Thyroïdectomie totale ou partielle versus thyroïdectomie subtotale pour goitre multinodulaire non toxique chez l'adulte

Problématique de la revue

Quels sont les effets de la thyroïdectomie totale ou partielle par rapport à la thyroïdectomie subtotale pour le goitre multinodulaire non-toxique chez les adultes ?

Contexte

Le goitre multinodulaire désigne une hypertrophie généralisée de la glande thyroïde avec des nodules identifiables. La glande thyroïde est constituée de deux lobes reliés. Les personnes souffrant de goitre présentent souvent une hypertrophie asymétrique de la glande thyroïde avec un gonflement visible dans la région antérieure du cou. Un ou plusieurs nodules peuvent être identifiés. La cause la plus fréquente de goitre multinodulaire est une carence iodée. Un goitre non toxique signifie que les nodules ne secrètent pas d'hormones thyroïdiennes de façon non contrôlée. La thyroïdectomie totale est une opération qui implique l'ablation chirurgicale de toute la glande thyroïde. La thyroïdectomie partielle est une opération qui implique l'ablation chirurgicale des deux lobes thyroïdiens, à l'exception d'une petite quantité de tissu thyroïdien (inférieure à 1,0 ml sur l'un ou les deux côtés). La thyroïdectomie subtotale laisse entre 3 g et 5 g sur le côté le moins affecté de la glande thyroïde.

Suite à une thyroïdectomie, l'une des complications les plus importantes est la paralysie du nerf récurrent, car celui-ci pourrait être traumatisé pendant l'opération. Un large éventail de complications au niveau de la voix, du mécanisme de déglutition, ou des deux, peuvent se produire. Un changement temporaire ou permanent de la voix peut en résulter. Si le goitre réapparaît (récidive) après une thyroïdectomie, une autre intervention chirurgicale pourrait être nécessaire. Cette intervention est plus compliquée que l'opération initiale en raison du tissu cicatriciel qui rend difficile l'identification des nerfs et d'autres tissus importants. Il existe également la possibilité que la thyroïdectomie subtotale, qui est supposée être plus sûre que la thyroïdectomie totale, laisse un cancer de la thyroïde non détecté en place.

Les caractéristiques de l'étude

Nous avons inclus quatre essais contrôlés randomisés avec un total de 1305 participants. Au total, 543 participants ont été randomisés pour thyroïdectomie totale ou partielle, et 762 participants pour thyroïdectomie subtotale. Deux essais avaient une durée de suivi entre 12 et 39 mois, et deux essais un suivi de respectivement 5 et 10 ans. La plupart des participants étaient des femmes et l'âge moyen était d'environ 50 ans.

Résultats principaux

Sur la période à court terme suivant l'opération, aucun décès n'a été rapporté pour le groupe de thyroïdectomie totale et celui de thyroïdectomie subtotale ; cependant, les données à plus long terme sur la mortalité toutes causes confondues n'ont pas été rapportées. La récidive de goitre était plus faible pour la thyroïdectomie totale, par rapport à la thyroïdectomie subtotale  : le risque de récidive de goitre était de 84 pour 1000 participants à l'essai pour la thyroïdectomie subtotale, et de 5 pour 1000 participants (avec un possible écart de de 1 à 19) pour la thyroïdectomie totale. Il n'y a eu aucun effet bénéfique ou indésirable clair pour l'une ou l'autre technique chirurgicale pour la ré-opération de goitre, en raison de la récidive, des effets secondaires tels que la paralysie permanente du nerf laryngé récurrent ou le développement d'un cancer de la thyroïde. Aucune donnée sur la qualité de vie liée à la santé ou les effets socio-économiques n'a été rapportée dans les essais inclus.

La qualité des preuves

La qualité globale allait de faible à modérée, principalement en raison du petit nombre d'études et de participants, ainsi que des faibles taux d'événements, ce qui rend difficile la distinction entre les risques et les bénéfices des deux techniques chirurgicales.

Actualité des preuves

Cette preuve a été mise à jour en juin 2015.

Conclusions des auteurs: 

Les preuves pour la TT par rapport à la TS sont limitées. La récidive de goitre est réduite suite à la TT. Les effets sur d'autres critères de jugement principaux, tels que des nouvelles interventions dues à la récidive de goitre, les événements indésirables et l'incidence du cancer de la thyroïde, sont incertains. De nouveaux ECR à long terme avec des données supplémentaires, comme le niveau d'expérience des chirurgiens, le volume de traitement des centres chirurgicaux et des détails sur les techniques utilisées, sont nécessaires.

Lire le résumé complet...
Contexte: 

La thyroïdectomie totale (TT) et la thyroïdectomie subtotale (TS) sont des options de traitement disponibles à l'international pour le goitre multinodulaire non-toxique chez l'adulte. La thyroïdectomie partielle, définie comme un reste thyroïdien postopératoire inférieur à 1 ml, est censé être une option plus sûre mais aussi efficace que la TT. La TS s'est révélée légèrement plus sûre que la TT, mais elle peut laisser un cancer de la thyroïde non détecté en place.

Objectifs: 

L'objectif était d'évaluer les effets de la thyroïdectomie totale ou partielle par rapport à la thyroïdectomie subtotale pour goitre multinodulaire non-toxique.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons consulté la Bibliothèque Cochrane, MEDLINE, PubMed, EMBASE, ainsi que le portail de recherche de l'ICTRP et ClinicalTrials.gov. La dernière recherche date du 18 juin 2015 pour toutes les bases de données. Aucune restriction de langue n'a été appliquée.

Critères de sélection: 

Deux auteurs de la revue ont indépendamment passé au crible les titres, résumés ou les deux sections de tous les dossiers trouvés afin d'identifier les essais contrôlés randomisés (ECR) sur la thyroïdectomie pour le goitre multinodulaire non-toxique, en vue d'effectuer une évaluation plus poussée.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont indépendamment extrait les données, examiné les études pour évaluer leur risque de biais et analysé la qualité globale des études à l'aide de la méthode GRADE. Nous avons calculé le rapport des cotes (RC) et des intervalle de confiance (IC) à 95 % pour les critères de jugement dichotomiques. Un modèle à effets aléatoires a été utilisé pour le regroupement des données.

Résultats principaux: 

Nous avons examiné 1430 dossiers, 14 publications complètes et inclus quatre ECR. Au total, 1305 participants ont été inclus dans ces quatre essais, 543 participants ont été randomisés pour la TT et 762 participants pour la TS. Un total de 98  % et 97  % des participants ont terminé les essais dans le groupe TT et le groupe TS, respectivement. Deux essais avaient une durée de suivi entre 12 et 39 mois, et deux essais un suivi de respectivement 5 et 10 ans. Le risque de biais dans toutes les études était en général inconnu, concernant le biais de sélection, de performance et de détection. Le biais d'attrition était généralement faible et le biais de notification élevé pour certains critères de jugement. Dans la période postopératoire à court terme, aucun décès n'a été signalé dans les groupes TT et TS. Cependant, les données sur la mortalité de toute cause à plus long terme n'ont pas été rapportées (1284 participants  ; 4 essais  ; preuves de qualité modérées). La récidive de goitre était plus faible dans le groupe TT que dans le groupe TS. La récidive de goitre était de 0,2  % (1 / 425) pour le groupe TT, et de 8,4  % (53 / 632) pour le groupe TS (RC 0,05 (IC) à 95 % 0,01 à 0,21  ; P < 0,0001  ; 1057 participants  ; 3 essais  ; preuves de qualité modérée). Le nombre de nouvelles interventions chirurgicales en raison de la récidive de goitre était plus faible dans le groupe TT que dans le groupe TS. La ré-opération a été nécessaire pour 0,5  % (1 / 191) des patients TT, et pour 0,8  % (3 / 379) des patients TS (RC 0,66 (IC à 95  % 0,07 à 6,38)  ; P = 0,72  ; 570 participants  ; 1 essai  ; preuves de faible qualité). L'incidence de paralysie permanente du nerf laryngien récurrent était plus faible pour la TS que pour la TT. La paralysie permanente du nerf laryngien récurrent est survenue chez 0,8  % (6 / 741) des patients de la TS et 0,7  % (4 / 543) des patients de la TT (RC 1,28, IC à 95  % 0,38 à 4,36)  ; P = 0,69  ; 1275 participants  ; 4 essais  ; preuves de faible qualité). L'incidence d'hypoparathyroïdie permanente était plus faible pour la TS que pour la TT. L'hypoparathyroïdie permanente est survenue chez 0,1  % (1 / 741) des patients de la TS comparé à 0,6  % (3 / 543) des patients de la TT (RC 3,09 (IC à 95 % 0,45 à 21,36)  ; P = 0,25  ; 1275 participants  : 4 essais  ; preuves de faible qualité). L'incidence du cancer de la thyroïde était plus faible pour la TS que pour la TT. Le cancer de la thyroïde est survenu chez 6,1  % (41 / 669) des patients de la TS et 7,3  % (34 / 465) des patients de la TT (RC 1,32 (IC à 95  % 0,81 à 2,15) ; P = 0,27  ; 1134 participants  ; 3 essais  ; preuves de faible qualité). Aucune donnée sur la qualité de vie liée à la santé ou les effets socio-économiques n'a été rapportée dans les études incluses.

Notes de traduction: 

Post-édition : Lucie Duchêne (M2 ILTS, Université Paris Diderot)

Tools
Information

Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.