Utilisation de la L-ornithine L-aspartate pour les personnes atteintes d'hépatopathie chronique et d'encéphalopathie hépatique (mauvais fonctionnement du cerveau)

Contexte

La cirrhose est une maladie chronique du foie. Les personnes atteintes de cette maladie développent généralement une encéphalopathie hépatique, complication qui entraîne un mauvais fonctionnement du cerveau. Certaines personnes atteintes de cirrhose présentent des signes cliniques évidents de troubles du fonctionnement cérébral, tels que des difficultés d'élocution, d'équilibre et de fonctionnement quotidien ; on dit qu'elles souffrent d'encéphalopathie hépatique manifeste ; les changements peuvent être de courte durée, se reproduire ou persister pendant de longues périodes. D'autres personnes atteintes de cirrhose peuvent ne présenter aucun changement clinique évident, mais certains aspects de leur fonctionnement cérébral, tels que l'attention et la capacité d'accomplir des tâches complexes, sont altérés lorsqu'ils sont testés ; on dit qu'ils présentent une encéphalopathie hépatique minimale. Les raisons pour lesquelles les gens développent des encéphalopathies hépatiques sont complexes, mais l'accumulation dans le sang de toxines provenant de l'intestin, en particulier d'un composé appelé ammoniac, joue un rôle fondamental. La L-ornithine L-aspartate abaisse le taux d'ammoniac dans le sang et peut donc possiblement avoir des effets bénéfiques chez les personnes atteintes d'encéphalopathie hépatique ou leur permettre d’enrayer le développement de celle-ci.

Problématique

Nous avons examiné l'utilisation de la L-ornithine L-aspartate administrée soit par voie orale, soit par voie intraveineuse en goutte à goutte, pour la prévention et le traitement de l'encéphalopathie hépatique. Ainsi, nous avons analysé des essais cliniques au cours desquels des personnes atteintes de cirrhose ont été affectées au hasard à un traitement par la L-ornithine L-aspartate, à un placebo inactif, à une absence de traitement ou à un autre médicament destiné à ce trouble, comme le lactulose, les probiotiques et la rifaximine. Nous avons inclus des participants atteints de cirrhose qui présentaient une encéphalopathie hépatique manifeste ou minime ou qui risquaient de développer cette complication.

Date de la recherche

Décembre 2017.

Sources de financement des études

Six des 36 essais cliniques randomisés que nous avons inclus n'ont reçu aucun financement ou autre soutien de la part des compagnies pharmaceutiques. Dix-sept essais ont reçu un soutien financier de sociétés pharmaceutiques et trois autres ont reçu gratuitement de la L-ornithine L-aspartate ou un placebo inactif ; il n'y avait aucune information sur le financement des dix autres essais.

Caractéristiques de l’étude

Nous avons inclus 33 essais cliniques randomisés comparant la L-ornithine L-aspartate avec un placebo inactif ou l’absence d’intervention et 6 essais cliniques randomisés comparant la L-ornithine L-aspartate avec d'autres traitements anti-encéphalopathie ; certains essais comprenaient plusieurs comparaisons. Cinq des essais inclus ont testé la L-ornithine L-aspartate pour la prévention de l'encéphalopathie hépatique, tandis que 30 essais ont testé son utilisation comme traitement pour les personnes atteintes d'encéphalopathie hépatique aiguë, chronique ou minimale. La durée du traitement variait de 3 à 35 jours dans les essais portant sur la préparation intraveineuse (moyenne de huit jours) et de 7 à 180 jours dans ceux portant sur la préparation orale (moyenne de 30 jours).

Résultats principaux

Nos analyses ont mis en évidence que la L-ornithine L-aspartate pourrait potentiellement réduire le nombre de décès, améliorer le pronostic de l’encéphalopathie hépatique et prévenir les effets secondaires graves comparativement au placebo ou à l'absence de traitement, mais qu'elle n'avait aucun effet bénéfique supplémentaire comparativement aux autres médicaments utilisés pour prévenir et traiter cette condition.

Qualité des données probantes

Les données probantes que nous avons trouvées étaient très faibles et nous ne sommes donc pas convaincus que la L-ornithine L-aspartate est utile pour prévenir ou traiter l'encéphalopathie hépatique chez les personnes atteintes de cirrhose. De nombreuses études n'ont pas été publiées et n'ont donc pas fait l'objet d'un examen minutieux, et bon nombre des essais publiés ont reçu l'appui de l'industrie pharmaceutique, ce qui introduit un élément de biais. Par conséquent, il nous faut davantage d'information avant de pouvoir déterminer la valeur de la L-ornithine L-aspartate pour prévenir et traiter l'encéphalopathie hépatique.

Conclusions des auteurs: 

Les résultats de cette revue suggèrent un effet bénéfique possible de la L-ornithine L-aspartate sur la mortalité, l'encéphalopathie hépatique et les effets indésirables graves en comparaison avec un placebo ou l’absence d’intervention, mais comme la qualité des preuves est très faible, nous sommes très incertains quant à ces résultats. Les preuves d'un effet bénéfique possible de la L-ornithine L-aspartate sur l'encéphalopathie hépatique comparativement aux probiotiques étaient de très faible qualité, et aucun autre avantage n'a été démontré par rapport aux autres agents actifs. Un accès supplémentaire aux données d'essais cliniques achevés, mais non publiés, et de nouveaux essais cliniques randomisés, contrôlés par placebo et en double aveugle, est nécessaire.

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Contexte: 

L'encéphalopathie hépatique est une complication courante de la cirrhose et est associée à une morbidité et à une mortalité élevées. La maladie est classée comme manifeste si elle est cliniquement apparente ou minime si elle ne l'est que par des tests psychométriques. La pathogenèse exacte de ce syndrome est inconnue, bien que l'on pense que l'ammoniac y joue un rôle clé. La L-ornithine L-aspartate a des propriétés réductrices d'ammoniac et peut donc possiblement être bénéfique pour les personnes atteintes de cirrhose et d'encéphalopathie hépatique.

Objectifs: 

Pour évaluer les effets bénéfiques et nocifs de la L-ornithine L-aspartate par rapport au placebo, aucune intervention ou autre intervention active chez les personnes atteintes de cirrhose et d'encéphalopathie hépatique.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches électroniques dans le registre des essais contrôlés du groupe Cochrane sur les maladies hépato‐biliaires, CENTRAL, MEDLINE, Embase, LILACS et le Science Citation Index Expanded au mois de décembre 2017 ainsi que des recherches manuelles dans les comptes rendus de réunions et de conférences, la vérification des bibliographies et la correspondance avec des chercheurs et des entreprises pharmaceutiques.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus les essais cliniques randomisés, indépendamment du statut de publication, de la langue ou si ceux-ci ont été réalisés à l’aveugle. Nous avons inclus les participants atteints de cirrhose qui présentaient une encéphalopathie hépatique minimale ou manifeste ou qui étaient à risque de développer une encéphalopathie hépatique. Nous avons comparé : L-ornithine L-aspartate versus placebo ou aucune intervention ; et L-ornithine L-aspartate versus d'autres agents actifs tels que : disaccharides non absorbables ; antibiotiques ; probiotiques ; acides aminés à chaîne ramifiée.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de revue, travaillant de façon indépendante, ont extrait des données de rapports publiés et de la correspondance avec des chercheurs et des entreprises pharmaceutiques. Les principaux critères de jugements étaient la mortalité, l'encéphalopathie hépatique et les effets indésirables graves. Nous avons effectué des méta-analyses et présenté les résultats sous forme de risques relatifs (RR) et de différences moyennes (DM) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Nous avons évalué le contrôle des biais à l'aide des domaines du groupe Cochrane sur les maladies hépato-biliaires ; nous avons évalué le risque de biais de publication et d'autres effets de petits essais dans les analyses de régression ; nous avons effectué des analyses de sous-groupes et de sensibilité et des analyses séquentielles des essais. Nous avons déterminé la qualité des données probantes à l'aide de GRADE.

Résultats principaux: 

Nous avons identifié 36 essais cliniques randomisés, impliquant au moins 2377 participants enregistrés, qui remplissaient nos critères d'inclusion, dont 10 essais cliniques randomisés non publiés. Cependant, nous n'avons pu accéder qu'aux données sur les résultats de 29 essais auxquels ont participé 1 891 participants. Cinq des essais inclus ont évalué la prévention, tandis que 31 ont évalué le traitement. Cinq essais présentaient un faible risque de biais dans l'évaluation globale de la mortalité ; un essai présentait un faible risque de biais dans l'évaluation des autres critères.

La L-ornithine L-aspartate a eu un effet bénéfique sur la mortalité comparativement au placebo ou à l’absence d'intervention lorsque tous les essais étaient inclus (RR 0,42, IC à 95 % 0,24 à 0,72 ; I2 = 0 % ; 19 essais ; 1489 participants ; preuves de très faible qualité), mais pas lorsque l'analyse était limitée aux essais présentant un faible risque de biais (RR 0,47, IC à 95 % 0,06 à 3,58 ; 4 essais ; 244 participants). Elle a eu un effet bénéfique sur l'encéphalopathie hépatique comparativement au placebo ou à l'absence d'intervention lorsque tous les essais étaient inclus (RR 0,70, IC à 95 % 0,59 à 0,83 ; 22 essais ; 1 375 participants ; I2 = 62 % ; preuves de très faible qualité), mais pas dans l’essai où le risque de biais était faible (RR 0,96, IC à 95 % 0,85 à 1,07 ; 63 participants). L'analyse des effets indésirables graves a révélé un avantage potentiel de la L-ornithine L-aspartate lorsqu'on inclut tous les essais cliniques randomisés (RR 0,63, IC à 95 % 0,45 à 0,90 ; 1 essai ; 1489 participants ; I2 = 0 % ; preuves de très faible qualité), mais pas dans l’essai à faible risque de biais pour ce critère (RR 0,83, IC à 95 % 0,15 à 4,65 ; 63 participants). Les analyses séquentielles d’essais sur la mortalité, l'encéphalopathie hépatique et les effets indésirables graves n'ont pas permis d'étayer ou de réfuter les effets bénéfiques. Les analyses de sous-groupes n'ont révélé aucune différence dans les résultats des essais évaluant la prévention ou le traitement de l'encéphalopathie hépatique manifeste ou minimale ou des essais évaluant l'administration orale par rapport à l'administration intraveineuse. Nous n'avons pas pu entreprendre une méta-analyse des trois essais impliquant 288 participants évaluant la qualité de vie liée à la santé. Dans l'ensemble, nous n'avons constaté aucune différence entre la L-ornithine L-aspartate et le placebo ou l’absence d’intervention dans les événements indésirables non graves (RR 1,15, IC à 95 % : 0,75 à 1,77 ; 14 essais ; 1076 participants ; I2 = 40 %). Comparativement au lactulose, la L-ornithine L-aspartate n'a eu aucun effet sur la mortalité (RR 0,68, IC à 95 % 0,11 à 4,17 ; 4 essais ; 175 participants ; I2 = 0 %) ; l'encéphalopathie hépatique (RR 1,13, IC à 95 % 0,81 à 1,57) ; les effets indésirables graves (RR 0,69, IC à 95 % 0,22 à 2,11) ; et les effets indésirables non graves (RR 0,05, IC à 95 % 0,01 à 0,18). Comparativement aux probiotiques, la L-ornithine L-aspartate n'a eu aucun effet sur la mortalité (RR 1,01, IC à 95 % 0,11 à 9,51), sur les effets indésirables graves (RR 1,07, IC à 95 % 0,23 à 4,88) ou sur les changements des concentrations d'ammoniac dans le sang par rapport à la situation de départ (RR -2,30 95 % IC -6,08 à 1,48) mais elle pourrait avoir un effet positif sur l'encéphalopathie hépatique (RR 0,71, IC à 95 % 0,56 à 0,90). Enfin, comparativement à la rifaximine, la L-ornithine L-aspartate n'a eu aucun effet sur la mortalité (RR 0,33, IC à 95 % 0,04 à 3,03 ; 2 essais ; 105 participants) ; l'encéphalopathie hépatique (RR 1,06, IC à 95 % 0,57 à 1,96) ; les événements indésirables graves (RR 0,32, IC à 95 % 0,01 à 7,42), ou les événements indésirables non sérieux (RR 0,32, IC à 95 % 0,01 à 7,42).

Notes de traduction: 

Post-édition : Antoine Rozier - Révision : Dan-Madalin Pavel (M2 ILTS, Université Paris Diderot)

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.