Les interventions pour la prévention des lésions nerveuses causées par le cisplatine et d'autres médicaments anti-tumoraux à base de platine

Question de la revue

Nous avons examiné les preuves concernant les effets de traitements pour prévenir ou réduire les lésions nerveuses dues au médicament anticancéreux (chimiothérapie) cisplatine ou à d'autres médicaments contenant du platine.

Contexte

Le cisplatine et d'autres médicaments de même nature contenant du platine utilisés dans le traitement des tumeurs solides sont toxiques pour le système nerveux périphérique. La plupart des personnes qui achèvent une chimiothérapie complète à base de cisplatine développent une neuropathie sensorielle (lésions aux nerfs transmettant les sensations). Les symptômes peuvent inclure des picotements aux extrémités et un engourdissement. Les patients peuvent ne se rétablir que partiellement ou ne pas se rétablir du tout lorsque la chimiothérapie est arrêtée. Pour essayer de réduire la toxicité des médicaments à base de platine, les chercheurs ont recherché des traitements pour protéger les nerfs.

Caractéristiques des études

Nous avons réalisé une vaste recherche d'études portant sur des traitements pour prévenir ce type de lésions nerveuses. Nous avons identifié un total de 29 essais cliniques, qui portaient sur près de 3 000 participants recevant des médicaments anticancéreux contenant du platine (principalement le cisplatine, l'oxaliplatine et le carboplatine) pour différents types de cancers (principalement les cancers du côlon, de l'ovaire et du poumon). Les neuf traitements étudiés étaient : l'amifostine (sept essais), le calcium et le magnésium (quatre essais), le glutathion (sept essais), l'ORG 2766 (quatre essais) et la vitamine E (trois essais). Des essais individuels portaient sur l'acétylcystéine, le diéthyldithiocarbamate (DDTC), l'oxcarbazépine et l'acide rétinoïque. Nous avons choisi un test clinique objectif de sensation comme la mesure préférée pour rendre compte des effets du traitement. Sept études seulement utilisaient cette mesure. Neuf études rapportaient les résultats de tests de conduction nerveuse qui sont une autre mesure objective de la fonction nerveuse. La plupart des études utilisaient une évaluation subjective de la neuropathie, telle que l'échelle de classification neuropathique du National Cancer Institute-Common Toxicity Criteria (NCI-CTC).

Résultats principaux et qualité des preuves

La plupart des études incluses étaient relativement bien réalisées, d'après les informations disponibles.

Sur la base des résultats combinés qui décrivaient généralement des mesures secondaires et non quantitatives telles que l'échelle de classification neuropathique NCI-CTC, des résultats modestes mais prometteurs (à la limite de la signification statistique) étaient favorables à l'utilisation d'amifostine, de calcium et de magnésium, et de glutathion pour réduire la neurotoxicité du cisplatine et des traitements chimiothérapiques apparentés. Trois études sur la vitamine E ont dû être examinées individuellement, mais les résultats de chacune suggèrent de légers bénéfices subjectifs. Néanmoins, compte tenu des limitations des études, telles que le petit nombre de participants, le manque de mesures objectives de la neuropathie et les résultats divergents d'essais similaires, les données restent insuffisantes pour conclure que l'un des agents neuroprotecteurs évalués prévient ou limite la neurotoxicité des médicaments à base de platine. La plupart des traitements n'étaient pas associés à des événements indésirables. Les perfusions d'amifostine ont été associées à une pression artérielle basse passagère dans un nombre considérable de cas, et l'acide rétinoïque à de faibles niveaux de calcium dans le sang. Environ un cinquième des personnes traitées avec le DDTC ont arrêté de le prendre en raison d'effets nocifs.

L'amifostine, le calcium et le magnésium, la vitamine E et le glutathion nécessitent d'autres essais bien conçus afin de clarifier s'ils sont efficaces ou non.

Ceci est une revue mise à jour. Les preuves sont à jour au 4 mars 2013.

Conclusions des auteurs: 

À l'heure actuelle, les données sont insuffisantes pour conclure que l'un des agents chimioprotecteurs potentiels (acétylcystéine, amifostine, calcium et magnésium, diéthyldithiocarbamate, glutathion, ORG 2766, oxcarbazépine, acide rétinoïque ou vitamine E) prévient ou limite la neurotoxicité des médicaments à base de platine chez les patients humains, tel que cela a été déterminé à l'aide de mesures quantitatives objectives de la neuropathie. L'amifostine, le calcium et le magnésium, le glutathion et la vitamine E ont montré des résultats modestes mais prometteurs (à la limite de la signification statistique) en faveur de leur capacité à réduire la neurotoxicité du cisplatine et des traitements chimiothérapiques apparentés, tel que cela a été mesuré à l'aide de mesures secondaires non quantitatives et subjectives comme l'échelle de classification neuropathique NCI-CTC. Parmi ces interventions, l'efficacité de la seule vitamine E a été évaluée à l'aide d'études quantitatives de conduction nerveuse ; les résultats étaient négatifs et n'étayaient pas les résultats positifs basés sur les mesures qualitatives. En résumé, les études présentes sont limitées par le petit nombre de participants recevant un agent donné, le manque de mesures objectives de la neuropathie et les résultats divergents parmi des essais similaires, qui ne permettent pas de conclure que l'un des agents neuroprotecteurs évalués prévient ou limite la neurotoxicité des médicaments à base de platine.

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Contexte: 

Le cisplatine et plusieurs médicaments antinéoplasiques de même nature utilisés dans le traitement de nombreux types de tumeurs solides sont neurotoxiques, et la plupart des patients suivant un cycle complet de chimiothérapie à base de cisplatine développent une neuropathie sensorielle cliniquement détectable. Des traitements neuroprotecteurs efficaces ont été recherchés.

Objectifs: 

Examiner l'efficacité et l'innocuité des agents potentiellement chimioprotecteurs pour prévenir ou limiter la neurotoxicité du cisplatine et des médicaments de même nature.

Stratégie de recherche documentaire: 

Le 4 mars 2013, nous avons effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les affections neuromusculaires, CENTRAL, MEDLINE, EMBASE, LILACS et CINAHL Plus pour des essais randomisés conçus pour évaluer des agents neuroprotecteurs utilisés pour prévenir ou limiter la neurotoxicité du cisplatine et des médicaments apparentés chez les patients humains.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) ou quasi-ECR dans lesquels les participants recevaient une chimiothérapie au cisplatine ou aux composés apparentés, avec un chimioprotecteur potentiel (acétylcystéine, amifostine, hormone adrénocorticotrope (ACTH), BNP7787, calcium et magnésium (Ca/Mg), diéthyldithiocarbamate (DDTC), glutathion, ORG 2766, oxcarbazépine ou vitamine E) comparé à un placebo, à l'absence de traitement ou à d'autres traitements. Nous avons pris en compte les essais dans lesquels les participants avaient subi zéro à six mois après la fin de la chimiothérapie une évaluation faisant appel à un examen sensoriel quantitatif (critère de jugement principal) ou à d'autres mesures, y compris les études de conduction nerveuse ou l'évaluation des troubles neurologiques à l'aide d'échelles homologuées (critères de jugement secondaires).

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont évalué chaque étude, extrait les données et atteint un consensus, selon la méthodologie Cochrane standard.

Résultats principaux: 

En 2013, la revue inclut 29 études décrivant neuf agents chimioprotecteurs potentiels, ainsi que la description de deux méta-analyses publiées. Parmi ces essais, des données suffisantes étaient disponibles dans certains cas pour combiner les résultats de différentes études, le plus souvent en utilisant des données de mesures secondaires non quantitatives. Neuf de ces études sont de nouveaux ajouts dans cette mise à jour. Peu d'études incluses présentaient un risque élevé de biais dans l'ensemble, bien que souvent il y ait eu trop peu d'informations pour effectuer une évaluation. Au moins deux auteurs ont effectué une revue formelle de 44 articles supplémentaires, mais nous ne les avons pas inclus dans la revue finale pour diverses raisons.

Sur les sept essais éligibles évaluant l'amifostine (743 participants au total), un utilisait un examen sensoriel quantitatif (seuil de perception des vibrations) et rapportait un résultat favorable en termes de la neuroprotection apportée par l'amifostine, mais le résultat du seuil de perception des vibrations reposait uniquement sur les données de 14 participants sous amifostine ayant achevé l'examen post-traitement, et devrait être traité avec prudence. En outre, le changement mesuré était subclinique. Aucun des trois essais éligibles sur Ca/Mg (ou quatre, en incluant une étude rétrospective unique) ne décrivait nos principaux mesures de résultats. Les quatre essais sur Ca/Mg incluaient un total de 886 participants. Sur les sept essais éligibles évaluant le glutathion (387 participants), un utilisait un examen sensoriel quantitatif mais documentait uniquement les analyses qualitatives. Les quatre essais éligibles évaluant l'ORG 2766 (311 participants) utilisaient un examen sensoriel quantitatif mais rapportaient des résultats disparates ; les méta-analyses de trois de ces essais utilisant des mesures comparables ne révélaient aucune neuroprotection significative en termes de seuil de perception des vibrations. L'essai restant documentait uniquement des analyses descriptives. De même, aucun des trois essais éligibles sur la vitamine E (246 participants) ne rapportait un examen sensoriel quantitatif. Les essais éligibles uniques portant sur l'acétylcystéine (14 participants), le diéthyldithiocarbamate (195 participants), l'oxcarbazépine (32 participants) et l'acide rétinoïque (92 participants) n'ont pas réalisé d'examen sensoriel quantitatif. Dans l'ensemble, cette revue inclut des données de 2 906 participants. Cependant, seulement sept essais rapportaient des données pour le critère de jugement principal de cette revue (examen sensoriel quantitatif), et seulement neuf essais rendaient compte de notre mesure secondaire objective, les résultats de tests de conduction nerveuse. En outre, l'hétérogénéité méthodologique a empêché le regroupement des résultats dans la plupart des cas. Néanmoins, un plus grand nombre d'essais rapportaient les résultats de mesures secondaires (non quantitatives et subjectives) telles que les critères communs de toxicité pour la neuropathie du National Cancer Institute (NCI-CTC) (15 essais), et ces résultats ont été regroupés et rapportés sous forme de méta-analyse. L'amifostine a montré une réduction significative du risque de développer une neurotoxicité ≥ 2 sur l'échelle NCI-CTC (ou équivalent) par rapport à un placebo (RR 0,26, IC à 95 % 0,11 à 0,61). Le glutathion était également efficace avec un RR de 0,29 (IC à 95 % 0,10 à 0,85). Dans trois études sur la vitamine E, les mesures subjectives ne se prêtant pas au regroupement dans une méta-analyse étaient chacune favorables à la vitamine E. Pour d'autres interventions, les mesures qualitatives de toxicité étaient soit négatives (N-acétylcystéine, Ca/Mg, DDTC et acide rétinoïque) ou n'étaient pas évaluées (oxcarbazépine et ORG 2766).

Les événements indésirables étaient peu fréquents ou n'étaient pas rapportés pour la plupart des interventions. L'amifostine était associée à une hypotension transitoire chez 8 % à 62 % des participants, l'acide rétinoïque à l'hypocalcémie chez 11 %, et environ 20 % des participants ont arrêté le traitement par le DDTC en raison de la toxicité.

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.