La pentoxifylline dans le traitement de la septicémie et de l'entérocolite ulcéro-nécrosante chez les nouveau-nés

Problématique de la revue

Quels sont les bénéfices et les risques de la pentoxifylline (PTX) dans le traitement d'une infection et d'une affection de l'intestin (entérocolite ulcéro-nécrosante, ECUN) chez les nouveau-nés jusqu'à l'âge de 28 jours ? 

Principaux messages 

- Pour traiter l'infection chez le nouveau-né, la PTX associée à des antibiotiques a permis de réduire le nombre de décès et la durée du séjour à l'hôpital sans effets indésirables. Cependant, le niveau de confiance de ce résultat est faible en raison du petit nombre d'études, qui étaient toutes de faible qualité.

- Nous n'avons pas trouvé d'études sur l'utilisation de la PTX dans le traitement des troubles intestinaux sévères (ECUN).

- Nous avons besoin d'études de meilleure qualité et de plus grande envergure pour comprendre pleinement si la PTX est bénéfique, sans risques, pour le traitement de l'infection et de l’ECUN chez les nouveau-nés. 

Quelle est la problématique ?

La septicémie bactérienne ou fongique dans l’ECUN est une affection caractérisée par des lésions et des infections du tube digestif observées chez les bébés prématurés. Les infections et les nécroses sont traitées par des antibiotiques, mais certains bébés meurent ou souffrent de complications.  

Comment améliorer le traitement de l'infection ou de l’ECUN du nouveau-né ? 

Outre les antibiotiques, la modification de la réponse de l'organisme à l'infection (inflammation) pourrait réduire le nombre de décès et de complications.  La pentoxifylline modifie la réponse de l'organisme à l'infection ou à l’ECUN et pourrait avoir des effets bénéfiques. 

Que voulions-nous savoir ? 

Nous voulions savoir si l'utilisation de la PTX en plus des antibiotiques pouvait réduire les décès et les complications telles que les maladies pulmonaires, les maladies oculaires, la durée du séjour à l'hôpital et le temps passé sur un respirateur. Nous voulions également savoir si l'utilisation de la PTX était sûre et sans effets indésirables.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché des études qui ont examiné si : 

- La PTX avec antibiotiques comparée à un placebo (traitement factice) avec antibiotiques ou à des antibiotiques seuls ;

- La PTX avec antibiotiques comparée à la PTX avec antibiotiques et autres médicaments tels que les immunoglobulines ; ou

- La PTX avec antibiotiques comparée à d'autres médicaments tels que les immunoglobulines avec antibiotiques

a permis de réduire le nombre de décès ou d'autres complications sans effets indésirables chez les nouveau-nés atteints d'infection ou d’ECUN. Nous avons comparé et résumé les résultats des études et évalué le niveau de confiance des données probantes en fonction de facteurs tels que les méthodes et la taille des études.

Qu'avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé six études éligibles (416 nouveau-nés participants) qui ont évalué la PTX avec des antibiotiques chez des nouveau-nés atteints d'une infection.

Principaux résultats 

1. Nous avons constaté que la PTX en association avec des antibiotiques pourrait réduire le nombre de décès et la durée du séjour à l'hôpital chez les nouveau-nés atteints d'une infection. 

On ne sait pas si le traitement à la pentoxifylline a un effet sur les maladies pulmonaires, les maladies oculaires, les lésions intestinales ou les lésions cérébrales résultant d'une infection. 

Les études identifiées n'ont pas fait rapporté des effets indésirables dus à la PTX. 

Aucune étude achevée ne s'est penchée sur le traitement par PTX chez les nouveau-nés atteints d’ECUN. 

2. Lorsque la PTX a été comparée à d'autres médicaments tels que les immunoglobulines en plus de la PTX, il n'était pas clair si le traitement avait une incidence sur les décès ou les lésions de l'intestin. Les effets du traitement sur les lésions pulmonaires, oculaires ou cérébrales n'ont pas été étudiés.

3. Lorsque la PTX a été comparée à d'autres médicaments tels que l'immunoglobuline, il n'a pas été possible de savoir si le traitement avait une incidence sur les décès ou les lésions intestinales. Les effets du traitement sur les lésions pulmonaires, oculaires, intestinales ou cérébrales n'ont pas été étudiés.

Quelles sont les limites des données probantes ? 

Le niveau de confiance est faible concernant le résultat indiquant que la PTX, en plus des antibiotiques, réduit la mortalité et la durée du séjour à l'hôpital chez les nouveau-nés atteints d'une infection. 

Trois facteurs principaux ont réduit notre niveau de confiance vis-à-vis des données probantes. Tout d'abord, les six études identifiées étaient de petite taille et comptaient peu de participants. Deuxièmement, quatre des six études ont été mal menées. Par conséquent, les résultats des recherches ultérieures pourraient différer de ceux de la présente revue.

Le niveau de confiance est très faible dans les effets de :

- La PTX par rapport à d'autres médicaments tels que les immunoglobulines en plus de la PTX ; ou

- La PTX par rapport à d'autres médicaments tels que les immunoglobulines

sur les décès et les lésions intestinales, car seules deux études étaient disponibles, avec peu de participants, et les études étaient mal menées. Les effets de ces traitements sur les maladies pulmonaires, les maladies oculaires ou les lésions cérébrales résultant de l'infection n'ont pas été étudiés.

Ces données probantes sont-elles à jour ?

Les données probantes sont à jour jusqu'en juillet 2022.

Conclusions des auteurs: 

Des données probantes d’un niveau de confiance faible suggèrent que le traitement adjuvant par pentoxifylline (PTX) en cas de septicémie néonatale pourrait réduire la mortalité et la durée du séjour à l'hôpital sans effets indésirables. Les données probantes sont très incertaines quant à savoir si la PTX avec antibiotiques comparé à la PTX avec antibiotiques et les immunoglobulines intraveineuses enrichies en immunoglobulines M (IgIV enrichies en IgM), ou la PTX avec antibiotiques comparé aux IgIV enrichies en IgM avec antibiotiques, a un effet sur la mortalité ou le développement d'une entérocolite ulcéro-nécrosante (ECUN). Nous encourageons les chercheurs à entreprendre des essais multicentriques bien conçus pour confirmer ou infirmer l'efficacité et la tolérance de la pentoxifylline dans la réduction de la mortalité et de la morbidité chez les nouveau-nés atteints de septicémie ou d’ECUN.

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Contexte: 

La mortalité et la morbidité dues à la septicémie néonatale et à l'entérocolite ulcéro-nécrosante (ECUN) restent élevées malgré l'utilisation d'agents antimicrobiens puissants. Les agents modulant l’inflammation pourraient améliorer les résultats. La pentoxifylline (PTX), un inhibiteur de la phosphodiestérase, en est un. Il s'agit d'une mise à jour d'une revue publiée pour la première fois en 2003 et actualisée en 2011 et 2015.

Objectifs: 

Évaluer l'efficacité et la tolérance de la PTX intraveineuse - en complément de l'antibiothérapie - sur la mortalité et la morbidité des nouveau-nés ayant une septicémie suspectée ou confirmée et ceux atteints d’ECUN.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL, MEDLINE, Embase, CINAHL et dans les registres d'essais en juillet 2022. Nous avons également consulté les références bibliographiques des essais cliniques identifiés et les résumés des conférences.  

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) ou des quasi-ECR évaluant l'efficacité de la PTX avec des antibiotiques (quelle que soit la dose ou la durée) pour le traitement d'une septicémie ou d'une ECUN suspectée ou confirmée chez les nouveau-nés. Nous avons inclus trois comparaisons : (1) PTX avec antibiotiques comparée à un placebo ou à l'absence d'intervention avec antibiotiques ; (2) PTX avec antibiotiques comparée à PTX avec antibiotiques et traitements d'appoint tels que les immunoglobulines intraveineuses enrichies en immunoglobulines M (IgIV enrichies en IgM) ; (3) PTX avec antibiotiques comparé à des traitements d'appoint tels que les IgIV enrichies en IgM avec antibiotiques.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons rapporté le risque relatif (RR) et la différence de risque (DR) typiques avec des intervalles de confiance (IC) à 95 % pour les critères de jugement dichotomiques, et la différence des moyennes (DM) pour les critères continus dérivés d'un modèle à effet fixe de la méta-analyse. Nous avons calculé le nombre de sujets à traiter (NST) pour un résultat bénéfique supplémentaire pour une réduction statistiquement significative de la DR.

Résultats principaux: 

Nous n'avons pas identifié de nouvelles études pour cette mise à jour. Nous avons inclus six ECR (416 nouveau-nés). Toutes les études incluses portaient sur des nouveau-nés atteints de septicémie ; nous n'avons identifié aucune étude sur des nouveau-nés atteints d’ECUN. Quatre des six essais présentaient un risque de biais élevé dans au moins un des domaines de risque de biais.

Comparaison 1 : La PTX associée à des antibiotiques, comparée à un placebo associé à des antibiotiques ou à des antibiotiques seuls, chez les nouveau-nés atteints de septicémie, pourrait réduire la mortalité, toutes causes confondues pendant le séjour à l'hôpital (RR typique 0,57, IC à 95 % 0,35 à 0,93 ; DR typique -0,08, IC à 95 % -0.14 à -0,01 ; NST pour un résultat bénéfique supplémentaire 13, IC à 95 % 7 à 100 ; 6 études, 416 participants, données probantes d’un niveau de confiance faible) et pourrait réduire la durée du séjour à l'hôpital (DM -7,74, IC à 95 % -11,72 à -3,76 ; 2 études, 157 participants, données probantes d’un niveau de confiance faible). Les données probantes sont très incertaines quant au fait que la PTX avec antibiotiques, comparé au placebo ou à l'absence d'intervention, entraîne une quelconque modification de la maladie pulmonaire chronique (MPC) (RR 1,50, IC à 95 % 0,45 à 5.05 ; 1 étude, 120 participants, données probantes d’un niveau de confiance très faible), l'hémorragie intraventriculaire (HIV) sévère (RR 0,75, IC à 95 % 0,28 à 2,03 ; 1 étude, 120 participants, données probantes d’un niveau de confiance très faible), la leucomalacie périventriculaire (LPV) (RR 0.50, IC à 95 % 0,10 à 2,63 ; 1 étude, 120 participants, données probantes d’un niveau de confiance très faible), l’ECUN (RR 0,56, IC à 95 % 0,29 à 1,06 ; 6 études, 405 participants, données probantes d’un niveau de confiance très faible) ou la rétinopathie du prématuré (RDP) (RR 0,40, IC à 95 % 0,08 à 1,98 ; 1 étude, 120 participants, données probantes d’un niveau de confiance très faible) chez les nouveau-nés souffrant de septicémie.

Comparaison 2 : les données probantes sont très incertaines quant à l'effet de la PTX avec antibiotiques par rapport à la PTX avec antibiotiques et les IgIV enrichies en IgM sur la mortalité (RR 0,71, IC à 95 % 0,24 à 2,10 ; 102 participants, 1 étude, données probantes d’un niveau de confiance très faible) ou sur le développement d'une ECUN chez les nouveau-nés atteints de sepsis (RR 1,33, IC à 95 % 0,31 à 5,66 ; 1 étude, 102 participants, données probantes d’un niveau de confiance très faible). Les critères de jugement concernant la MPC, la HIV sévère, la LPV, la durée du séjour à l’hôpital et la RDP n'ont pas été rapportés.

Comparaison 3 : les données probantes sont très incertaines quant à l'effet de la PTX avec antibiotiques par rapport aux l’IgIV enrichies en IgM avec antibiotiques sur la mortalité (RR 1,25, IC à 95 % 0,36 à 4,39 ; 102 participants, 1 étude, données probantes d’un niveau de confiance très faible) ou le développement d'une ECUN (RR 1,33, IC à 95 % 0,31 à 5,66 ; 102 participants, 1 étude, données probantes d’un niveau de confiance très faible) chez les nouveau-nés atteints de sepsis. Les critères de jugement concernant la MPC, la HIV sévère, la LPV, la durée du séjour à l’hôpital et la RDP n'ont pas été rapportés.

Toutes les études incluses ont évalué les effets indésirables dus à la PTX, mais aucune n'a été rapportée dans le groupe d'intervention dans l'une ou l'autre des comparaisons.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Christelle El Hage et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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