Acide 5-aminosalicylique par voie orale pour le maintien de la rémission induite chirurgicalement dans la maladie de Crohn

Objectif de la revue

Le but de cette revue était de comprendre l'efficacité et l'innocuité des médicaments à base de 5-ASA pour le maintien de la rémission après une chirurgie chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn. Ceci est une version mise à jour d'une revue Cochrane publiée précédemment.

Qu'est-ce que la maladie de Crohn ?

La maladie de Crohn est une maladie chronique de l'intestin. La maladie de Crohn alterne entre des périodes symptomatiques (rechutes) et des périodes de disparitions des symptômes (rémissions). Les symptômes comprennent des douleurs abdominales, la diarrhée et la perte de poids. Les personnes atteintes de la maladie de Crohn peuvent subir une intervention chirurgicale pour enlever les parties malades de leur intestin. Cependant, leurs symptômes peuvent réapparaître peu de temps après. Différents médicaments peuvent être administrés pour maintenir la rémission, mais on s'inquiète des effets secondaires possibles. Les médicaments au 5-ASA réduisent l'inflammation (douleur et enflure) dans l'intestin. Nous avons cherché à savoir si le 5-ASA peut maintenir la rémission chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn après que la partie malade de leur intestin a été enlevée.

A quelle point cette revue est-elle à jour ?

Les auteurs de la revue ont recherché les études qui avaient été publiées jusqu'au 16 juillet 2018.

Principaux résultats de la revue

Nous avons trouvé 14 études (1867 participants). Une étude a été jugée de grande qualité, six études étaient de faible qualité et sept ont été jugées peu claires, car les auteurs n'ont pas fourni suffisamment d'information pour permettre un jugement. Les personnes qui prenaient du 5-ASA avaient moins de rechutes que celles qui n'avaient pas de traitement d'entretien. Après 12 mois, 36 % (20/55) des participants du groupe 5-ASA ont fait une rechute, comparativement à 51 % (28/55) dans le groupe témoin sans traitement (1 étude, preuve de faible certitude). Des données de qualité moyenne provenant de cinq études ont montré que les médicaments au 5-ASA sont supérieurs au placebo (p. ex. une pilule de sucre) pour le maintien de la rémission de la maladie de Crohn induite par la chirurgie. Au cours d'une période de suivi de 12 à 72 mois, 36 % (131/361) des participants prenant du 5-ASA ont rechuté comparativement à 43 % (160/369) des participants du groupe placebo. L'analyse de quatre études comparant les médicaments au 5-ASA à des antimétabolites puriniques (c.-à-d. l'azathioprine ou la 6-mercaptopurine - deux médicaments immunosuppresseurs) n'a révélé aucune différence dans la proportion des participants qui sont demeurés en rémission, bien que la qualité globale des preuves soit faible. Après 24 mois, 61 % (103/170) des participants au 5-ASA ont fait une rechute comparativement à 67 % (119/177) des participants à l'antimétabolite purine. Les personnes qui ont pris des doses élevées de 5-ASA ont eu moins de rechutes que celles qui ont pris des doses plus faibles de 5-ASA. A 12 mois, 17 % (17/101) des patients du groupe recevant 4 g/jour de 5-ASA ont présenté une rechute, comparativement à 26 % (27/105) des patients du groupe recevant 2,4 g/jour (1 étude, preuve de certitude moyenne). L'analyse d'une seule petite étude comparant le 5-ASA et l'adalimumab (un médicament biologique) a montré que le 5-ASA était inférieur à l'adalimumab pour le maintien de la rémission de la maladie de Crohn induite par la chirurgie. Après 24 mois, 50 % (9/18) des participants au 5-ASA ont fait une rechute comparativement à 13 % (2/16) dans le groupe traité par l'adalimumab (preuve de très faible certitude). L'analyse de deux études comparant la sulfasalazine au placebo n'a révélé aucune différence dans les taux de rechute. Après 18 à 36 mois, 66 % (95/143) des participants traités par la sulfasalazine ont fait une rechute comparativement à 71 % (110/155) des participants ayant reçu le placebo (preuve de faible certitude). Il n'y avait pas de différence dans les taux d'effets secondaires, d'effets secondaires graves et de sevrage dus aux effets secondaires lorsque le 5-ASA a été comparé au placebo. Le 5-ASA était plus sûr que les analogues de la purine, entraînant des effets secondaires moins graves et moins d’arrêts du traitement en raison des effets secondaires. Parmi les effets secondaires couramment signalés, mentionnons la diarrhée, la nausée, l'augmentation des tests de la fonction hépatique, la pancréatite et la douleur abdominale.

Conclusions

Les médicaments au 5-ASA sont supérieurs au placebo pour le maintien de la rémission de la maladie de Crohn induite par la chirurgie (preuve de certitude modérée). La sulfasalazine n'a pas réussi à démontrer sa supériorité par rapport au placebo (preuve de très faible certitude), et de manière similaire les 5-ASAs n'ont pas montrer de supériorité par rapport à l’absence de traitement (preuve de faible certitude). L'efficacité de deux doses différentes du même 5-ASA et l'efficacité du 5-ASA par rapport aux antimétabolites puriniques (azathioprine ou 6-mercaptopurine) pour maintenir la rémission de la maladie de Crohn induite par la chirurgie demeurent incertaines. Toutefois, les analogues de la purine entraînent des effets secondaires plus graves et plus d'arrêt du traitement en raison des effets secondaires que le 5-ASA. La certitude est faible que le 5-ASA soit inférieur à l'adalimumab pour le maintien de la rémission de la maladie coeliaque induite par la chirurgie. On n'a pas observé de différence dans la survenue d’effets secondaires ou de sevrage dus aux effets secondaires avec des formulations de 5-ASA par rapport au placebo, à l'absence de traitement ou à des produits biologiques.

Conclusions des auteurs: 

Les préparations de 5-ASA sont supérieures au placebo pour le maintien de la rémission clinique induite par la chirurgie chez les patients atteints de la MC (preuve de certitude moyenne). Le nombre de patients à traiter pour prévenir une rechute était de 13. Les preuves sur la rémission endoscopique sont incertaines. Les agents de la classe des sulfasalazines 5-ASA n'ont pas démontré de supériorité par rapport au placebo, les 5-ASA n'ont pas démontré de supériorité par rapport à aucun traitement (respectivement très faible et faible certitude). L'efficacité de deux doses différentes du même 5-ASA et l'efficacité du 5-ASA comparativement aux antimétabolites puriniques (azathioprine ou 6-mercaptopurine) dans le maintien de la rémission de la maladie coeliaque induite par la chirurgie demeurent incertaines. Toutefois, les analogues de la purine entraînent des effets indésirables plus graves et plus d’arrêt du traitement en raison d'effets indésirables. La certitude est faible que le 5-ASA soit inférieur à celui des produits biologiques pour ce qui est du maintien de la rémission de la maladie coeliaque induite par la chirurgie (anti TNF-ɑ). Les formulations de 5-ASA semblent sûres, sans différence quant à la survenue d'effets indésirables ou d’arrêt du traitement par rapport au placebo, à l'absence de traitement ou aux produits biologiques.

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Contexte: 

La maladie de Crohn (MC) est un trouble inflammatoire chronique qui peut toucher n'importe quelle partie du tractus gastro-intestinal. Les 5-aminosalicylates (5-ASA) sont des composés anti-inflammatoires à action locale qui réduisent l'inflammation de la muqueuse du côlon avec des profils de libération qui varient selon les différentes formulations disponibles sur le marché. Cette mise à jour de la revue Cochrane résume les données probantes actuelles sur l'utilisation des formulations de 5-ASA pour le maintien de la rémission induite par la chirurgie dans la MC.

Objectifs: 

Évaluer l'efficacité et l'innocuité des agents du 5-ASA pour le maintien de la rémission chirurgicale de la MC.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons fait des recherches dans MEDLINE, Embase, CENTRAL, le registre spécialisé du groupe Cochrane IBD depuis leur création jusqu'au 16 juillet 2018. Nous avons également recherché des références, des résumés de conférences et des registres d’essais.

Critères de sélection: 

Ont été considérés les essais cliniques comparatifs et randomisés (ECR) des participants atteints de la MC en rémission après une intervention chirurgicale comparant les 5-ASA à aucun traitement, placebo ou autre intervention active pour une durée d'au moins trois mois.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons utilisé les procédures méthodologiques standard définies par Cochrane. Le critère de jugement principal était la rechute clinique. Les critères de jugements secondaires comprenaient la récidive endoscopique, la rechute radiologique et chirurgicale, les effets indésirables, les effets indésirables graves et le retrait de l’étude en raison d'effets indésirables.

Résultats principaux: 

Quatorze ECR (1 867 participants) ont été inclus dans la revue. Les participants (15 à 70 ans) ont été recrutés dans des hôpitaux de gastroentérologie et des cliniques médicales en Europe et en Amérique du Nord et ont été suivis entre 3 et 72 mois. Le risque de biais a été jugé " faible " dans une étude, " imprécis " dans sept études et " élevé " dans six autres.

A 12 mois, 36 % (20/55) des participants du groupe du 5-ASA ont connu une rechute clinique comparativement à 51 % (28/55) dans le groupe témoin sans traitement (RR 0,71 ; IC à 95 % : 0,46 à 1,10 ; preuve de faible certitude). Des preuves de certitude moyenne suggèrent que les 5-ASA sont plus efficaces pour prévenir les rechutes cliniques que le placebo. Au cours d'une période de suivi de 12 à 72 mois, 36 % (131/361) des participants au 5-ASA ont fait une rechute comparativement à 43 % (160/369) des participants au placebo (RR 0,83, IC à 95 % : 0,72 à 0,96 ; I² = 0 % ; preuve de certitude moyenne). A 12 mois, 17 % (17/101) du groupe recevant 4 g/jour de mésalamine ont fait une rechute comparativement à 26 % (27/105) du groupe recevant 2,4 g/jour (RR 0,65, IC à 95 % : 0,38 à 1,13 ; preuve de certitude moyenne). On n'a pas observé de différence dans les taux de rechute cliniques lorsque les composés de 5-ASA ont été comparés aux antimétabolites puriniques. A 24 mois, 61 % (103/170) des participants recevant de la mésalamine ont fait une rechute comparativement à 67 % (119/177) des participants recevant de l'azathioprine (RR 0,90, IC à 95 % : 0,76 à 1,07 ; I² = 28 % ; preuve de faible certitude). Pendant 24 mois, 50 % (9/18) des participants au 5-ASA ont présenté une rechute clinique, comparativement à 13 % (2/16) des participants à l'adalimumab (RR 4,0, IC à 95 %, 1,01 à 15,84 ; preuve de faible certitude). Les effets de la sulfasalazine par rapport au placebo sur le taux de rechute clinique sont incertains. Après 18 à 36 mois, 66 % (95/143) des participants traités par la sulfasalazine ont présenté une rechute comparativement à 71 % (110/155) dans le groupe placebo (RR 0,88, IC à 95 % : 0,56 à 1,38 ; I² = 38 % ; preuve de faible certitude).

L'effet des médicaments au 5-ASA sur l'innocuité était incertain. Au cours du suivi après 24 mois, 4 % (2/55) des participants au 5-ASA ont présenté des effets indésirables, comparativement à aucun (0/55) dans le groupe témoin sans traitement (RR 5,00 ; IC à 95 % : 0,25 à 101,81 ; preuve de très faible certitude). Une proportion égale de participants au groupe 5-ASA (10 % ; 23/241) et de participants au groupe placebo (9 % ; 20/225) ont présenté un événement indésirable au cours d'un suivi de 3 à 72 mois (RR 1,07, IC 95 % : 0,60 à 1,91 ; I² = 0 % ; preuve de faible certitude). Les taux d'effets indésirables étaient semblables dans les groupes du 5-ASA et des analogues de la purine. Toutefois, les effets indésirables graves et les abandons pour cause d'effets indésirables étaient plus fréquents chez les participants ayant reçu des analogues de la purine que chez ceux ayant reçu du 5-ASA. De 52 semaines à 24 mois, 52 % (107/207) des participants au 5-ASA ont présenté un effet indésirable, comparativement à 47 % (102/218) des participants aux analogues de la purine (RR 1,11, IC à 95 % : 0,97 à 1,27, I² = 0 % ; preuve de faible certitude). Quatre pour cent (6/152) des participants au 5-ASA ont présenté un effet indésirable grave, comparativement à 17 % (27/159) des participants analogues à la purine (RR 0,30, IC à 95 %, 0,11 à 0,80 ; preuve de très faible certitude). Huit pour cent (17/207) des participants au 5-ASA se sont retirés en raison d'un événement indésirable, comparativement à 19 % (42/218) des participants analogues à la purine (RR 0,48, IC à 95 % : 0,28 à 0,83 ; preuve de faible certitude). Les taux d'effets indésirables étaient semblables chez les participants recevant des doses élevées et faibles de mésalamine. Après 12 mois, 2 % (2/101) des participants recevant 4 g/jour de mésalamine ont présenté un effet indésirable, comparativement à 2 % (2/105) des participants recevant 2,4 g/jour (RR 1,04, IC à 95 %, 0,15 à 7,24 ; preuve de faible certitude). La proportion de participants ayant subi des effets indésirables au cours d'un suivi de 24 mois dans le groupe recevant de la mésalamine était de 78 % (14/18) comparativement à 69 % (11/16) des participants recevant de l'adalimumab (RR 1,13, IC à 95 %, 0,75 à 1,71 ; preuve de très faible certitude). Aucun (0/32) des participants traités par la sulfasalazine n'a présenté d'effet indésirable au 18e mois de suivi, comparativement à 3 % (1/34) du groupe placebo (RR 0,35, IC à 95 %, 0,01 à 8,38 ; preuve de très faible certitude). Les effets indésirables couramment signalés dans les études incluses étaient la diarrhée, la nausée, l'augmentation des tests de la fonction hépatique, la pancréatite et la douleur abdominale.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée Sylvain JUCHET et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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