et nous avons trouvé cinq ECR remplissant nos critères d'inclusion prédéfinis. Nous avons inclus des essais qui comparaient l'alemtuzumab à l'absence de traitement supplémentaire ou à un traitement anti-cancéreux chez des patients atteints de LLC, qu'il soient nouvellement diagnostiqués ou en rechute. Au total, 845 patients étaient traités dans ces cinq essais.

Deux essais ont évalué si l'alemtuzumab était avantageux par rapport à l'absence de traitement supplémentaire. Un essai rendait compte de la survie globale, montrant un avantage significatif pour les patients recevant de l'alemtuzumab en supplément. Le délai sans progression avait été significativement amélioré dans les deux essais avec l'alemtuzumab, mais plus de patients ont eu une infection, en particulier une infection virale (infection à cytomégalovirus). Un essai avait été arrêté prématurément en raison d'infections graves.

Deux essais ont évalué l'alemtuzumab par rapport au rituximab. Aucune des deux études n'a rapporté de données sur la survie ou la survie sans rechute de la maladie. Nous n'avons pas trouvé de différences statistiquement significatives concernant la réponse au traitement ou les décès durant le traitement. Un essai a été interrompu prématurément en raison d'une augmentation de la mortalité dans le groupe sous alemtuzumab.

Dans le cinquième essai, l'alemtuzumab était comparé à la chimiothérapie (chlorambucil). Dans cet essai, aucune différence de survie n'a pu être détectée jusqu'à la dernière publication de l'étude. L'alemtuzumab améliore de manière statistiquement significative la survie sans rechute, le délai avant un traitement anti-cancéreux pour rechute et le taux de réponse. Mais il est clair que davantage d'infections surviennent chez les patients traités avec l'alemtuzumab, en particulier les infections par le cytomégalovirus qui peuvent conduire à des infections pulmonaires et de la rétine.

En résumé, les résultats actuellement disponibles suggèrent que l'alemtuzumab octroie un avantage de survie en comparaison avec l'absence de traitement supplémentaire, mais qu'il augmente le risque d'infection en général et par le cytomégalovirus en particulier.

Conclusions des auteurs: 

En résumé, les résultats actuellement disponibles suggèrent que l'alemtuzumab octroie un avantage de SG, de TRC et de SSP en comparaison avec l'absence de traitement supplémentaire, mais qu'il augmente le risque d'infection en général ainsi que les infections par le CMV et les réactivations du CMV. Le rôle de l'alemtuzumab en comparaison avec le rituximab reste encore peu clair, d'autres essais avec des suivi plus longs et la survie globale comme critère principal sont nécessaires pour évaluer comparativement les effets des deux agents. Comparé au chlorambucil, l'alemtuzumab semble avantageux en termes de SSP, mais une période de suivi plus longue et des essais ayant la survie globale comme critère principal sont nécessaires pour déterminer si cet effet se traduit en avantage de survie.

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Contexte: 

La leucémie lymphoïde chronique (LLC) représente 25 % de toutes les leucémies et constitue la malignité lymphoïde la plus fréquente dans les pays occidentaux. Le traitement standard comprend des mono- ou poly-chimiothérapies. Aujourd'hui, des anticorps monoclonaux sont ajoutés, en particulier l'alemtuzumab et le rituximab. Toutefois, l'impact de ces agents reste incertain, étant donnés les indices d'un risque accru d'infections graves.

Objectifs: 

Évaluer l'alemtuzumab en comparaison avec l'absence de traitement supplémentaire ou avec d'autres thérapies anti-leucémiques chez les patients atteints de LLC.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons recherché des essais contrôlés randomisés (ECR) dans CENTRAL et MEDLINE (de janvier 1985 à novembre 2011), dans EMBASE (de 1990 à 2009) ainsi que dans des actes de conférences. Deux auteurs (KB, NS) ont examiné les résultats des recherches de façon indépendante.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des ECR comparant l'alemtuzumab avec l'absence de traitement supplémentaire ou comparant l'alemtuzumab avec un traitement anti-leucémique, tel qu'une chimiothérapie ou des anticorps monoclonaux, chez les patients atteints de LLC à cellules B confirmée histologiquement. Des patients déjà traités et des patients n'ayant jamais reçu de chimiothérapie ont été inclus.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons utilisé le hazard ratio (HR) pour mesurer l'effet de survie globale (SG) et de survie sans progression (SSP), et le risque relatif (RR) pour les taux de réponse, la mortalité liée au traitement (TRM) et les événements indésirables. Deux auteurs ont extrait les données et évalué la qualité des essais de façon indépendante.

Résultats principaux: 

Nos stratégies de recherche ont conduit à 1542 références potentiellement pertinentes. De celles-ci, nous avons retenu pour inclusion cinq ECR impliquant au total 845 patients. Dans l'ensemble, nous avons estimé que la qualité des cinq essais était modérée. Tous les essais étaient présentés comme des études randomisées et ouvertes. Cependant, deux essais n'avaient été publiés que sous forme de résumés et, par conséquent, nous n'avons pas pu évaluer en détail leur risque potentiel de biais. En raison du nombre restreint d'études dans chaque analyse (deux), la quantification de l'hétérogénéité n'était pas fiable.

Deux essais (N = 356) ont évalué l'efficacité de l'alemtuzumab en comparaison avec l'absence de traitement supplémentaire. Un essai (N = 335) faisait état d'un avantage statistiquement significatif de SG pour tous les patients recevant de l'alemtuzumab (HR 0,65 ; intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,45 à 0,94 ; P = 0,021). Cependant, aucune amélioration n'a été observée pour le sous-groupe des patients au stade Rai I ou II (HR 1,07 ; IC à 95 % 0,62 à 1,84 ; P = 0,82). Dans les deux essais, le taux de réponse complète (TRC) (RR 2,61 ; IC à 95 % 1,26 à 5,42 ; P = 0,01) et la SSP (HR 0,58 ; IC à 95 % 0,44 à 0,76 ; P < 0,0001) étaient plus élevés de manière statistiquement significative sous traitement à l'alemtuzumab. L'hétérogénéité potentielle observée dans le graphique de Forest pourrait être due aux modèles d'études différents : Un essai a évalué l'alemtuzumab en complément de la fludarabine comme traitement de rechute ; l'autre essai a examiné l'alemtuzumab en comparaison avec l'absence de traitement supplémentaire pour la consolidation après première rémission. Il n'y avait pas de différence statistiquement significative pour la TRM entre les deux groupes (RR = 0,57 ; IC à 95 % 0,17 à 1,90 ; P = 0,36). Un taux significativement plus élevé de réactivation du CMV (RR 10,52 ; IC à 95 % 1,42 à 77,68 ; P = 0,02) et d'infections (RR = 1,32 ; IC à 95 % 1,01 à 1,74 ; P = 0,04) s'est produit chez les patients recevant de l'alemtuzumab. Sept cas d'infection grave (64 %) dans le groupe sous alemtuzumab de l'étude GCLLSG CLL4B ont conduit à un arrêt anticipé.

Deux essais (N = 177) ont évalué l'alemtuzumab par rapport au rituximab. Aucune des deux études étude n'a rendu compte de la SG ou de la SSP. Nous n'avons pas pu détecter de différence statistiquement significative entre les deux groupes concernant le TRC (RR 0,85 ; IC à 95 % 0,67 à 1,08 ; P = 0,18) ou le TRM (RR 3,20 ; IC à 95 % 0,66 à 15,50 ; P = 0,15). Cependant, l'essai CLL2007FMP a été interrompu prématurément en raison d'une augmentation de la mortalité dans le groupe alemtuzumab. Des événements indésirables plus graves se sont produits dans ce groupe (43 % versus 22 % (rituximab) ; P = 0,006).

Deux essais (N = 297) ont évalué l'efficacité de l'alemtuzumab en comparaison avec la chimiothérapie (chlorambucil). Pour cet essai, aucun HR n'est rapporté pour la SG. La survie médiane n'a pas encore été atteinte, 84 % des patients étaient en vie dans chaque groupe à la fin du recueil des données ou à la dernière date de suivi (24,6 mois). Aucune différence statistiquement significative n'est apparue entre les groupes pour la TRM (0,6 % versus 2,0 % ; P = 0,34). L'alemtuzumab améliore de façon statistiquement significative la SSP (HR 0,58 ; IC à 95 % 0,43 à 0,77 ; P = 0,0001), le délai avant le traitement suivant (23,3 contre 14,7 mois ; P = 0,0001), le taux de réponse global (83,2 % versus 55,4 % ; P < 0.0001), le TRC (24,2 % versus 2,0 % ; P < 0.0001) et le taux de maladie résiduelle minimale (7,4 % versus 0 % ; P = 0.0008) en comparaison avec le chlorambucil. Statistiquement, significativement plus d'infections asymptomatiques (51,7 % versus 7,4 %) et symptomatiques (15,4 % versus 0 %) au cytomégalovirus sont survenues chez les patients traités à l'alemtuzumab.

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.