Kératoplastie endothéliale versus kératoplastie perforante pour la dystrophie endothéliale de Fuchs

Question de la revue

Nous avons comparé les effets bénéfiques et délétères de la kératoplastie perforante (KPP) et de la kératoplastie endothéliale (KE) chez les patients atteints de dystrophie endothéliale de Fuchs (DEF) pour déterminer si l'une est plus efficace ou plus sûre que l'autre.

Contexte

La couche interne (constituée de cellules endothéliales) de la cornée (la partie transparente à l'avant de l'œil) joue un rôle essentiel dans le maintien de la transparence de la cornée en pompant le liquide vers l'extérieur et en prévenant le gonflement, qui conduit à une opacification. La DEF est une maladie causée par la dégénérescence prématurée des cellules endothéliales qui entraîne l'accumulation de liquide dans la cornée (œdème), des cloques sur la surface de l'œil (kératopathie bulleuse) et une vision floue. Les cas sévères peuvent être traités par une greffe de la cornée, dont la procédure peut être classée en deux grands types, soit la KPP (la cornée centrale est remplacée en utilisant du tissu cornéen sur toute l'épaisseur provenant d'un donneur décédé) et la KE (où seule la couche interne de la cornée est greffée).

La procédure KE peut être réalisée en utilisant plusieurs méthodes, telles que la kératoplastie endothéliale lamellaire profonde (DLEK), la kératoplastie endothéliale par le stripping de Descemet (DSEK), la kératoplastie endothéliale automatisée par le stripping de Descemet (DSAEK) ou la kératoplastie endothéliale assistée par laser femtoseconde (FLEK).

Caractéristiques des études

Nous avons identifié trois essais contrôlés randomisés comparant la KE à la KPP, dont un utilisait la méthode FLEK. Les preuves étaient à jour en janvier 2014. Les trois essais portaient sur un total de 139 yeux de 136 participants, dont 123 yeux ont été inclus dans l'analyse finale. L'essai sur la FLEK et la KPP a été réalisé entre 2005 et 2007 aux Pays-Bas ; les deux autres essais ont été réalisés aux États-Unis et ont été rapportés en 2008 et 2009, mais les dates des études n'étaient pas précisées. Plus de 70 % des participants inclus avaient été diagnostiqués avec la DEF, et les autres participants présentaient d'autres affections oculaires.

Résultats principaux

Il n'y avait aucune différence dans la meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC) entre les deux groupes dans une étude à 12 mois et dans une autre à 24 mois. Le risque d'avoir une forme irrégulière de l'avant de la cornée (astigmatisme) était moindre, mais la perte de cellules endothéliales était plus importante après les procédures KE qu'après la KPP. Un seul essai rapportait les inconvénients des interventions, et indiquait que la FLEK pouvait entraîner légèrement plus de complications que la KPP (par exemple, 8 % d'échecs de la greffe dans le groupe FLEK versus aucun dans le groupe KPP ; et 3 % de rejets de greffe dans le groupe FLEK versus 2 % dans le groupe KPP). Aucun essai ne rapportait d'informations sur la qualité de vie ou les données économiques.

Qualité des preuves

La qualité des preuves n'était pas élevée en raison de limitations dans les plans d'étude et parce que tous les essais avaient un petit nombre de participants atteints de la DEF.

Conclusions des auteurs: 

La croissance rapide de la kératoplastie endothéliale en tant que traitement de choix de la DEF est basée sur la conviction que la récupération visuelle est plus rapide, l'astigmatisme (régulier et irrégulier) induit par chirurgie moindre et les taux de rejet de greffe plus faibles avec la KE. Ce changement dans la pratique suppose également que les taux de survie de greffe à long terme sont similaires pour les deux procédures. Les différences pratiques entre ces procédures chirurgicales signifient que la récupération visuelle est par essence plus rapide suite à la KE, mais cette revue n'a pas trouvé de preuves solides issues d'ECR d'une différence dans le résultat final sur le plan de la vision entre la KE et la KPP pour les personnes atteintes de la DEF. Cette revue a également révélé que les aberrations d'ordre supérieur sont moins fréquentes après la KE, mais la perte de cellules endothéliales est également plus importante après la KE. Les ECR que nous avons inclus utilisaient différentes techniques de KE, ce qui pourrait avoir influencé ces résultats. Les procédures de KE ont évolué au fil des années et peuvent être réalisées à l'aide de différentes techniques, par exemple, la kératoplastie endothéliale lamellaire profonde (DLEK), la kératoplastie endothéliale par le stripping de Descemet (DSEK), la kératoplastie endothéliale automatisée par le stripping de Descemet (DSAEK), la kératoplastie endothéliale assistée par laser femtoseconde (FLEK) ou la kératoplastie endothéliale de la membrane de Descemet (DMEK). Des ECR supplémentaires sont nécessaires pour comparer la KPP avec des procédures de KE couramment pratiquées, telles que la DSEK, la DSAEK et la DMEK, afin de déterminer les réponses à deux questions centrales : existe-t-il une différence dans le résultat final sur le plan de la vision entre ces techniques, ainsi que dans les taux de survie du greffon à long terme ?

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Contexte: 

La dystrophie endothéliale de Fuchs (DEF) est une pathologie caractérisée par la dégénérescence prématurée des cellules endothéliales de la cornée. Quand le nombre de cellules endothéliales est réduit jusqu'à un niveau significatif, du liquide commence à s'accumuler dans la cornée. En conséquence, la cornée perd sa transparence et le patient souffre d'une baisse de la vision. Le seul traitement chirurgical efficace de cette pathologie est le remplacement d'une partie ou de la totalité de la cornée par du tissu sain provenant d'un donneur. La procédure établie, la kératoplastie perforante (KPP), est utilisée depuis de nombreuses années et sa sécurité et son efficacité sont bien connues. Les techniques de kératoplastie endothéliale (KE) sont des procédures chirurgicales relativement nouvelles et leur innocuité et l'efficacité par rapport à la KPP sont incertaines.

Objectifs: 

L'objectif de cette revue était de comparer les effets bénéfiques et les complications associés à deux méthodes chirurgicales (KE et KPP) pour le remplacement de la couche endothéliale malade de la cornée par une couche saine chez des personnes atteintes de la DEF.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL (qui contient le registre des essais du groupe Cochrane sur l'œil et la vision) (Bibliothèque Cochrane 2014, numéro 1), MEDLINE (de janvier 1950 à janvier 2014), EMBASE (de janvier 1980 à janvier 2014), Latin American and Caribbean Health Sciences Literature Database (LILACS) (de janvier 1982 à janvier 2014), le méta-registre des essais contrôlés (mREC) (www.controlled-trials.com) et ClinicalTrials.gov (www.clinicaltrials.gov). Aucune restriction concernant la date ou la langue n'a été appliquée lors des recherches électroniques d'essais. Les dernières recherches dans les bases de données électroniques datent du 27 janvier 2014.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus tous les essais contrôlés randomisés (ECR) comparant la KE à la KPP chez des personnes (de tous âges et des deux sexes) qui avaient été cliniquement diagnostiquées avec la DEF.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs ont indépendamment passé au crible les résultats de recherche, évalué la qualité des essais et extrait les données en utilisant les procédures méthodologiques standard prévues par la Collaboration Cochrane.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus trois ECR portant sur un total de 139 yeux de 136 participants et analysé 123 (88 %) yeux. Deux ECR randomisaient les yeux dans un groupe de kératoplastie endothéliale (KE) ou de kératoplastie perforante (KPP), et un ECR randomisait les yeux dans un groupe de kératoplastie endothéliale assistée par laser femtoseconde (FLEK) ou de KPP. Les ECR comparant la KE à la KPP n'ont pas montré de différence significative entre les procédures en ce qui concerne la meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC) à deux ans (différence moyenne (DM) 0,14 logMAR ; intervalle de confiance (IC) à 95 % -0,08 à 0,36 ; P = 0,23) ou à un an (DM 0,09 logMAR ; IC à 95 % -0,05 à 0,23 ; P = 0,22), tandis que l'essai comparant la FLEK à la KPP a montré une MAVC significativement meilleure après la KPP (DM 0,20 logMAR ; IC à 95 % 0,10 à 0,30 ; P = 0,0001). Un seul ECR rendait compte de l'astigmatisme irrégulier (aberration d'ordre supérieur), qui a été moins important avec la KE que la KPP (DM -1,20 µm ; IC à 95 % -1,53 à -0,87 ; P < 0,001). Un seul ECR rendait compte des numérations des cellules endothéliales (plus basse après la FLEK que la KPP : DM de -969 cellules/mm² ; IC à 95 % -1 161 à -777 ; P < 0,001), de l'échec primaire de la greffe (plus élevé après la FLEK que la KPP : RR 7,76 ; IC à 95 % 0,41 à 145,22 ; P = 0,10), et du rejet de greffe (plus après la FLEK que la KPP : RR 1,11 ; IC à 95 % 0,07 à 17,12 ; P = 0,94). Un seul ECR rapportait que 27,8 % des participants présentaient un déplacement du greffon, 2,8 % une invasion épithéliale et un bloc pupillaire postopératoire, et 13,9 % des problèmes liés à la pression intraoculaire (PIO) dans le groupe FLEK par rapport au groupe KPP, dont 10 % présentaient des problèmes liés à la suture, 5 % une déhiscence de la plaie et 10 % une révision de la suture pour corriger l'astigmatisme. Dans l'ensemble, les événements indésirables semblaient être plus fréquents dans le groupe FLEK que le groupe KPP. Aucun essai ne rapportait des informations sur la qualité de vie ou les données économiques. La qualité méthodologique globale des trois essais n'était pas satisfaisante car la plupart n'avaient pas réalisé d'assignation secrète ni de masquage des participants et des évaluateurs, et tous les essais avaient des effectifs de petite taille.

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.