Les anticoagulants pris sur des durées prolongées pour prévenir la thrombose veineuse profonde ou l'embolie pulmonaire après une prothèse de hanche ou de genou

Contexte

Les patients subissant une intervention chirurgicale ont un risque accru de développer des caillots de sang dans les veines. Ces caillots sanguins peuvent se situer dans les veines profondes des jambes (thrombose veineuse profonde (TVP)) ou se déplacer vers les poumons (embolie pulmonaire (EP)). La thromboembolie veineuse (TEV) est le terme englobant la TVP et l'EP. La prévention de ces caillots de sang (prophylaxie) après la chirurgie peut réduire le risque de caillots veineux postopératoires. Ces bénéfices potentiels, cependant, doivent être mis en balance avec les risques associés de saignements. La durée optimale de la prophylaxie après une prothèse totale de hanche ou de genou, ou une réparation de fracture de la hanche, reste controversée. Il est courant d'administrer cette prophylaxie à l'aide de médicaments tels que l'héparine de bas poids moléculaire et de l'héparine non fractionnée (anticoagulants) jusqu'à la sortie de l'hôpital, au minimum sept à 14 jours après l'opération. Les directives internationales actuelles recommandent une prophylaxie allant jusqu'à 35 jours après une chirurgie orthopédique majeure mais reconnaissent que la recommandation est de force faible en raison de preuves de qualité modérée. En outre, de nouveaux anticoagulants oraux (anticoagulants oraux directs (AOD)) montrent des possibles effets bénéfiques, tels que la prise de comprimés par voie orale au lieu d'injections, l'absence de surveillance régulière et peu d'interactions médicamenteuses connues. L'intérêt pour ce sujet reste donc élevé.

Les caractéristiques de l'étude et les principaux résultats

Un total de 16 études ont été incluses, avec 24 930 participants randomisés (à jour en mai 2015). Les critères de jugement principaux étaient la TEV symptomatique (avec symptômes), y compris la TVP et l'EP, et les saignements (majeurs, non-majeurs cliniquement pertinents et mineurs). Six études comparaient l'héparine à un placebo, une étude comparait la warfarine, un anti-vitamine K (AVK), avec un placebo, deux études comparaient un AOD à un placebo, une étude comparait un AVK à l'héparine, cinq comparaient un AOD à l'héparine et une étude comparait l'utilisation de divers traitements anticoagulants à un placebo. Seuls trois essais incluaient des participants ayant eu une prothèse du genou et aucune étude n'incluait des participants avec une réparation d'une fracture de la hanche.

Pour la comparaison de l'héparine par rapport à un placebo (six études), aucune différence n'a été observée entre les bras de l'étude pour la TEV symptomatique, la TVP symptomatique, l'EP symptomatique et le saignement majeur. Le saignement mineur était plus élevé dans le groupe héparine. Le saignement non-majeur cliniquement pertinent n'était pas rapporté.

La comparaison AVK versus placebo (une étude) et la comparaison d'un placebo avec les anticoagulants choisis à la discrétion des investigateurs (une étude) n'ont montré aucune différence entre les bras de l'étude pour la TEV symptomatique, la TVP symptomatique, l'EP symptomatique et le saignement majeur. Le saignement non-majeur cliniquement pertinent et le saignement mineur n'étaient pas rapportés.

Pour la comparaison AOD versus placebo (deux études), une diminution de la TEV symptomatique et de la TVP symptomatique a été observée en faveur de l'AOD, mais aucune différence n'a été trouvée pour l'EP symptomatique, le saignement majeur, le saignement cliniquement pertinent et le saignement mineur.

En comparant un AVK sur une durée prolongée à une HBPM sur une durée prolongée (une étude), il n'y avait aucune différence entre les bras de l'étude pour la TEV symptomatique, la TVP symptomatique, l'EP symptomatique, l'hémorragie majeure et l'hémorragie mineure. Le saignement non-majeur cliniquement pertinent n'était pas rapporté.

En comparant un AOD sur une durée prolongée à une HBPM sur une durée prolongée (cinq études), il n'y avait aucune différence entre les bras de l'étude pour la TEV symptomatique, la TVP symptomatique, l'EP symptomatique, l'hémorragie majeure, l'hémorragie non-majeure cliniquement pertinente et l'hémorragie mineure.

La qualité des preuves

Dans l'ensemble, les études incluses étaient de bonne qualité méthodologique, avec la majorité des études ayant peu de risque de biais en raison du plan d'étude et des notifications. La majorité des inquiétudes provenaient du manque de notification de détails spécifiques. La qualité des preuves était généralement modérée, soit parce qu'une seule étude était incluse dans une comparaison, en raison du faible nombre d'événements soit parce qu'il existait de nombreuses différences entre les résultats des études, signifiant des données difficiles à interpréter. D'autres études sont nécessaires pour mieux comprendre la relation entre la TEV et les anticoagulants oraux au long cours pour la prothèse du genou et la réparation de la fracture de la hanche, ainsi que les issues telles que la TVP en-dessous du genou et au-dessus du genou, la réintervention, l'infection de la plaie et la cicatrisation.

Conclusions des auteurs: 

Des preuves de qualité modérée suggèrent que, sur une durée prolongée, les anticoagulants pour prévenir la TEV doivent être envisagés pour les personnes subissant une chirurgie de prothèse de hanche, bien que le bénéfice doit être mis en balance avec le risque accru d'hémorragie mineure. D'autres études sont nécessaires pour mieux comprendre l'association entre la TEV et les anticoagulants oraux sur une durée prolongée dans les cas de prothèse du genou et de réparation de la fracture du col du fémur, ainsi que des issues telles que la TVP proximale et distale, la réintervention, l'infection de la plaie et la cicatrisation.

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Contexte: 

La durée optimale de la thromboprophylaxie après une prothèse totale de la hanche ou du genou, ou de la réparation d'une fracture du col du fémur, reste controversée. Il est courant d'administrer une prophylaxie par de l'héparine de bas poids moléculaire (HBPM) ou de l'héparine non fractionnée (HNF) jusqu'à la sortie de l'hôpital, généralement sept à 14 jours après l'opération. Des directives internationales recommandent une thromboprophylaxie étendue jusqu'à 35 jours après une chirurgie orthopédique importante, mais cette recommandation est de force faible en raison de preuves de qualité modérée. En outre, les nouveaux anticoagulants oraux qui exercent leur effet par une inhibition directe de la thrombine ou du facteur X activé n'ont pas besoin de surveillance et ont peu d'interactions médicamenteuses connues. L'intérêt pour ce sujet reste élevé.

Objectifs: 

Évaluer les effets de la thromboprophylaxie sur une durée prolongée pour la prévention de la thromboembolie veineuse (TEV) chez les patients subissant une chirurgie programmée de prothèse de la hanche ou du genou, ou de réparation d'une fracture du col du fémur.

Stratégie de recherche documentaire: 

Le spécialiste de l'information vasculaire Cochrane a fait des recherches dans le registre spécialisé (dernière recherche en mai 2015) et CENTRAL (2015, numéro 4). Les bases de données d'essais cliniques ont été consultées pour les études en cours ou non publiées.

Critères de sélection: 

Les essais contrôlés randomisés évaluant la thromboprophylaxie sur une durée prolongée (cinq à sept semaines) utilisant des doses prophylactiques acceptées d' HBPM, d'HNF, d'anti-vitamines K (AVK) ou d'anticoagulants oraux directs (AOD) par rapport à la thromboprophylaxie de courte durée (sept à 14 jours) suivie d'un placebo, d'une absence de traitement ou d'une thromboprophylaxie sur une durée prolongée similaire par HBPM, HNF, AVK ou AOD chez des participants subissant une prothèse de la hanche ou du genou ou une réparation d'une fracture de la hanche.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons indépendamment sélectionné les essais et extrait les données. Les désaccords ont été résolus par la discussion. Nous avons effectué des méta-analyses utilisant un modèle à effets fixes avec des rapports de cotes (RC) et des intervalles de confiance à 95 % (IC). Nous avons utilisé un modèle à effets aléatoires lorsqu'il y avait hétérogénéité.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 16 études (24 930 participants) ; six ont comparé l'héparine à un placebo, une étude un AVK à un placebo, deux un AOD à un placebo, une étude a comparé un AVK à l'héparine, cinq ont comparé un AOD à l'héparine et un essai a comparé des anticoagulants choisis à la discrétion des investigateurs avec un placebo. Trois essais incluaient des participants ayant eu une prothèse du genou. Aucune étude n'a évalué la réparation de la fracture du col du fémur.

Les essais étaient généralement de bonne qualité méthodologique. La principale raison du risque incertain de biais a été la consignation insuffisante. La qualité des preuves conformément à la méthode GRADE était généralement modérée, car certaines comparaisons incluaient une seule étude, un faible nombre d'événements ou à cause de l'hétérogénéité entre les études, ce qui conduit à de grands IC.

Nous n'avons mis en évidence aucune différence entre l'héparine et le placebo sur une durée prolongée dans la TEV symptomatique (RC 0,59, IC à 95 % de 0,35 à 1,01 ; 2329 participants ; 5 études ; preuves de qualité élevée), la thrombose veineuse profonde (TVP) symptomatique (RC 0,73, IC à 95 % de 0,39 à 1,38 ; 2019 participants ; 4 études ; preuves de qualité modérée), l'embolie pulmonaire (EP) symptomatique (RC 0,61, IC à 95 % de 0,16 à 2,33 ; 1595 participants ; 3 études ; preuves de faible qualité) et le saignement majeur (RC 0,59, IC à 95 % de 0,14 à 2,46 ; 2500 participants ; 5 études ; preuves de qualité modérée). Le saignement mineur était plus élevé dans le groupe de l'héparine (RC 2,01, IC à 95 % de 1,43 à 2,81 ; 2500 participants ; 5 études ; preuves de qualité élevée). Le saignement non-majeur cliniquement pertinent n'était pas rapporté.

Nous n'avons mis en évidence aucune différence entre un AVK et un placebo sur une durée prolongée (une étude, 360 participants) pour la TEV symptomatique (RC 0,10, IC à 95 % de 0,01 à 1,94 ; preuves de qualité modérée), la TVP symptomatique (RC 0,13, IC à 95 % de 0,01 à 2,62 ; preuves de qualité modérée), l'EP symptomatique (RC 0,32, IC à 95 % de 0,01 à 7,84 ; preuves de qualité modérée) et le saignement majeur (RC 2,89, IC à 95 % de 0,12 à 71,31 ; preuves de faible qualité). Le saignement non-majeur cliniquement pertinent et le saignement mineur n'étaient pas rapportés.

L'AOD sur une durée prolongée a montré une réduction de la TEV symptomatique (RC 0,20, IC à 95 % de 0,06 à 0,68 ; 2419 participants ; 1 étude ; preuves de qualité modérée) et de la TVP symptomatique (RC 0,18, IC à 95 % de 0,04 à 0,81 ; 2459 participants ; 2 études ; preuves de qualité élevée) par rapport à un placebo. Aucune différence n'a été trouvée pour l'EP symptomatique (RC 0,25, IC à 95 % de 0,03 à 2,25 ; 1733 participants ; 1 étude ; preuves de faible qualité), le saignement majeur (RC 1,00, IC à 95 % de 0,06 à 16,02 ; 2457 participants ; 1 étude ; preuves de faible qualité), le saignement non-majeur cliniquement pertinent (RC 1,22, IC à 95 % de 0,76 à 1,95 ; 2457 participants ; 1 étude ; preuves de qualité modérée) et le saignement mineur (RC 1,18, IC à 95 % de 0,74 à 1,88 ; 2457 participants ; 1 étude ; preuves de qualité modérée).

Nous n'avons mis en évidence aucune différence entre les anticoagulants sur une durée prolongée choisis à la discrétion des investigateurs et un placebo (une étude, 557 participants, preuves de faible qualité) pour la TEV symptomatique (RC 0,50, IC à 95 % de 0,09 à 2,74), la TVP symptomatique (RC 0,33, IC à 95 % de 0,03 à 3,21), l'EP symptomatique (RC 1,00, IC à 95 % de 0,06 à 16,13), et le saignement majeur (RC 5,05, IC à 95 % de 0,24 à 105,76). Le saignement non-majeur cliniquement pertinent et le saignement mineur n'étaient pas rapportés.

Nous n'avons mis en évidence aucune différence sur une durée prolongée entre un AVK et l'héparine (une étude, preuves de faible qualité) pour la TEV symptomatique (RC 1,64, IC à 95 % de 0,85 à 3,16 ; 1279 participants), la TVP symptomatique (RC 1,36, IC à 95 % de 0,69 à 2,68 ; 1279 participants), l'EP symptomatique (RC 9,16, IC à 95 % de 0,49 à 170,42 ; 1279 participants), l'hémorragie majeure (RC 3,87, IC à 95 % de 1,91 à 7,85 ; 1272 participants) et l'hémorragie mineure (RC 1,33, IC à 95 % de 0,64 à 2,76 ; 1279 participants). Le saignement non-majeur cliniquement pertinent n'était pas rapporté.

Nous n'avons mis en évidence aucune différence sur une durée prolongée entre un AOD et l'héparine pour la TEV symptomatique (RC 0,70, IC à 95 % de 0,28 à 1,70 ; 15 977 participants ; 5 études ; preuves de faible qualité), la TVP symptomatique (RC 0,60, IC à 95 % de 0,11 à 3,27 ; 15 977 participants ; 5 études ; preuves de faible qualité), l'EP symptomatique (RC 0,91, IC à 95 % de 0,43 à 1,94 ; 14 731 participants ; 5 études ; preuves de qualité modérée), l'hémorragie majeure (RC 1,11, IC à 95 % de 0,79 à 1,54 ; 16 199 participants ; 5 études ; preuves de qualité élevée), le saignement non-majeur cliniquement pertinent (RC 1,08, IC à 95 % de 0,90 à 1,28 ; 15 241 participants ; 4 études ; preuves de qualité élevée) et l'hémorragie mineure (RC 0,95, IC à 95 % de 0,82 à 1,10 ; 11 766 participants ; 4 études ; preuves de qualité élevée).

Notes de traduction: 

Traduction réalisée par Daniel Pinchenzon et révisée par Cochrane France

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.