Quels sont les bénéfices et les risques du traitement des fractures du talon avec ou sans opération ?

Principaux messages

- Chez les personnes qui se sont cassé l'os du talon, la chirurgie pourrait améliorer l'utilisation du pied et de la cheville jusqu'à deux ans après la blessure, par rapport aux traitements non chirurgicaux.

- La chirurgie pourrait également réduire le nombre de personnes ressentant des douleurs jusqu'à deux ans après la blessure et améliorer légèrement leur qualité de vie.

- Les données probantes proviennent de quelques petites études qui n'ont pas toujours été bien menées, ce qui signifie que nous avons peu de confiance dans les résultats.

- D'autres études bien menées sont nécessaires pour augmenter le niveau de confiance des données probantes. Les études futures devraient utiliser des critères de jugement planifiés spécifiquement pour les fractures du talon. Elles pourraient également tester de nouvelles approches chirurgicales qui ne sont pas incluses dans cette revue. Parfois appelées « mini-invasives », ces nouvelles méthodes limitent le nombre de coupures ou d'incisions que le chirurgien doit pratiquer. Cela pourrait conduire à moins de complications postopératoires et à un meilleur critère de jugement à long terme pour le patient que les autres types de chirurgie inclus dans cette revue.

Fractures du talon

Le calcanéum est un os situé dans le talon du pied qui aide à soutenir le pied lors d'une marche normale. Une fracture du talon survient généralement à la suite d'une chute d'une certaine hauteur ou d'un événement à fort impact tel qu'un accident de voiture, et est plus fréquente chez les jeunes adultes. Il s'agit d'une blessure douloureuse, et les personnes concernées pourraient ne pas être en mesure de mettre tout leur poids sur la jambe blessée pendant de nombreuses semaines après la blessure. Cela risque de limiter l'activité physique et d'entraîner des retards dans la reprise des activités normales (comme le travail).

Les traitements d'une fracture du talon sont les suivants :

- L'intervention chirurgicale consiste à utiliser des plaques, des vis ou des fils métalliques pour maintenir les morceaux d'os cassés ensemble pendant leur guérison ;

- traitement non chirurgical dans lequel il est demandé aux patients de se reposer, de garder leur jambe surélevée et parfois d'utiliser de la glace pour gérer le gonflement dû à la blessure. Les personnes pourraient également porter un plâtre, un plâtre amovible ou une attelle, ou encore un bandage serré.

Pour les deux traitements, il est probable que l'on demandera aux patients de ne pas mettre de poids pendant au moins six semaines.

Que voulions-nous découvrir ?

Nous avons voulu savoir si le traitement chirurgical ou non chirurgical est le plus efficace en cas de fracture du talon.

Nous voulions savoir si ces traitements amélioraient la fonction (par exemple, l'usage que la personne peut faire de sa cheville et de son pied), la douleur, la qualité de vie et la capacité à reprendre ses activités normales (comme le travail). Nous nous sommes particulièrement intéressés à l'impact à long terme sur la vie des personnes jusqu'à environ deux ans après la blessure. Nous nous sommes également intéressés à la fonction au cours des trois premiers mois suivant la blessure.

Nous voulions également savoir si les traitements avaient une incidence sur le nombre de complications et quels étaient les effets indésirables du traitement chirurgical.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché des études comparant la chirurgie à un traitement non chirurgical chez des personnes âgées d'au moins 14 ans. Nous avons comparé et résumé les résultats des études et évalué le niveau de confiance des données probantes en fonction de facteurs tels que la méthodologie et la taille des études.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé 12 études portant sur 1097 personnes ayant subi une fracture du talon. L'âge moyen des participants à l'étude était compris entre 28 et 52 ans, et 86 % des participants étaient des hommes, ce qui est assez typique des fractures du talon.

Nous avons constaté que, comparée aux traitements non chirurgicaux, la chirurgie pourrait améliorer le fonctionnement au cours des deux premières années, mais nous ne sommes pas certains que cette amélioration soit suffisante pour faire une différence importante pour les personnes concernées. Aucune étude n'a rapporté la fonction au cours des trois premiers mois suivant la blessure.

La chirurgie pourrait également réduire le nombre de personnes souffrant de douleurs et entraîner une amélioration légère mais significative de la qualité de vie jusqu'à deux ans après la blessure. Il pourrait y avoir peu ou pas de différence entre les traitements en ce qui concerne le nombre de personnes capables de reprendre leurs activités normales.

Dans une petite étude, une seule personne traitée par chirurgie a dû subir une amputation (ablation de la jambe du genou vers le bas), alors qu'il n'y a eu aucune amputation dans le groupe ayant bénéficié d'un traitement non chirurgical ; aucune autre étude n'a rapporté ce critère de jugement. Il pourrait ne pas y avoir de différence entre les options de traitement en ce qui concerne le nombre de personnes qui ont dû subir une nouvelle intervention chirurgicale pour fusionner l'articulation autour de l'os du talon.

Parmi les personnes ayant subi une intervention chirurgicale, 14 % présentaient une infection de la plaie pouvant être traitée par des antibiotiques.

Quelles sont les limites des données probantes ?

Nous avons peu confiance dans les données probantes car les participants aux études savaient quel traitement ils recevaient, ce qui aurait pu introduire un biais. De plus, dans certaines études, les personnes n'ont pas été placées au hasard dans les différents groupes de traitement, ce qui signifie que les différences entre les groupes pourraient être dues à des différences entre les personnes plutôt qu'aux traitements. En outre, la plupart des études n'ont porté que sur un petit nombre de personnes.

Les données probantes sont-elles à jour ?

Il s'agit d'une mise à jour d'une revue précédente. Les données probantes sont à jour jusqu'en novembre 2022.

Conclusions des auteurs: 

Le niveau de confiance des données probantes est limité. Bien que les données probantes regroupées indiquent que le traitement chirurgical pourrait conduire à un meilleur critère de jugement fonctionnel, mais avec un risque accru de secondes opérations non planifiées, nous avons jugé que les données probantes étaient d'un niveau de confiance faible car elles provenaient souvent d'un petit nombre de participants dans des études dont le plan d'étude n'était pas suffisamment solide. Nous n'avons pas trouvé de données probantes suggérant une différence entre les options de traitement dans le nombre de personnes qui ont eu besoin d'une chirurgie de reconstruction tardive pour l'arthrite sous-talienne, bien que l'estimation comprenne la possibilité de risques et de bénéfices importants. Des études de grande envergure, bien menées, tentant de minimiser les biais de détection et mesurant les critères de jugement fonctionnels à l'aide d'outils de mesure spécifiques au calcanéum, permettraient d'augmenter le niveau de confiance dans ces résultats. Étant donné que les procédures chirurgicales mini-invasives sont déjà de plus en plus répandues dans la pratique, il est urgent de mener des recherches pour déterminer si ces nouvelles techniques chirurgicales offrent de meilleurs résultats en ce qui concerne la fonction, la douleur, la qualité de vie et les complications postopératoires pour les fractures déplacées intra-articulaires du calcanéum.

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Contexte: 

Les fractures du calcanéum (os du talon) représentent jusqu'à 2 % de l’ensemble des fractures. Ces fractures sont provoquées par une chute depuis un lieu élevé et sont fréquentes chez les jeunes adultes. Le traitement peut être chirurgical ou non chirurgical, mais il existe une incertitude clinique quant à la prise en charge optimale. Il s'agit d'une mise à jour d'une revue Cochrane publiée pour la première fois en 2013.

Objectifs: 

Évaluer les effets (bénéfices et risques) du traitement chirurgical par rapport au traitement conservateur des fractures intra-articulaires déplacées du calcanéum.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les traumatismes ostéo-articulaires et musculaires, CENTRAL, MEDLINE, Embase et les registres d'essais cliniques en novembre 2022.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) et des quasi-ECR comparant la prise en charge chirurgicale à la prise en charge non chirurgicale des fractures intra-articulaires déplacées du calcanéum chez des adultes squelettique matures (âgés de plus de 14 ans). Pour le traitement chirurgical, nous avons inclus la manipulation fermée avec fixation percutanée par fil, la réduction ouverte avec fixation interne (ROFI) avec ou sans greffe osseuse, ou l'arthrodèse primaire. Pour les traitements non chirurgicaux, nous avons inclus la glace, l'élévation et le repos, ou l'immobilisation par plâtre ou attelle.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons utilisé les procédures méthodologiques standards de Cochrane. Nous avons recueilli des données sur les critères de jugement suivants : la fonction à court terme (dans les trois mois suivant la blessure) ou à long terme (plus de trois mois après la blessure), la douleur chronique, la qualité de vie liée à la santé (QVLS) et la capacité à reprendre des activités normales, ainsi que les complications qui pourraient ou non avoir entraîné un retour non planifié au bloc opératoire.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 10 ECR et deux quasi-ECR avec 1097 participants. La taille des échantillons dans les études variait de 29 à 424 participants. La plupart des participants étaient des hommes (86 %) et l'âge moyen dans les études allait de 28 à 52 ans. Dans les groupes chirurgicaux, les participants ont été traités principalement par ROFI avec des plaques, des vis ou des fils ; une étude a utilisé uniquement des techniques peu invasives. Les participants des groupes non chirurgicaux ont été traités avec un plâtre, une attelle amovible ou un bandage, ou avec du repos, de l'élévation et parfois de la glace.

Le risque de biais de performance était inévitablement élevé dans toutes les études, car il n'était pas possible de mettre en aveugle les participants et le personnel quant au traitement ; en outre, certaines études présentaient un risque élevé ou incertain d'autres types de biais (notamment un risque élevé de biais de sélection pour les quasi-ECR, un risque élevé de biais d'attrition et un risque incertain de biais de présentation sélective des résultats). Nous avons abaissé le niveau de confiance de toutes les données probantes en raison d'un risque de biais important. Nous avons également réduit le niveau de confiance des données probantes pour cause d'imprécision pour tous les critères de jugement (à l'exception des complications nécessitant un retour au bloc opératoire pour une arthrodèse sous-talienne), car les données probantes provenaient d'un petit nombre de participants. Les données probantes relatives à l'arthrodèse sous-talienne ont été jugées incohérentes car les données regroupées présentaient des niveaux élevés d'hétérogénéité statistique.

Nous avons constaté que la prise en charge chirurgicale pourrait améliorer la fonction six à 24 mois après la blessure, sur la base du score de l'American Orthopaedic Foot and Ankle Society (AOFAS) (différence de moyennes (DM) de 6,58, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 1,04 à 12,12 ; 5 études, 319 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Nous n'avons pas connaissance d'une différence minimale cliniquement importante (DMCI) publiée pour le score AOFAS pour ce type de fracture. Les DMCI précédemment publiées pour d'autres affections du pied vont de 2,0 à 7,9. Aucune étude n'a rapporté une fonction à court terme dans les trois mois suivant la blessure. La prise en charge chirurgicale pourrait réduire le nombre de personnes souffrant de douleurs chroniques jusqu'à 24 mois après la blessure (risque relatif (RR) 0,56, IC à 95 % 0,37 à 0,84 ; 4 études, 175 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ; cela équivaut à 295 personnes souffrant de douleurs en moins pour 1000 après la prise en charge chirurgicale (IC à 95 % 107 à 422 pour 1000). La prise en charge chirurgicale pourrait également entraîner une amélioration de la QVLS physique (DM 6,49, IC à 95 % 2,49 à 10,48 ; 2 études, 192 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Ce critère de jugement a été mesuré à l'aide du score de la composante physique du questionnaire de santé abrégé à 36 items. Nous avons utilisé un changement d'effet de 5 % pour indiquer une différence cliniquement importante pour ce système de notation et avons donc jugé que la différence de QVLS entre les personnes traitées chirurgicalement ou non chirurgicalement comprend à la fois des changements cliniquement pertinents et non pertinents pour les personnes traitées chirurgicalement. Il pourrait y avoir peu ou pas de différence dans le nombre de personnes ayant repris le travail dans les 24 mois (RR 1,26, IC à 95 % 0,94 à 1,68 ; 5 études, 250 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ou qui nécessitent une chirurgie secondaire pour une arthrodèse sous-talienne (RR 0,38, IC à 95 % 0,09 à 1,53 ; 3 études, 657 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). En ce qui concerne les autres complications nécessitant un retour au bloc opératoire chez les personnes traitées chirurgicalement, nous avons trouvé des données probantes d’un niveau de confiance faible pour l'amputation (2,4 % ; 1 étude, 42 participants), le retrait de l'implant (3,4 % ; 3 études, 321 participants), l'infection profonde (5,3 % ; 1 étude, 206 participants) et le débridement de la plaie (2,7 % ; 1 étude, 73 participants). Nous avons trouvé des données probantes d’un niveau de confiance faible selon lesquelles 14 % des participants ayant subi une intervention chirurgicale (7 études, 847 participants) présentaient une infection superficielle du site.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Elissar El Chami et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.