Quels sont les bénéfices et les risques du traitement d'un empoisonnement au paraquat par une association de stéroïdes et de cyclophosphamide (un médicament anticancéreux) ?

Principaux messages

- Il est peu probable que les stéroïdes administrés avec le cyclophosphamide (un médicament anticancéreux) réduisent le risque de décès après une intoxication au paraquat à court terme, ou trois mois après la sortie de l'hôpital.

- Nous ne sommes pas certains que ces médicaments augmentent le risque d'infection.

- Les études futures doivent être plus importantes, mesurer avec précision le niveau d'empoisonnement au paraquat des patients et suivre les patients sur le long terme. La recherche sur les stéroïdes combinés à d'autres traitements pourrait être utile.

Que se passe-t-il chez les personnes empoisonnées par le paraquat ?

Le paraquat est utilisé comme herbicide, mais c'est aussi un poison mortel. La plupart des personnes empoisonnées par le paraquat l'ont pris comme un moyen d'auto-empoisonnement.

Le traitement de l'empoisonnement au paraquat se concentre sur l'élimination physique (par pompage de l'estomac et autres méthodes) de la plus grande quantité possible de paraquat du système digestif (estomac) et du sang de la personne. Tout paraquat qui reste dans le corps provoque une inflammation qui peut endommager gravement les poumons et entraîner la mort.

Les stéroïdes et le cyclophosphamide (un médicament normalement utilisé dans le traitement du cancer) sont des médicaments qui combattent l'inflammation et sont donc également utilisés pour traiter l'empoisonnement au paraquat.

Que voulions-nous découvrir ?

Nous voulions savoir si l'association de stéroïdes et de cyclophosphamide (plus les soins habituels) était plus efficace que les soins habituels seuls pour réduire le nombre de personnes qui meurent d'un empoisonnement au paraquat.

Nous voulions également savoir si le traitement par stéroïdes et cyclophosphamide entraînait une augmentation du nombre d'infections chez les patients.

Qu'avons-nous fait ?

Nous avons recherché des études portant sur l'utilisation de stéroïdes et de cyclophosphamide (plus les soins habituels) par rapport aux soins habituels seuls chez les personnes intoxiquées au paraquat.

Nous avons comparé et résumé les résultats des études, et évalué le niveau de confiance des données probantes, sur la base de facteurs tels que les méthodes et la taille des études.

Qu'avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé quatre études portant sur 463 personnes ayant subi un empoisonnement confirmé au paraquat. Deux études ont été menées à Taiwan (République de Chine), une en Iran et une au Sri Lanka.

Tous les participants ont reçu soit :

- les soins habituels uniquement, ou

- la combinaison des stéroïdes (méthylprednisolone seule ou avec dexaméthasone) et du cyclophosphamide, ainsi que les soins habituels. Le cyclophosphamide a été administré avant le ou les stéroïdes ou en même temps qu'eux.

Deux des études ont mesuré la gravité de l'empoisonnement en testant le plasma (un composant du sang) des patients au début de l'étude. Les tests plasmatiques constituent la meilleure évaluation de la gravité de l'intoxication au paraquat.

Une étude a utilisé un traitement placebo (factice) en plus des soins habituels. Deux études ont donné aux patients un stéroïde (dexaméthasone) dans le cadre des soins habituels.

Décès à l'hôpital

Les résultats combinés de deux études ont montré que les stéroïdes en association avec le cyclophosphamide (plus les soins habituels) pourraient réduire légèrement le risque de décès par rapport aux soins habituels seuls (avec ou sans placebo) chez les personnes victimes d'une intoxication au paraquat.

Décès 3 mois après la sortie de l'hôpital

Une grande étude a montré que trois mois après la sortie de l'hôpital, il n'y avait pas de différence dans le nombre de décès entre les personnes traitées par stéroïdes plus cyclophosphamide (plus soins habituels) et celles traitées par les soins habituels seuls.

Infection

Deux petites études ont vérifié le niveau des globules blancs chez les patients (un faible niveau peut augmenter le risque d'infection). Aucune des deux études n'a rapporté d'infections dans la semaine suivant le traitement par stéroïdes et cyclophosphamide. En raison de la petite taille des études, nous sommes très incertains quant à l'influence du traitement sur le risque d'infection dans la semaine suivant le traitement.

Quelles sont les limites des données probantes ?

Les quatre études différaient en termes de nombre de personnes, d'évaluation du niveau d'empoisonnement au paraquat et de types de traitement. Cela a limité notre capacité à tirer des conclusions fermes à partir des données probantes.

Dans l'ensemble, les études que nous avons trouvées étaient trop petites pour apporter des réponses à nos questions.

Ces données probantes sont elles à jour ?

Cette revue met à jour notre précédente revue sur ce sujet. Les données probantes sont à jour jusqu'en septembre 2020.

Conclusions des auteurs: 

Des données probantes d’un niveau de confiance faible suggèrent que les glucocorticoïdes associés au cyclophosphamide en plus des soins standard pourraient réduire légèrement la mortalité chez les personnes hospitalisées pour une intoxication orale au paraquat. Cependant, nous avons une confiance limitée dans ce résultat en raison de l'hétérogénéité substantielle et des préoccupations concernant l'imprécision. Les glucocorticoïdes associés au cyclophosphamide en plus des soins standard pourraient avoir peu ou pas d'effet sur la mortalité trois mois après la sortie de l'hôpital. Nous ne sommes pas certains que l'association glucocorticoïde et cyclophosphamide expose les patients à un risque accru d'infection en raison du peu de données probantes disponibles sur ce critère de jugement. Les recherches futures devraient être enregistrées de manière prospective et conformes à la norme CONSORT. Les investigateurs doivent s'efforcer d'assurer une taille d'échantillon adéquate, de sélectionner rigoureusement les participants à inclure et de rechercher un suivi à long terme des participants. Les investigateurs pourraient souhaiter étudier les effets du glucocorticoïde en combinaison avec d'autres traitements.

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Contexte: 

Ceci est une mise à jour d'une revue Cochrane.

Le paraquat est un herbicide largement utilisé, mais c'est aussi un poison mortel. Dans certains pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI), le paraquat est couramment disponible et peu coûteux, ce qui rend difficile la prévention des intoxications. La plupart des personnes empoisonnées par le paraquat l'ont pris comme moyen d'auto-empoisonnement.

Le traitement standard de l'empoisonnement au paraquat empêche toute absorption supplémentaire et réduit la charge de paraquat dans le sang par hémoperfusion ou hémodialyse. L'efficacité des traitements standard est extrêmement limitée.

Le système immunitaire joue un rôle important dans l'aggravation de la fibrose pulmonaire induite par le paraquat. Un traitement immunosuppresseur utilisant une combinaison de glucocorticoïdes et de cyclophosphamide a été développé et étudié comme intervention pour l'empoisonnement au paraquat.

Objectifs: 

Évaluer les effets des glucocorticoïdes associés à du cyclophosphamide pour une intoxication orale modérée à grave au paraquat.

Stratégie de recherche documentaire: 

Les recherches les plus récentes ont été effectuées en septembre 2020. Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) (qui contient le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les blessures), Ovid MEDLINE(R), Ovid MEDLINE In-Process & Other Non-Indexed Citations, Ovid MEDLINE Daily et Ovid OLDMEDLINE, Embase Classic + Embase (Ovid), ISI WOS (SCI-EXPANDED, SSCI, CPCI-S et CPSI-SSH) et les registres d'essais. Nous avons également effectué des recherches dans les trois ressources suivantes : Base de données de l'infrastructure nationale chinoise des connaissances (CNKI 数据库) ; Wanfang Data (万方数据库) ; et VIP (维普数据库) le 12 novembre 2020. Nous avons examiné les références bibliographiques des études incluses et des articles de synthèse.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR). Pour cette mise à jour, conformément à la politique du groupe Cochrane sur les blessures (2015), nous avons inclus uniquement les ECR enregistrés de manière prospective pour les essais publiés après 2010. Nous avons inclus les essais qui évaluaient les effets du glucocorticoïde et du cyclophosphamide administrés en association. Les comparateurs éligibles étaient les soins standard (avec ou sans placebo), ou tout autre traitement en plus des soins standard. Les critères de jugement d'intérêt comprenaient la mortalité et les infections.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons calculé le risque relatif (RR) pour la mortalité et l'intervalle de confiance (IC) à 95 %. Dans la mesure du possible, nous avons résumé les données relatives à la mortalité associée à toutes causes confondues à des périodes de temps pertinentes (de la sortie de l'hôpital à trois mois après la sortie) dans une méta-analyse, en utilisant un modèle à effet fixe. Nous avons effectué des analyses de sensibilité basées sur des facteurs incluant le fait que les participants aient été évalués à l’inclusion pour les niveaux de plasma de paraquat. Nous avons également rapporté des données sur les infections survenues dans la semaine suivant l'initiation du traitement.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus quatre essais avec un total de 463 participants. Les études incluses ont été menées à Taiwan (République de Chine), en Iran et au Sri Lanka. La plupart des participants étaient des hommes. L'âge moyen des participants était de 28 ans.

Nous avons jugé que deux des quatre études incluses, y compris l'étude la plus importante et la plus récente (n = 299), présentaient un faible risque de biais pour les domaines clés, notamment la génération de séquences. Nous avons évalué qu'une étude présentait un risque élevé de biais de sélection et une autre un risque incertain, car l’assignation secrète n'était pas mentionnée dans le rapport de l'essai ou n'était pas explicitement entreprise. Nous avons évalué trois des quatre études comme présentant un risque pas clair de rapport sélectif, car aucun protocole n'a pu être identifié. Une source importante d'hétérogénéité parmi les études incluses était la méthode d'évaluation de la gravité initiale des participants à l'aide de l'analyse des niveaux plasmatiques (deux études ont utilisé cette méthode, tandis que les deux autres ne l'ont pas fait).

Aucune étude n'a évalué le critère de jugement de la mortalité à 30 jours après l'ingestion de paraquat.

Des données probantes d’un niveau de confiance faible provenant de deux études indiquent que les glucocorticoïdes associés au cyclophosphamide en plus des soins standard pourraient réduire légèrement le risque de décès à l'hôpital par rapport aux soins standard seuls ((RR 0,82, IC à 95 % 0,68 à 0,99 ; participants = 322) ; les résultats proviennent d'une analyse de sensibilité excluant les études n'évaluant pas le plasma à l’inclusion). Cependant, nous avons un niveau de confiance limité dans ce résultat car l'hétérogénéité était élevée (I2 = 77 %) et les études variaient en termes de taille et de comparateurs. Une seule grande étude a fourni des données montrant qu'il pourrait y avoir peu ou pas d'effet du traitement trois mois après la sortie de l'hôpital (RR 0,98, IC à 95 % 0,85 à 1,13 ; 1 étude, 293 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ; cependant, l'analyse des résultats à long terme parmi les participants dont les blessures sont dues à l'auto-empoisonnement doit être interprétée avec prudence.

Nous restons incertains quant à l'effet des glucocorticoïdes associés au cyclophosphamide sur l'infection dans la semaine suivant le début du traitement ; ce critère de jugement n'a été évalué que par deux petites études (31 participants, données probantes d’un niveau de confiance très faible) qui ont considéré la leucopénie comme un substitut ou un facteur de risque d'infection. Aucune des deux études n'a rapporté d'infections chez les participants.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Imene Moulla et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.