Les objectifs de glycémie pour prévenir la maladie rénale diabétique et sa progression

Quelle est la question ?

Dans de nombreuses régions du monde, le diabète est la cause la plus fréquente des insuffisances rénales et du recours aux greffes de reins ou aux dialyses. Les handicaps (cécité, perte d'une jambe, insuffisance rénale) dus au diabète sont causés par des niveaux trop élevés de glucose (sucre) dans le sang. Une question importante est de savoir si un traitement supplémentaire ayant pour but de contrôler les niveaux de glucose dans le sang (la glycémie) à proximité des valeurs normales peut prévenir les conséquences sur la santé liées au diabète, dont l'espérance de vie inférieure et la perte de la fonction rénale, sans entraîner de problèmes tels que de trop faibles niveaux de glucose dans le sang, pouvant conduire à une perte de conscience ou à des convulsions. Une part des soins médicaux destinés aux personnes ayant un diabète inclut le contrôle minutieux de la glycémie (mesurée au travers d'un test sanguin appelé HbA1C) à des niveaux établis au moyen de médicaments supplémentaires et d'une surveillance attentive du glucose dans le sang avec l'aide de professionnels de santé.

Qu'avons-nous fait ?

Nous avons examiné les preuves portant sur un contrôle plus strict de la glycémie (une glycémie inférieure à long terme, c'est-à-dire une HbA1c < 7 %) par rapport à un contrôle moins strict de la glycémie (HbA1c > 7 %) chez les personnes ayant un diabète de type 1 ou 2. La glycémie a été ajustée au moyen de toutes sortes de traitements, y compris des comprimés ou de l'insuline.

Qu'avons-nous trouvé ?

Quatorze études portant sur 29 319 personnes présentant un risque de développer des complications liées au diabète ont été incluses et 11 études portant sur 29 141 personnes ont été incluses dans nos analyses. Le contrôle glycémique plus strict n'a généralement montré aucun effet bénéfique pour les participants par rapport à un contrôle glycémique moins strict. Il n'y avait aucune différence dans les risques pour les participants de développer une insuffisance rénale, une maladie cardiaque, des complications ou de mourir. Un très faible nombre de personnes (1 personne sur 1000 traitée chaque année) pourraient éviter une crise cardiaque avec un contrôle plus intensif de la glycémie. Certaines personnes pourraient s'attendre à présenter moins de pertes de protéines au travers du fonctionnement de leurs reins, bien que l'impact clinique de ce bénéfice à long terme n'est pas clair. Les problèmes potentiels liés au traitement, tels que les effets secondaires et les risques de très faibles niveaux de glucose dans le sang (les hypoglycémies) n'ont en général pas été mesurés dans les études.

Nos conclusions

La revue conclut qu'un contrôle plus strict de la glycémie apporte des bénéfices incertains à long terme aux personnes ayant un diabète et que les complications immédiates liées à cette approche de traitement sont difficiles à établir avec précision.

Conclusions des auteurs: 

Cette revue suggère que les personnes suivant un contrôle intensif de leur glycémie pour le traitement du diabète présentaient des risques comparables de développer une insuffisance rénale, des événements cardio-vasculaires majeurs ou de mourir par rapport aux personnes ayant suivi un contrôle moins strict de leur glycémie, tout en obtenant de légers bénéfices cliniques au niveau de l'apparition et de la progression d'une microalbuminurie et des infarctus du myocarde. Les effets indésirables de la prise en charge glycémique sont incertains. En se basant sur les effets absolus du traitement, l'impact clinique lié à une HbA1c cible < 7 % ou à une glycémie cible < 6,6 mmol/L n'est pas clair et les préjudices potentiels de cette approche de traitement n'ont pas été suffisamment mesurés.

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Contexte: 

Le diabète est la principale cause de la maladie rénale terminale (MRT) à travers le monde. La diminution de la pression artérielle et le contrôle de la glycémie sont utilisés pour limiter les handicaps associés au diabète, dont l'insuffisance rénale. Cependant, il existe globalement un manque de preuves indiquant quelle plage cible de glycémie est optimale pour prévenir l'insuffisance rénale.

Objectifs: 

Évaluer les bénéfices et les inconvénients du contrôle intensif de la glycémie (HbA1c < 7 % ou une glycémie à jeun < 120 mg/dL) par rapport à un contrôle standard de la glycémie (HbA1c ≥ 7 % ou une glycémie à jeun ≥ 120 mg/dL) pour prévenir l'apparition et la progression de la maladie rénale chez les adultes ayant un diabète.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane Kidney et Transplant jusqu'au 31 mars 2017 en prenant contact avec le spécialiste de l'information et en utilisant des termes de recherche pertinents pour cette revue. Les études incluses dans le registre spécialisé sont identifiées au moyen de stratégies de recherche spécifiquement conçues pour CENTRAL, MEDLINE et EMBASE ; combinées à des recherches manuelles dans des actes de conférences ; ainsi que des recherches dans le système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) et sur ClinicalTrials.gov.

Critères de sélection: 

Les essais contrôlés randomisés évaluant des interventions portant sur la réduction de la glycémie dans lesquels des personnes (âgées de 14 ans ou plus) ayant un diabète de type 1 ou 2 avec et sans maladie rénale ont été aléatoirement assignées à un contrôle glycémique strict ou à un contrôle glycémique moins strict.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs ont indépendamment évalué l'éligibilité des études et les risques de biais, extrait les données et vérifié l'exactitude de ces processus. Les critères de jugement étaient la mortalité, les complications cardiovasculaires, le doublement de la créatinine sérique (CrS), la MRT et la protéinurie. La confiance dans les preuves a été évaluée en utilisant le système GRADE. Les résumés des estimations des effets ont été obtenus en utilisant un modèle à effets aléatoires et les résultats ont été exprimés sous forme de risques relatifs (RR) avec leurs intervalles de confiance à 95 % (IC) pour les résultats dichotomiques, et sous la forme de différences moyennes (DM) avec IC à 95 % pour les résultats continus.

Résultats principaux: 

Quatorze études portant sur 29 319 personnes ayant un diabète ont été incluses et 11 études portant sur 29 141 personnes ont été incluses dans nos méta-analyses. La durée du traitement était de 56,7 mois en moyenne (fourchette de 6 mois à 10 ans). Les études incluaient des personnes ayant une gamme de niveaux de fonction rénale. Le compte-rendu incomplet de détails méthodologiques clés a entrainé des risques de biais incertains dans de nombreuses études. En utilisant l'évaluation GRADE, nous avions modérément confiance dans les effets des stratégies de diminution de la glycémie sur la MRT, la mortalité toutes causes confondues, les infarctus du myocarde et les pertes progressives de protéines liées à la maladie rénale, et faiblement à très faiblement confiance dans les effets du traitement sur la mortalité liée aux complications cardiovasculaires et quant au doublement de la créatinine sérique (CrS).

Pour les critères de jugement principaux, le contrôle glycémique strict pourrait n'avoir que peu ou pas d'effet sur le doublement de la CrS (4 études, 26 874 participants : RR 0,84, IC à 95 % 0,64 à 1,11 ; I2=73 % , preuves de faible certitude), sur le développement de la MRT (4 études, 23 332 participants : RR 0,62, IC à 95 % 0,34 à 1,12 ; I2=52 % ; preuves de faible certitude), sur la mortalité toutes causes confondues (9 études, 29 094 participants : RR 0,99, IC à 95 % 0,86 à 1,13 ; I2=50 % ; preuves de certitude modérée), sur la mortalité cardio-vasculaire (6 études, 23 673 participants : RR 1,19, IC à 95 % 0,73 à 1,92 ; I2=85 % ; preuves de faible certitude), ou sur les morts subites (4 études, 5913 participants : RR 0,82, IC à 95 % 0,26 à 2,57 ; I2=85 % ; preuves de très faible certitude) par rapport au contrôle standard. Les personnes ayant reçu un traitement pour atteindre le contrôle glycémique plus strict ont probablement de plus faibles risques d'infarctus du myocarde non mortels (5 études, 25 596 participants : RR 0,82, IC à 95 % 0,67 à 0,99 ; I2=46 % , preuves de certitude modérée), d'apparition d'une microalbuminurie (4 études, 19 846 participants : RR 0,82, IC à 95 % 0,71 à 0,93 ; I2=61 % , preuves de certitude modérée), et de progression de la microalbuminurie (5 études, 13 266 participants : RR 0,59, IC à 95 % 0,38 à 0,93 ; I2=75 % , preuves de certitude modérée). En termes absolus, un contrôle strict de la glycémie par rapport à un contrôle standard chez 1000 adultes entrainerait entre zéro et deux personnes à éviter un infarctus du myocarde non mortel, tandis que sept adultes éviteraient l'apparition d'une albuminurie et deux éviteraient une aggravation de leur albuminurie.

Notes de traduction: 

Traduction réalisée par Martin Vuillème et révisée par Cochrane France

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.