Les médicaments contre la coagulation sanguine sont-ils bénéfiques chez les personnes atteintes d'une maladie rénale chronique ?

Quelle est la question ?
Les personnes atteintes d'une maladie rénale chronique (MRC) présentent un risque accru de maladie cardiaque, ce qui peut bloquer l'irrigation sanguine du cœur ou du cerveau et provoquer une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral. Les médicaments qui préviennent la formation de caillots sanguins (agents antiplaquettaires) peuvent prévenir les décès causés par des caillots dans les artères, dans la population adulte générale. Toutefois, les bénéfices pourraient être moindres chez les personnes atteintes d'une MRC car la présence de caillots sanguins dans les artères sont moins fréquemment responsables d’un décès ou d’une hospitalisation que l'insuffisance cardiaque ou la mort subite chez ces personnes. Les personnes atteintes d'une MRC sont également plus à risque de saignements en raison de changements dans la coagulation du sang. Les agents antiplaquettaires pourraient ainsi être plus dangereux en cas de MRC.

Comment avons-nous procédé ?

Cette revue actualisée a évalué les bénéfices et les risques des agents antiplaquettaires dans la prévention des maladies cardiovasculaires et des décès, ainsi que l'impact sur la fonction de la dialyse par abord vasculaire (fistule ou greffe) chez les personnes atteintes d'une MRC. Nous avons identifié 90 études comparant des agents antiplaquettaires avec un placebo ou à l'absence de traitement ainsi que 29 études comparant directement un agent antiplaquettaire à un autre.

Qu’avons-nous trouvé ?
Les agents antiplaquettaires préviennent probablement les crises cardiaques mais ne réduisent pas nettement les décès ni les accidents vasculaires cérébraux. Le traitement par ces agents pourraient augmenter le risque de saignement majeur et mineur. Les agents antiplaquettaires préviennent la coagulation de l’accès la dialyse.

Conclusions
Les bénéfices des agents antiplaquettaires chez les personnes atteintes de maladie rénale chronique sont probablement limités à la prévention d'une crise cardiaque. Le traitement ne semble pas prévenir les accidents vasculaires cérébraux ni les décès et il entraîne probablement un excès d'hémorragies graves pouvant entraîner une hospitalisation ou une transfusion.

Conclusions des auteurs: 

Chez les personnes atteintes d’une maladie rénale chronique et traitées par dialyse, les agents antiplaquettaires réduisent probablement les infarctus du myocarde et augmentent les hémorragies majeures. Cependant ils ne semblent pas réduire les décès de toutes causes confondues et les décès cardiovasculaires. Les effets thérapeutiques des agents antiplaquettaires comparés les uns par rapport aux autres sont incertains.

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Contexte: 

Les agents antiplaquettaires sont largement utilisés dans la prévention des événements cardiovasculaires. Les risques et bénéfices des agents antiplaquettaires pourraient être différents parmi les personnes atteintes d'une maladie rénale chronique (MRC) chez qui l’athérosclérose occlusive est moins fréquente. Les risques d'hémorragie pourraient être accrus. Il s'agit d'une mise à jour d'une revue publiée pour la première fois en 2013.

Objectifs: 

Évaluer les bénéfices et les risques des agents antiplaquettaires chez les personnes atteintes d'une forme de MRC y compris celles qui ne reçoivent pas de traitement de substitution rénale, les patients qui reçoivent une forme quelconque de dialyse et les transplantés rénaux.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué une recherche dans le registre d’études du groupe Cochrane sur le rein et la greffe jusqu'au 13 juillet 2021 en contactant les spécialistes de l'information et en utilisant les termes de recherche pertinents pour cette revue. Les études figurant dans le registre sont identifiées grâce à des recherches dans CENTRAL, MEDLINE et EMBASE, des actes de conférence, le système d’enregistrement international des essais cliniques de l’OMS (ICTRP) et le site ClinicalTrials.gov.

Critères de sélection: 

Nous avons sélectionné des essais contrôlés randomisés sur tout agent antiplaquettaire par rapport à un placebo ou à l'absence de traitement, ou des études directes d'agents antiplaquettaires chez des personnes atteintes d’une MRC. Les études ont été incluses lorsqu’elles recrutaient des participants atteints d'une MRC ou si elles incluaient des personnes appartenant à des populations à risque plus larges dans lesquelles les données relatives aux sous-groupes atteints de MRC pouvaient être ventilées.

Recueil et analyse des données: 

Quatre auteurs ont indépendamment extrait les données des rapports d'études primaires et toute information supplémentaire disponible pour la population étudiée, les interventions, les critères de jugement et les risques de biais. Les risques relatifs (RR) (RR) et les intervalles de confiance (IC) à 95 % ont été calculés à partir du nombre d'événements et du nombre de participants à risque qui ont été extraits de chaque étude incluse. Les RR rapportés ont été extraits lorsque les taux bruts d'événements n'étaient pas fournis. Les données ont été regroupées en utilisant un modèle à effets aléatoires. Le niveau de confiance des données probantes a été évalué en utilisant l'approche GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation).

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 113 études, portant sur 51 959 participants ; 90 études (40 597 participants atteints d'une MRC) comparaient un agent antiplaquettaire à un placebo ou à l'absence de traitement, et 29 études (11 805 participants atteints d'une MRC) comparaient directement un agent antiplaquettaire à un autre. Cinquante-six nouvelles études ont été ajoutées à cette mise à jour de 2021. Sept études initialement exclues de la revue de 2013 ont été incluses bien qu'elles aient eu un suivi inférieur à deux mois.

La génération de séquences aléatoires et l’assignation secrète présentaient un faible risque de biais dans 16 et 22 études, respectivement. Soixante-quatre études ont rapporté des méthodes à faible risque de mise en aveugle des participants et des investigateurs ; l'évaluation des critères de jugement a été faite en aveugle dans 41 études. Quarante et une études présentaient un faible risque de biais d'attrition, 50 études présentaient un faible risque de biais de notification et 57 études présentaient un faible risque d'autres sources potentielles de biais.

Par rapport au placebo ou à l'absence de traitement, les agents antiplaquettaires réduisent probablement les infarctus du myocarde (18 études, 15 289 participants : RR 0,88, IC à 95 % entre 0,79 et 0,99, I² = 0 % ; niveau de confiance modéré). Les agents antiplaquettaires ont des effets incertains sur les accidents vasculaires cérébraux mortels et non mortels (12 études, 10 382 participants) : RR 1,01, IC à 95 % entre 0,64 et 1,59, I² = 37 % ; niveau de confiance très faible) et pourrait avoir peu ou pas d'effet sur les décès, quelle qu'en soit la cause (35 études, 18 241 participants : RR 0,94, IC à 95 % entre 0,84 et 1,06, I² = 14 % ; niveau de confiance faible). Le traitement par agents antiplaquettaires augmente probablement les hémorragies majeures chez les personnes atteintes d'une MRC et celles traitées par hémodialyse (HD) (29 études, 16 194 participants) : RR 1,35, IC à 95 % entre 1,10 et 1,65, I² = 12 % ; niveau de confiance modéré). En outre, le traitement par agents antiplaquettaires pourrait augmenter les saignements mineurs chez les personnes atteintes d'une MRC et celles traitées par HD (21 études, 13 218 participants : RR 1,55, IC à 95 % entre 1,27 et 1,90, I² = 58 % ; niveau de confiance faible). Le traitement par agents antiplaquettaires pourrait réduire la thrombose précoce de l'accès vasculaire de dialyse (8 études, 1525 participants) RR 0,52, IC à 95 % entre 0,38 et 0,70 ; niveau de confiance faible). Les agents antiplaquettaires pourraient réduire le doublement de la créatinine sérique dans la MRC (3 études, 217 participants : RR 0,39, IC à 95 % entre 0,17 et 0,86, I² = 8 % ; niveau de confiance faible). Les effets du traitement par agents antiplaquettaires étaient incertains concernant les accidents vasculaires cérébraux, les décès d'origine cardiovasculaire, l'insuffisance rénale, la perte du greffon, le rejet du greffon, la clairance de la créatinine, la protéinurie, l'échec de l'accès à la dialyse, la perte de la perméabilité primaire non assistée, l'impossibilité d'atteindre l’éligibilité à la dialyse, la nécessité d'une intervention et l'hospitalisation d'origine cardiovasculaire. Des données limitées étaient disponibles pour des comparaisons directes en tête-à-tête de médicaments antiplaquettaires, notamment le prasugrel, le ticagrelor, différentes doses de clopidogrel, l'abciximab, le défibrotide, le sarpogrelate et le beraprost.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Astrid Zessler et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.