Interféron pour patients atteints d'hépatite C chronique ne répondant pas à l'interféron ou effectuant une rechute

Le traitement antiviral pour les infections chroniques de l'hépatite C est considéré comme efficace si, six mois au moins après le traitement, les résultats de recherche dans le sang de l'ARN viral de l'hépatite C sont négatifs, ce qu'on appelle une réponse virologique soutenue. On considérait auparavant d'autres critères de résultat pour le traitement, notamment les améliorations de tests biochimiques (en particulier concernant les enzymes hépatiques comme l'alanine aminotransférase sérique) ou la preuve d'une moindre inflammation et/ou fibrose dans les biopsies ultérieures du foie. Tous ces critères correspondent à des tests, et l'on partait du principe que si les résultats de test s'amélioraient, il en allait de même pour l'état du patient. On ne dispose cependant d'aucune preuve directe de la validité de ces critères de jugement car aucun essai à long terme n'a montré que l'amélioration de résultats de tests se traduisait par une réduction de la mortalité ou de la morbidité. Les patients qui n'ont pas de réponses virologiques soutenues après un traitement initial sont potentiellement candidats à un second retraitement ; certains d'entre eux pouvant ne pas supporter la ribavirine, ni peut-être même les inhibiteurs de la protéase les plus récents, ce nouveau traitement ne devrait être qu'à base d'interféron. Il a également été supposé qu'un traitement à long terme (c.-à-d. pendant plusieurs années) pourrait être bénéfique. Un tel traitement à long terme serait encore plus compliqué si plusieurs médicaments étaient utilisés en raison de l'addition des toxicités et des coûts des différents médicaments, et l'on peut donc envisager un traitement au seul interféron. Cette revue a examiné la capacité de l'interféron en monothérapie à modifier favorablement l'évolution clinique de l'hépatite C chronique quand il est utilisé pour traiter à nouveau des patients suite à l'échec d'un premier cycle de traitement. Sept essais ont été identifiés, dont deux de grande ampleur (totalisant 1676 patients) désignés sous les noms de « HALT-C » et « EPIC3 », spécifiquement conçus pour utiliser de faibles doses d'interféron pégylé pendant trois à cinq ans chez des patients dont la biopsie du foie présentait des signes de fibrose sévère et qui n'avaient pas obtenu de réponse virologique soutenue après un traitement de combinaison standard (interféron pégylé et ribavirine). Ces deux essais présentaient un faible risque de biais. Un troisième essai conçu pour examiner l'effet de l'interféron pégylé en monothérapie pendant 48 semaines sur l'amélioration de la survie chez les patients atteints de cirrhose (Child-Pugh A ou B) a été interrompu prématurément en raison des résultats de HALT-C et EPIC3, si bien que trois essais ont fourni des données de morbidité hépatique et de mortalité. Lorsque les trois essais étaient pris en compte, le traitement ne présentait aucun effet significatif sur la mortalité toutes causes (78/843 (9,3%) versus 62/867 (7,2%) ; risque relatif (RR) 1,30 ; intervalle de confiance (IC) à 95% 0,95 à 1,79 ; 3 essais) ni sur la mortalité hépatique (41/532 (7,7%) versus 40/552 (7,2%) ; RR 1,07 ; IC à 95% 0,70 à 1,63 ; 2 essais). La mortalité toutes causes était toutefois plus élevée chez ceux ayant reçu de l'interféron pégylé (78/828 (9,4%) versus 57/848 (6,7%) ; RR 1,41 ; IC à 95% 1,02 à 1,96) lorsque seuls les deux essais à faible risque de biais étaient pris en compte. La surmortalité semblait avoir des causes non-hépatiques. Les hémorragies variqueuses étaient moins fréquentes chez les patients traités (4/843 (0,5%) versus 18/867 (2,1%) ; RR 0,24 ; IC à 95% 0,09 à 0,67), mais aucune différence n'avait été observée dans le développement ultérieur d'autres manifestations de la maladie hépatique au stade terminal (encéphalopathie, ascite, carcinome hépatocellulaire, transplantation hépatique). Un essai rapportait des données sur la qualité de vie : les scores de douleur des patients traités avaient augmentés. Aucune donnée sur les coûts n'était disponible. Ceux ayant reçu de l'interféron pégylé ont généralement subi plus d'effets indésirables et des différences statistiquement significatives ont été observées au niveau des complications hématologiques, des infections, des symptômes pseudo-grippaux et des éruptions cutanées. Ceux recevant de l'interféron étaient plus susceptibles d'avoir des réponses virologiques soutenues (20/557 (3,6%) versus 1/579 (0,2%) ; RR 15,38 ; IC à 95% 2,93 à 80,71) et de présenter des améliorations dans les marqueurs d'inflammation. Aucune différence n'a été mise en évidence en ce qui concerne l'effet du traitement sur ​​les marqueurs de fibrose. Rien ne vient étayer un traitement à plus long terme (plusieurs années) d'interféron en monothérapie chez les patients atteints de fibrose hépatique sévère sous-jacente qui n'ont pas répondu à de précédents cycles de traitement ; aucun essai fournissant des données relatives aux résultats cliniques n'a été identifié pour d'autres scénarios possibles de traitement. Deux des marqueurs de substitution couramment employés, la réponse virologique soutenue et les marqueurs d'inflammation, n'ont pas été validés car ils s'amélioraient alors que les résultats cliniques stagnaient (voire empiraient). Cette impossibilité de valider la réponse virologique soutenue dans ce groupe de patients à faible taux de réponse virologique soutenue fait penser que la validité présumée de l'utilisation de la réponse virologique soutenue dans d'autres groupes de patients souffrant d'infections virales d'hépatite C chronique et recevant un traitement devra être démontrée formellement.

Conclusions des auteurs: 

Les données cliniques étaient limitées aux patients présentant des signes histologiques de fibrose sévère qui suivaient un traitement supplémentaire d'interféron pégylé. Dans ce scénario, le traitement supplémentaire à l'interféron ne semblait pas présenter de bénéfice clinique significatif et, lorsque seuls les essais à faible risque de biais étaient pris en compte, le traitement supplémentaire pendant plusieurs années pourrait même avoir accru la mortalité toutes causes. Ce traitement a également produit des effets indésirables. D'un autre côté, le traitement a eu pour résultat une amélioration de certains critères de substitution, à savoir les réponses virales soutenues et les preuves histologiques d'inflammation. Le traitement supplémentaire d'interféron en monothérapie ne peut pas être recommandé pour ces patients. Aucune donnée clinique n'est disponible pour des patients atteints de fibrose moins sévère. La réponse virale soutenue ne peut pas être utilisée comme marqueur de substitution pour le traitement de l'hépatite C dans ce contexte clinique à faible taux de réponse virologique soutenue, et elle reste à valider dans d'autres contextes où des taux plus élevés de réponse virologique soutenue sont rapportés.

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Contexte: 

Le critère de résultat généralement adopté pour le traitement de l'hépatite C chronique est la réponse virologique soutenue (c.-à-d. l'absence d'ARN viral mesurable dans le sang six mois après le traitement). Cependant, ce critère de substitution (tout comme les critères biochimiques et histologiques précédemment employés) n'a jamais été validé. Cette situation découle du très petit nombre d'essais randomisés ayant utilisé des événements cliniques (mortalité ou manifestations de cirrhose décompensée) comme critères de résultat, car ces événements cliniques ne surviennent qu'après de nombreuses années d'infection. Les patients chez qui le traitement initial ne parvient pas à produire de réponses virologiques soutenues sont potentiellement candidats à un second traitement ; certains d'entre eux ne sont pas candidats à la ribavirine ou aux inhibiteurs de la protéase et on pourrait envisager que ce nouveau traitement ne soit qu'à base d'interféron.

Objectifs: 

Évaluer les avantages et les inconvénients d'un traitement supplémentaire par interféron en monothérapie chez les patients atteints d'hépatite C chronique et valider les critères de substitution actuellement utilisés dans ce groupe de patients.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué une recherche dans le registre des essais contrôlés du groupe Cochrane sur les affections hépato-biliaires, le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) dans The Cochrane Library, MEDLINE, EMBASE et le Science Citation Index Expanded jusqu'au 16 août 2012.

Critères de sélection: 

Des essais randomisés comparant l'interféron à un placebo ou à l'absence de traitement chez les patients atteints d'hépatite C chronique ne répondant pas à l'interféron ou rechutant après traitement.

Recueil et analyse des données: 

Les principaux critères de jugement étaient la mortalité (toutes causes et hépatique), la qualité de vie et les événements indésirables. Les critères secondaires étaient la morbidité liée au foie, des réponses virologiques soutenues, des réponses biochimiques, des améliorations histologiques et les coûts. Nous avons utilisé des méta-analyses avec modèles tant à effet fixe qu'à effets aléatoires et n'avons rendu compte que du premier en l'absence de différence.

Résultats principaux: 

Sept essais ont été identifiés. Deux d'entre eux étaient à faible risque de biais (les essais HALT-C et EPIC3) et incluaient 1676 patients. Ces deux essais portaient sur le rôle du traitement à long terme d'interféron pégylé en faibles doses chez les patients atteints de fibrose sévère (mise en évidence sur une biopsie hépatique) et étaient conçus pour évaluer les résultats cliniques. Les cinq autres études incluaient 300 patients et présentaient un risque élevé de biais. Lorsque l'on se basait sur tous les essais ayant rendu compte des critères de résultat, aucune différence significative n'était observée quant à la mortalité toutes causes (78/843 (9,3%) versus 62/867 (7,2%) ; risque relatif (RR) 1,30 ; intervalle de confiance (IC) à 95% 0,95 à 1,79 ; 3 essais) ou la mortalité hépatique (41/532 (7,7%) versus 40/552 (7,2%) ; RR 1,07 ; IC à 95% 0,70 à 1,63 ; 2 essais). Toutefois, lorsqu'on ne combinait que les deux essais à faible risque de biais, la mortalité toutes causes était significativement plus élevée chez ceux ayant reçu de l'interféron pégylé (78/828 (9,4%) versus 57/848 (6,7%) ; RR 1,41 ; IC à 95% 1,02 à 1,96) bien que l'analyse séquentielle des essais ne permette pas d'exclure la possibilité d'une erreur aléatoire. On observait moins d'hémorragies variqueuses chez ceux ayant reçu de l'interféron (4/843 (0,5%) versus 18/867 (2,1%) ; RR 0,24 ; IC à 95% 0,09 à 0,67 ; 3 essais), bien que là encore l'analyse séquentielle des essais ne permette pas d'exclure la présence d'une erreur de type I et que l'effet n'ait pu être confirmé dans une méta-analyse à modèle à effets aléatoires. Aucune différence significative n'a été observée en ce qui concerne le développement d'ascite, d'encéphalopathie ou de carcinome hépatocellulaire, ou le besoin de transplantation hépatique. Un essai rapportait des données sur la qualité : le score de douleur était significativement plus mauvais chez ceux ayant reçu de l'interféron pégylé. Les effets indésirables avaient tendance à être plus fréquents chez ceux ayant reçu de l'interféron ; c'était notamment le cas pour les complications hématologiques, les infections, les symptômes pseudo-grippaux et les éruptions cutanées. Ceux ayant reçu de l'interféron avaient significativement plus de réponses virologiques soutenues (20/557 (3,6%) versus 1/579 (0,2%) ; RR 15,38 ; IC à 95% 2,93 à 80,71 ; 4 essais) et l'analyse séquentielle des essais excluait tout risque d'erreur de type I. Le score METAVIR d'activité s'est également amélioré (36/55 (65%) versus 20/46 (43,5%) ; RR 1,49 ; IC à 95% 1,02 à 2,18 ; 2 essais). Aucune différence significative n'a été observée en ce qui concerne les évaluations histologiques de fibrose.

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.