Interventions auprès des patients et des soignants visant à améliorer la connaissances de la drépanocytose et la reconnaissance de ses complications

Question de la revue

Nous avons voulu déterminer si des interventions éducatives avaient aidé des personnes atteintes de drépanocytose et leurs soignants à mieux comprendre la maladie et à reconnaître ses complications, avaient amélioré l’observance du traitement, influé sur l’utilisation des services de santé et remédié à d’autres problèmes sociaux et psychologiques rencontrés.

Contexte

La drépanocytose (anémie falciforme) est une maladie héréditaire permanente qui peut provoquer un certain nombre de complications tout au long de la vie de ses porteurs. Elle peut peser lourdement sur le patient et sa famille, à cause notamment des fréquentes visites à des établissements de soins. La maladie provoque non seulement des complications physiques telles que des crises douloureuses et des accidents ischémiques, mais peut aussi avoir de nombreux autres effets tels que la dépression, une mauvaise qualité de vie, des problèmes d’adaptation à la situation (coping) et une dégradation du climat familial. Lorsque les personnes souffrant d’une maladie chronique ont une meilleure compréhension de leur maladie, elles gèrent mieux celle-ci et parviennent à une meilleure qualité de vie. Nous souhaitons comparer les effets de différentes interventions entre elles et à l’absence d’intervention.

Date de la recherche

Les données sont à jour à la date du 11 avril 2016.

Caractéristiques de l'étude

La revue a inclus 12 essais (563 personnes du génotype HbSS, HbSC ou HbSβthal, âgées de six à 35 ans). Les participants étaient assignés de façon aléatoire à des programmes éducatifs, l’absence de programme et, dans certains cas, à un programme non éducatif, par exemple de l’art-thérapie. Les interventions variaient d’un total d’une heure à des séances hebdomadaires pendant huit semaines et l’évaluation post-intervention variait entre la fin de la période d’intervention et 12 mois plus tard.

Principaux résultats

Les programmes éducatifs et d’autres interventions ont entraîné des améliorations de la connaissance ou de la compréhension de la drépanocytose et une réduction de la dépression. Les effets sur les connaissances des patients se sont maintenus pendant une plus longue durée que pour les soignants. Les effets se sont révélés être de petite taille, mais peut-être parce que la plupart des études incluaient un très petit nombre de participants et qu’il y avait beaucoup de variations entre les études. Les interventions étudiées n’ont montré aucun effet sur l’utilisation des services de santé par les patients, ni sur les relations entre les familles, les compétences des patients ou des soignants, l’adaptation ou la qualité de vie liée à la santé du patient. Aucune donnée comparative n’a été rapportée sur la reconnaissance par les patients ou les soignants (ou les deux) des signes et symptômes permettant une prise en main autonome. Aucun essai n’a évalué l’observance du traitement.

Qualité des données probantes

Les interventions étudiées étaient variables, de même que la manière dont les différents critères d’évaluation étaient mesurés. La qualité des données probantes était mauvaise pour le paramètre d’adaptation positive et moyenne pour les résultats de connaissance des enfants, d’utilisation des soins de santé et de dépression. Ceci suggère que des recherches supplémentaires pourraient avoir un impact important sur notre confiance dans l’effet du traitement. D’autres recherches à l’aide d’essais contrôlés randomisés portant sur davantage de patients (y compris des populations différentes) sont nécessaires pour mieux comprendre les interventions susceptibles d’être utiles.

Conclusions des auteurs: 

Cette revue identifie d’importants effets positifs des interventions éducatives sur la connaissance de la drépanocytose et de la dépression par les patients. Les effets sur les connaissances des patients se sont maintenus pendant plus longtemps que pour les soignants. L’effet sur les connaissances était significatif mais de petite taille et son bénéfice clinique est incertain. Les facteurs significatifs limitant cet effet pourraient être liés à la puissance insuffisante des essais ainsi qu’aux taux d’attrition. Les effets n’étaient pas statistiquement significatifs dans les évaluations des critères d’évaluation secondaires, probablement à cause du petit nombre d’essais, de patients et de soignants. Les essais ont montré une hétérogénéité modérée à élevée, qui pourrait avoir un impact sur les résultats. Afin de mieux étudier les effets sur les critères d’évaluation, d’autres essais contrôlés doivent être réalisés en portant une attention rigoureuse à un meilleur recrutement et à la rétention des sujets, ainsi qu’à la réduction des biais. Il serait utile d’utiliser des protocoles prédéterminés, comprenant des mesures similaires, sur différents sites.

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Contexte: 

La drépanocytose est un groupe de maladies génétiques particulièrement fréquent dans les régions tropicales et subtropicales ; les migrations forcées et les mouvements de populations ont toutefois entraîné sa propagation à travers le monde, avec des taux de naissances estimés à 0,49 pour 1000 sur le continent américain, 0,07 pour 1000 en Europe, 0,68 pour 1000 en Asie du Sud et du Sud-Est et 10,68 pour 1000 en Afrique. Les patients atteints de drépanocytose peuvent connaître des complications aiguës répétées, auxquelles viennent s’ajouter des lésions progressives des organes. Des études ont montré que lorsque les patients atteints d’une maladie chronique apprenaient à se prendre en main, leurs résultats cliniques et leur qualité de vie s’améliorent et ils se montrent moins dépendants vis-à-vis des services de santé. Il n’existe cependant pas de revues identifiant les interventions qui améliorent les connaissances et on sait peu de chose sur l’impact des connaissances des patients ou des soignants sur les paramètres cliniques et psychosociaux de la drépanocytose.

Objectifs: 

1. Déterminer l’efficacité des interventions d’éducation des patients et des soignants pour modifier les connaissances et la compréhension de la drépanocytose parmi les patients atteints de la maladie et leurs soignants.

2. Évaluer l’efficacité et l’innocuité des interventions d’éducation des patients et des soignants et des programmes visant la reconnaissance des signes et symptômes de morbidité liés à la maladie, l’observance du traitement et l’utilisation des soins de santé chez les patients atteints de drépanocytose.

Stratégie de recherche documentaire: 

Les auteurs ont effectué des recherches dans le registre d’essais sur les hémoglobinopathies du groupe Cochrane sur la mucoviscidose et les autres maladies génétiques, compilé à partir de recherches dans les bases de données électroniques et de recherches manuelles dans des revues et actes de conférence. Ils ont recherché des essais supplémentaires dans les bibliographies des essais et les revues identifiées par la stratégie de recherche.

Date de la dernière recherche : 11 avril 2016.

Critères de sélection: 

Essais contrôlés randomisés et quasi-randomisés évaluant l’efficacité des interventions individuelles et en groupe visant soit les patients atteints de drépanocytose ou leurs soignants, soit les deux. Les interventions éligibles visaient à changer les connaissances, les attitudes ou les compétences et à améliorer certains aspects psychosociaux de la maladie, l’observance du traitement et l’utilisation des soins de santé. Les essais évaluant l’intervention par rapport à l’absence de programme, comparant deux interventions et ceux faisant partie d’une intervention multidimensionnelle visant à améliorer différents paramètres de santé liés à la drépanocytose étaient tous éligibles à l’inclusion.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont sélectionné indépendamment les essais sur la base des critères d’inclusion exposés et ont examiné chaque rapport sélectionné afin d’extraire les données à l’aide d’un formulaire de collecte de données expérimental. Un troisième auteur est intervenu pour parvenir à un consensus en cas de divergences. De même, le risque de biais a été évalué par deux auteurs et vérifié par un troisième.

Résultats principaux: 

Un total de 12 essais (11 essais contrôlés randomisés et un essai quasi randomisé) de 563 personnes porteuses des génotypes HbSS, ou HbSC HbSβthal, âgées de 6 à 35 ans, ont été inclus dans la revue ; la majorité des participants étaient d’origine afro-américaine. Les interventions allaient d’un total d’une heure à des séances hebdomadaires pendant huit semaines et l’évaluation post-intervention variait entre la fin de la période d’intervention et 12 mois après son achèvement. L’hétérogénéité des essais inclus, qui concerne le cadre, les critères d’inclusion et d’exclusion, la méthode d’intervention et les périodes d’évaluation, variait entre « sans importance » et « modérée à importante » pour différents critères de la revue. Le risque de biais global était faible pour la notification sélective, incertain pour la génération de séquences aléatoires, l’assignation secrète, la mise en aveugle des participants et la mise en aveugle de l’évaluation des résultats. La notification incomplète des résultats et l’assignation du personnel présentent des biais mixtes.

Les connaissances des patients ont été évaluées dans quatre essais (160 participants) relativement hétérogènes. Des données probantes indiquent que les programmes éducatifs ont amélioré les connaissances des patients, avec une différence moyenne standardisée de 0,87 point (intervalle de confiance à 95 % de 0,28 à 1,45, données de qualité moyenne), qui s’est encore améliorée quand un essai présentant un fort taux de biais a été retiré lors de l’analyse de sensibilité. Les connaissances des soignants, rapportées dans un essai unique sur 20 familles, montrent également une amélioration, avec une différence moyenne standardisée de 0,52 point (intervalle de confiance à 95 % de 0,03 à 1,00, données de qualité moyenne). L’effet sur les connaissances des patients se maintient sur les périodes plus longues de suivi, tandis que l’effet sur les connaissances du soignant ne s’est pas maintenu.

Il y avait deux critères d’évaluation principaux liés à l’efficacité des programmes éducatifs sur la reconnaissance des signes et symptômes de la morbidité liée à la maladie. Aucune donnée comparative n’a été rapportée pour une reconnaissance par les patients ou les soignants (ou les deux) des signes et symptômes permettant une prise en main autonome. Les données issues de deux essais ont été analysées en lien avec l’utilisation des services de santé et n’ont apporté aucune preuve d’un effet, avec une différence moyenne de 0,33 (intervalle de confiance à 95 % de -0,57 à 1,23, données de qualité moyenne).

En ce qui concerne les critères d’évaluation secondaires de la revue, la dépression a montré une diminution statistiquement significative dans les groupes d’intervention, avec une différence moyenne standardisée de -0,66 point (intervalle de confiance à 95 % de -1,18 à -0,14, données de qualité moyenne). L’observance du traitement n’a été évaluée dans aucun des essais identifiés. Aucun effet des interventions n’a été observé sur l’adaptation à la situation, les relations familiales ou la qualité de vie liée à la santé des patients.

La qualité des données était mauvaise pour l’adaptation positive et moyenne pour les connaissances des enfants, l’utilisation des soins de santé et la dépression. Ceci suggère que des recherches supplémentaires sont susceptibles d’avoir un impact important sur notre confiance dans l’estimation de l’effet et pourraient modifier les estimations.

Notes de traduction: 

Traduction réalisée par Suzanne Assénat et révisée par Cochrane France

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.