Les médicaments vasodilatateurs dans la réduction des symptômes du phénomène de Raynaud primaire

Contexte

Le phénomène de Raynaud (PR) est une affection qui touche les petits vaisseaux sanguins des extrémités, généralement les doigts mais aussi les orteils et d'autres parties du corps. Elle est causée par un rétrécissement temporaire des vaisseaux sanguins, qui entraîne des changements de couleur avec des engourdissements, des picotements et des douleurs associés. Différents déclencheurs de cette affection sont connus, comme le stress, le froid et l'utilisation d'outils manuels vibratoires. Les mesures conservatrices pour contrôler cette affection comprennent l'arrêt du tabac et le maintien d'une chaleur périphérique et ambiante. Les médicaments qui dilatent les vaisseaux sanguins, tels que les inhibiteurs calciques, pourraient être utilisés mais ont des effets secondaires. Cette revue vise à étudier l'efficacité et la sécurité des médicaments qui dilatent les vaisseaux sanguins autres que les inhibiteurs calciques.

Caractéristiques des études et principaux résultats

Nous avons trouvé sept nouvelles études pour cette mise à jour, ce qui porte le total à 15 (la recherche était à jour jusqu'au 16 novembre 2020). Cette mise à jour inclut désormais d'autres voies d'administration telles que la voie veineuse (intraveineuse) et la voie cutanée (topique), contrairement aux revues précédentes, qui se concentraient sur les formes orales de traitement. Les études ont été publiées entre 1989 et 2013 et ont porté sur un total de 635 participants répartis au hasard pour recevoir un traitement ou un placebo. De nombreuses études ne décrivaient pas divers aspects de la méthode, tels que la randomisation, l’assignation secrète et la mise en aveugle. La durée du traitement variait entre deux semaines et six mois.

Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine en tant que classe de médicaments, en particulier l'énalapril et le captopril dans cette revue, ont en général augmenté la fréquence des crises du phénomène de Raynaud par semaine mais n'ont pas affecté la gravité des crises. L'énalapril a aggravé l'évaluation subjective de l'amélioration, et le captopril n'a pas amélioré les critères de jugement subjectifs ou le flux sanguin digital. Le Buflomedil a montré une faible réduction de la fréquence et de la sévérité des crises avec une augmentation des effets secondaires. Le béraprost et le dazoxiben n'ont pas montré de changement dans la fréquence ou la gravité des crises ni dans le score d'invalidité et ont été associés à une augmentation des effets secondaires. La ketanserin n'a pas démontré d'amélioration de la fréquence ou de la durée des crises ni du flux sanguin digital mais a démontré une amélioration du score de sévérité du PR. Dans une petite étude, il a été démontré que le moxisylyte réduisait légèrement la fréquence et la gravité des crises, mais avec des effets secondaires accrus. Le trinitrate de glyceryl topique n'a pas montré d’effet sur la réduction de la fréquence des crises par semaine. Une étude a rapporté une amélioration subjective du score d’état de Raynaud (Raynaud’s Condition Score, RCS). Une petite étude a rapporté des améliorations de la fréquence et de la sévérité des crises comme changements subjectifs. Les maux de tête étaient l'effet secondaire le plus important et le plus fréquent du traitement. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase n'ont pas entraîné de réduction de la fréquence, de la gravité ou de la durée des crises et n'ont pas amélioré le RCS. Une étude s'est prononcée en faveur de l'utilisation du vardenafil seul pour réduire le RCS mais a constaté que l'effet est probablement faible. Une étude a rapporté que le cilostazol augmentait la fréquence et la gravité des crises ; des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ce résultat. Le risque de céphalées en tant qu'effet secondaire du traitement a été augmenté avec l'utilisation du cilostazol. On a constaté que le PF-00489791 à une dose de 20 mg améliorait légèrement toutes les mesures de critères de jugement subjectifs et le RCS.

Fiabilité des données probantes

Nous avons une confiance très faible à modérée dans ces résultats, nous ne pouvons donc pas tirer de conclusions définitives sur les bénéfices de ces médicaments pour améliorer les symptômes du phénomène de Raynaud (PR) primaire. Nous ne pouvons pas être sûrs en raison du petit nombre de participants aux études, des problèmes liés à la conception des études et des différences dans la manière de mesurer l'efficacité ou non des traitements. Par conséquent, l'importance clinique de ces résultats est difficile à évaluer, surtout lorsque la réponse au placebo est élevée. Il est également évident que les résultats pour chaque classe de médicaments et pour les médicaments individuels au sein de chaque classe de médicaments doivent être interprétés dans le contexte où ils pourraient avoir des effets pharmacologiques variés en plus de la vasodilatation. Il faut en tenir compte lorsque l'on tire des conclusions sur les effets globaux de chaque classe de médicaments et/ou de chaque médicament.

Conclusions des auteurs: 

Les études incluses ont examiné plusieurs vasodilatateurs différents (topiques et oraux) pour le traitement du phénomène de Raynaud primaire. La petite taille des échantillons, le nombre limité de données et la variabilité des critères de jugement ont donné lieu à des données probantes d’un niveau confiance très faible à modéré. Les données probantes sont insuffisantes pour soutenir l'utilisation de vasodilatateurs et suggèrent que l'utilisation de vasodilatateurs pourrait même aggraver le phénomène.

Lire le résumé complet...
Contexte: 

De nombreux agents ont été proposés dans le traitement symptomatique du phénomène de Raynaud primaire. En dehors des inhibiteurs calciques, qui sont considérés comme les médicaments de choix, les données probantes des effets des autres traitements pharmacologiques sont limitées. Il s'agit d'une mise à jour d'une revue publiée pour la première fois en 2008.

Objectifs: 

Évaluer les effets des médicaments ayant des effets vasodilatateurs sur le phénomène de Raynaud primaire déterminés par la fréquence, la gravité et la durée des crises vasospastiques, la qualité de vie, les effets indésirables et le score d’état de Raynaud (Raynaud’s Condition Score, RCS).

Stratégie de recherche documentaire: 

Le spécialiste de l'information du groupe Cochrane sur les maladies vasculaire a effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies vasculaires, dans les bases de données CENTRAL, MEDLINE, Embase et CINAHL, ainsi que dans le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS et dans le registre des essais ClinicalTrials.gov jusqu'au 16 novembre 2020.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés évaluant les effets des formulations orales, intraveineuses et topiques de tout médicament ayant des effets vasodilatateurs sur les symptômes subjectifs, les scores de gravité et les critères de jugement radiologiques du phénomène de Raynaud primaire. Le traitement par les inhibiteurs calciques n'a pas été évalué dans cette revue, et ces agents n'ont pas été comparés.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs ont indépendamment sélectionné les études à inclure, les ont évaluées à l'aide de l'outil Cochrane « Risque de biais » et ont extrait les données des études. Les critères de jugement d'intérêt comprenaient la fréquence, la gravité et la durée des crises, la qualité de vie, les effets indésirables et le score d’état de Raynaud (Raynaud’s Condition Score, RCS). Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes en utilisant le système GRADE.

Résultats principaux: 

Nous avons identifié sept nouvelles études pour cette mise à jour. Au total, nous avons inclus 15 études portant sur 635 participants. Ces études ont comparé différents vasodilatateurs à un placebo. Les études individuelles ont utilisé différentes méthodes et mesures pour rapporter différents critères de jugement.

Inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine

La combinaison des données de trois études a révélé la possibilité d'une légère augmentation de la fréquence des crises par semaine après le traitement (captopril ou énalapril) par rapport au placebo (différence moyenne [DM] 0,79, intervalle [IC] de confiance à 95 % 0,43 à 1,17 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Aucune différence entre les groupes n'a été mise en évidence en ce qui concerne la gravité des crises (DM -0,17, IC à 95 % -4,66 à 4,31 ; 34 participants, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance faible), la durée des crises (DM 0,54, IC à 95 % -2,42 à 1,34 ; 14 participants, 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ou les effets indésirables (risque relatif [RR] 1,35, IC à 95 % 0,67 à 2,73 ; 46 participants, 3 études ; données probantes d’un niveau de confiance faible). La qualité de vie et le RCS n'ont pas été rapportés.

Alpha-bloquants

Deux études ont utilisé des alpha-bloquants (buflomedil ou moxisylyte). Nous n'avons pas été en mesure de combiner les données en raison de la manière dont les résultats étaient présentés. Le buflomédil a probablement réduit la fréquence des crises par rapport au placebo (DM -8,82, IC à 95 % -11,04 à -6,60 ; 31 participants, 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) et pourrait améliorer les scores de gravité (DM -0,41, IC à 95 % -0,62 à -0,30 ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Avec le moxisylyte, les investigateurs ont rapporté moins de crises (P < 0,02), des symptômes moins graves (P < 0,01) et une durée plus courte des crises, mais la pertinence clinique de ces résultats n'est pas claire. Il n’y avait pas de données probantes indiquant une différence dans les effets indésirables entre les groupes buflomédil et placebo (RR 1,41, IC à 95 % 0,27 à 7,28 ; 31 participants, 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Plus d'effets indésirables ont été observés chez les participants du groupe moxisylyte que dans le groupe placebo.

Analogues de prostaglandine/prostacycline

Une étude a comparé le beraprost à un placebo. Il n'y avait pas de données probantes indiquant de bénéfices sur la fréquence (DM 2,00, IC à 95 % -0,35 à 4,35 ; 118 participants, données probantes d’un niveau de confiance faible) ou la sévérité des crises (différence moyenne -0,06, IC à 95 % -0,34 à 0,22 ; 118 participants, données probantes d’un niveau de confiance faible). Dans l'ensemble, un plus grand nombre d'effets indésirables a été noté dans le groupe beraprost (RR 1,59, IC à 95 % 1,05 à 2,42 ; 125 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Cette étude n'a pas rapporté la durée des crises, de la qualité de vie ou du RCS.

Inhibiteurs de la thromboxane synthase

Une étude a comparé un inhibiteur de la thromboxane synthase (dazoxiben) à un placebo. Il n'y avait pas de données probantes indiquant de bénéfices pour la fréquence des crises (DM 0,8, IC à 95 % -1,81 à 3,41 ; 6 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Les effets indésirables n'ont pas été rapportés dans les analyses de sous-groupes de participants présentant un phénomène de Raynaud primaire, et l'étude n'a pas rapporté la durée des crises, la sévérité des symptômes, la qualité de vie ou le RCS.

Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine

Une étude a comparé la kétansérine à un placebo. Il pourrait y avoir une légère réduction du nombre de crises par semaine avec la kétansérine par rapport au placebo (différence moyenne -14,0, IC à 95 % -27,72 à -0,28 ; 41 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) et une réduction du score de gravité (DM -133,00, IC à 95 % -162,40 à -103,60 ; 41 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Rien n'indique que la kétansérine réduise la durée des crises (DM -4,00, IC à 95 % -14,82 à 6,82 ; 41 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible, ni que les effets indésirables soient plus nombreux dans l'un ou l'autre groupe (RR 1,54, IC à 95 % 0,89 à 2,65 ; 41 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Cette étude n'a pas rapporté sur la qualité de vie ou le RCS.

Nitrate/dérivés de nitrate

Quatre études ont comparé des traitements topiques à base de nitroglycérine ou de trinitrate de glyceryl à un placebo, chacune d'entre elles rapportant de critères de jugement limités. La méta-analyse n'a pas montré de données probantes suggérant un effet sur la fréquence des crises par semaine (DM -1,57, IC à 95 % -4,31 à 1,17 ; 86 participants, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Nous n'avons pu mettre en commun aucune donnée pour les autres critères de jugement.

Inhibiteurs de phosphodiestérase

Trois études ont comparé les inhibiteurs de la phosphodiestérase (vardenafil, cilostazol ou PF-00489791) à un placebo équivalent. Les résultats n'ont pas montré de données probantes suggérant une différence dans la fréquence des crises (DM standardisée -0,05, IC à 95 % -6,71 à 6,61 ; 111 participants, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance faible), la gravité des crises (DM -0,03, IC à 95 % -1,04 à 0.97 ; 111 participants, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), la durée des crises (DM -1,60, IC à 95 % -7,51 à 4,31 ; 73 participants, 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ou le RCS (DMS -0,8, IC à 95 % -1,74 à 0,13 ; 79 participants, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les auteurs de l'étude ont signalé que 35 % des participants sous cilostazol se sont plaints de maux de tête, qui n'ont pas été signalés dans le groupe placebo. Le PF-00489791 a provoqué des effets indésirables chez 34 des 54 participants contre 43 des 102 participants recevant le placebo (RR 1,49). Les maux de tête étaient les plus fréquents, touchant 14 participants (PF-00489791) contre neuf participants (placebo).

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Judith Catella et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

Tools
Information

Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.