Quelles sont les données probantes des bénéfices et des risques des anticoagulants dans l'insuffisance cardiaque ?

Contexte

Lorsque la capacité du cœur à pomper le sang est réduite, on parle d'insuffisance cardiaque (IC). Lorsque cela se produit, certaines personnes développent de graves problèmes de coagulation (appelés thromboembolies) dans les poumons, les jambes et le cerveau. Cela se produit car le sang circule plus lentement, l'inflammation augmente et il y a une surproduction de molécules de coagulation. Ces caillots peuvent provoquer un accident vasculaire cérébral, des lésions aux poumons ou aux jambes, voire la mort.

Pourquoi cette question est-elle importante ?

Il existe des médicaments permettant de fluidifier le sang, appelés anticoagulants, qui sont utilisés avec succès chez les personnes présentant différents problèmes de coagulation, comme les personnes atteintes d'IC ayant également des battements cardiaques irréguliers (une arythmie appelée fibrillation auriculaire). À l'heure actuelle, il n'existe pas de données permettant de recommander l'utilisation d'anticoagulants pour éviter les problèmes de coagulation chez les personnes atteintes d'IC ayant des battements cardiaques réguliers (appelés rythme sinusal). Dans cette analyse, nous avons évalué les études ayant testé les anticoagulants chez ces personnes afin d'éviter la mort, les décès dus à des problèmes cardiaques et d'autres problèmes graves de coagulation.

Comment avons-nous identifié et évalué les données probantes ?

Nous avons effectué des recherches dans les bases de données électroniques d'études (CENTRAL, MEDLINE et Embase). Nous avons recherché des études randomisées (comme à pile ou face) comparant des comprimés anticoagulants à l'absence de traitement ou à un placebo (comprimé sans médicament à l'intérieur) chez des personnes atteintes d'IC en rythme sinusal.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé trois essais randomisés, avec 5498 participants, que nous avons utilisés pour l'analyse.

Qu’est-ce que cela signifie?

Sur la base des trois essais randomisés, nous ne sommes pas certains du risque de décès entre les personnes qui ont pris de la warfarine et celles qui n'en ont pas pris. Cependant, les personnes ayant pris de la warfarine ont pu être plus susceptibles de présenter des épisodes d'hémorragie majeure. Les données probantes suggèrent qu'il n'y a pas de différence dans le risque de décès entre les personnes qui prennent du rivaroxaban et celles qui n'en prennent pas. Le rivaroxaban a probablement réduit le risque d'accident vasculaire cérébral, mais le risque d'épisodes d'hémorragie majeure était plus élevé que chez les personnes ne prenant pas de rivaroxaban.

Notre analyse ne soutient pas l'utilisation systématique de l'anticoagulation chez les personnes atteintes d'IC restant en rythme sinusal.

Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?

La littérature est à jour jusqu'en mars 2020.

Conclusions des auteurs: 

Sur la base des trois ECR, il n'existe pas de données probantes indiquant que le traitement anticoagulant oral modifie la mortalité chez les personnes atteintes d'insuffisance cardiaque en rythme sinusal. Les données probantes ne sont pas certains pour suggérer que la warfarine ait un quelconque effet sur la mortalité toutes causes confondues par rapport au placebo ou à l'absence de traitement, mais elle pourrait augmenter le risque d'événements hémorragiques majeurs. Il n'y a pas de données probantes indiquant une différence dans l'effet du rivaroxaban sur les décès toutes causes confondues par rapport au placebo. Il réduit probablement le risque d'accident vasculaire cérébral, mais augmente probablement le risque d'hémorragies majeures.

Les données probantes disponibles ne soutiennent pas l'utilisation systématique de l'anticoagulation chez les personnes atteintes d'insuffisance cardiaque restant en rythme sinusal.

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Contexte: 

Les personnes souffrant d'insuffisance cardiaque (IC) chronique sont exposées à un risque d'accidents thromboemboliques, notamment d'accidents vasculaires cérébraux, d'embolie pulmonaire et d'embolie artérielle périphérique ; les accidents ischémiques coronariens contribuent également à la progression de l'IC. L'utilisation de l'anticoagulation orale à long terme est établie dans certaines populations, notamment chez les personnes souffrant d'IC et de fibrillation auriculaire (FA), mais les indications et l'utilisation de l'anticoagulation orale varient considérablement dans la population plus large plus large souffrant d'IC.

Objectifs: 

Déterminer si l'anticoagulation orale à long terme réduit le nombre total de décès et d'accidents vasculaires cérébraux chez les personnes souffrant d'insuffisance cardiaque en rythme sinusal.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons mis à jour les recherches dans CENTRAL, MEDLINE et Embase en mars 2020. Nous avons examiné les références bibliographiques des articles et des résumés des réunions nationales et internationales sur la santé cardiovasculaire afin d'identifier les études non publiées. Nous avons contacté les auteurs concernés pour obtenir des données supplémentaires. Nous n'avons appliqué aucune restriction sur la langue.

Critères de sélection: 

Essais contrôlés randomisés (ECR) comparant des anticoagulants oraux à un placebo ou à l'absence de traitement chez des adultes atteints d'IC, avec une durée de traitement d'au moins un mois. Nous avons pris les décisions d'inclusion en double, et résolu tout désaccord entre les auteurs de la revue par discussion, ou par une tierce partie.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont indépendamment évalué les essais pour leur inclusion, et ont évalué les risques et les bénéfices du traitement antithrombotique en calculant rapport des cotes (RC), accompagné des intervalles de confiance (IC) à 95%.

Résultats principaux: 

Nous avons identifié trois ECR (5498 participants). Un ECR a comparé la warfarine, l'aspirine et l'absence de traitement antithrombotique, le deuxième a comparé la warfarine à un placebo chez des participants atteints de cardiomyopathie dilatée idiopathique, et le troisième a comparé le rivaroxaban à un placebo chez des participants atteints d'IC et de coronaropathie.

Nous avons regroupé les données des études comparant la warfarine à un placebo ou à l'absence de traitement. Nous ne sommes pas certains de l'existence d'un effet sur le décès toutes causes confondues (RC 0,66, IC à 95 % 0,36 à 1,18 ; 2 études, 324 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ; la warfarine pourrait augmenter le risque d'événements hémorragiques majeurs (RC 5,98, IC à 95 % 1,71 à 20,93 ; nombre nécessaire pour nuire (NNN) 17 ; 2 études, 324 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les études n’ont pas rapporté de accidents vasculaires cérébraux en tant que critère de jugement individuel.

Le rivaroxaban ne fait que peu ou pas de différence avec le placebo en ce qui concerne le décès toutes causes confondues (RC 0,99, IC à 95 % 0,87 à 1,13 ; 1 étude, 5022 participants ; données probantes d’un niveau de confiance élevé). Le rivaroxaban réduit probablement le risque d'accident vasculaire cérébral (AVC) par rapport au placebo (RC 0,67, IC à 95 % 0,47 à 0,95 ; nombre de sujets à traiter (NST) pour un résultat bénéfique supplémentaire 101 ; 1 étude, 5022 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), et augmente probablement le risque d'événements hémorragiques majeurs (RC 1,65, IC à 95 % 1,17 à 2,33 ; NNN 79 ; 1 étude, 5008 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré).

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.