Carbamazépine versus phénytoïne (administrée en monothérapie) pour l'épilepsie

Il s'agit d'une version mise à jour de la Revue Cochrane publiée dans le numéro 2, 2017 de la base de données des revues systématiques Cochrane

Contexte

L'épilepsie est un trouble neurologique courant au cours duquel des crises récurrentes sont causées par des décharges électriques anormales provenant du cerveau. Nous avons étudié deux types de crises épileptiques : les crises d'épilepsie généralisées, lors desquelles les décharges électriques commencent dans une partie du cerveau et se déplacent dans tout le cerveau, et les crises d'épilepsie focale, lors desquelles la crise est générée et n'affecte qu'une partie seulement du cerveau (tout l'hémisphère du cerveau ou une partie du lobe du cerveau). Chez environ 70 % des personnes épileptiques, les crises d'épilepsie généralisée ou focale peuvent être contrôlées par un seul médicament antiépileptique. Dans le monde entier, la phénytoïne et la carbamazépine sont des antiépileptiques couramment utilisés, bien que la carbamazépine soit plus souvent utilisée aux États-Unis et en Europe en raison d'inquiétudes quant aux effets secondaires associés à la phénytoïne. La phénytoïne est encore couramment utilisée dans les pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud à faible revenu et à revenu intermédiaire, en raison du faible coût du médicament.

Objectif

Pour cette mise à jour, nous avons examiné les données de 11 essais cliniques contrôlés randomisés comparant la phénytoïne et la carbamazépine, en fonction de l'efficacité des médicaments pour contrôler les crises (c.-à-d. si les personnes ont recommencé à avoir des crises ou ont eu de longues périodes sans crise (rémission)), et de la tolérance des effets secondaires associés aux médicaments.

Méthodes

Nous avons été en mesure de combiner les données de 595 personnes provenant de quatre des 11 essais cliniques ; pour les 507 personnes restantes de sept essais cliniques, l'information n'était pas disponible pour cette revue. Les données probantes sont à jour en date du mois d’août 2018.

Principaux résultats

Cet revue d’essais n'a révélé aucune différence entre ces deux médicaments pour les types de crises étudiés en ce qui concerne les résultats de l'échec du traitement (interruption du traitement pour quelque raison que ce soit et interruption du traitement en raison de crises persistantes ou d'effets secondaires) et le contrôle des crises (récurrence des crises ou obtention d'une période sans crise (rémission) de six mois ou 12 mois). Les trois quarts des personnes recrutées dans les quatre essais présentaient des crises à déclenchement focal et seulement un quart des personnes recrutées dans les quatre essais présentaient des crises à déclenchement généralisé, de sorte que les résultats de cette revue s'appliquent principalement aux personnes présentant des crises à déclenchement focal et les résultats sont très limités pour les personnes présentant des crises à déclenchement généralisé. Plus d’informations sont nécessaires pour les personnes atteintes de crises d’épilepsie généralisées.

Parmi les effets secondaires signalés par les personnes prenant de la carbamazépine et de la phénytoïne, mentionnons des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements, de la fatigue, des problèmes moteurs (comme une mauvaise coordination), des problèmes cognitifs (mauvaise mémoire), des éruptions cutanées et autres problèmes cutanés.

Niveau des preuves

Nous avons jugé que la certitude des données probantes était de modérée à faible pour ce qui est de l'échec du traitement, modérée pour ce qui est des résultats de la rémission et faible pour ce qui est des résultats des crises, car il est probable qu'une mauvaise classification des types de crises ait influencé les résultats de la revue. Dans deux des essais qui ont fourni des données pour cette revue, la conception de l'essai signifiait que les personnes et les cliniciens traitants savaient quels médicaments ils prenaient. Cette conception peut avoir influencé les résultats.

Certains des essais fournissant des données à la revue ont présenté des problèmes méthodologiques, ce qui peut avoir introduit des biais et des résultats incohérents dans cette revue, et certaines personnes de plus de 30 ans ayant récemment reçu un diagnostic de crises généralisées peuvent avoir eu leur type de crise mal diagnostiqué. Ces problèmes peuvent avoir influé sur les résultats de cette revue et nous avons jugé que la certitude des données probantes fournies par cette revue était modérée pour les personnes ayant des crises à manifestation focale et faible pour les personnes ayant des crises à manifestation générale. Nous ne suggérons pas d'utiliser les seuls résultats de cette revue pour faire un choix entre la carbamazépine ou la phénytoïne dans le traitement de l'épilepsie.

Nous suggérons que tous les essais futurs comparant ces médicaments ou tout autre antiépileptique soient conçus à l'aide de méthodes de haute qualité, et que les types de crises d'épilepsie inclus dans les essais soient classés très soigneusement pour s'assurer que les résultats sont également de haute qualité.

Conclusions des auteurs: 

Les données modérément certaines fournies par cette revue systématique ne révèlent aucune différence entre la carbamazépine et la phénytoïne en termes d'efficacité (rétention) ou d'efficacité (récidive et rémission des crises) chez les personnes présentant des crises à déclenchement focal ou généralisé.

Toutefois, certains des essais qui ont contribué aux analyses présentaient des insuffisances et des incohérences méthodologiques qui ont pu avoir une incidence sur les résultats de cette revue. Par conséquent, nous ne suggérons pas que les résultats de cette revue à eux seuls constituent la base d'un choix de traitement pour une personne qui vient d'avoir des crises. Nous n'avons trouvé aucune preuve pour soutenir ou réfuter les politiques actuelles en matière de traitement. Nous implorons que les essais futurs soient conçus de la meilleure qualité possible, en tenant compte du masquage, du choix de la population, de la classification du type de crise, de la durée du suivi, du choix des critères de jugement et de l'analyse et de la présentation des résultats.

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Contexte: 

Il s'agit d'une mise à jour d'une revue Cochrane publiée pour la première fois en 2002 et mise à jour pour la dernière fois en 2017. Cette étude fait partie d'une série d'études Cochrane portant sur des comparaisons de monothérapies par paires.

L’épilepsie est un trouble neurologique fréquent lors duquel des décharges électriques anormales dans le cerveau causent des crises non provoquées récurrentes. On pense qu'avec un traitement médicamenteux efficace, jusqu'à 70 % des personnes souffrant d'épilepsie active n’auraient potentiellement plus de crises convulsives et atteindraient une rémission à long terme peu de temps après le début de la pharmacothérapie avec un seul médicament antiépileptique en monothérapie.

Dans le monde entier, la carbamazépine et la phénytoïne sont des antiépileptiques à large spectre couramment utilisés, adaptés à la plupart des types de crises épileptiques. La carbamazépine est actuellement un traitement de première ligne pour les crises d'épilepsie focale aux Etats-Unis et en Europe. La phénytoïne n'est plus considérée comme un traitement de première ligne en raison des effets indésirables associés à son utilisation, mais le médicament est encore couramment utilisé dans les pays à revenu faible ou moyen en raison de son faible coût. Aucune différence constante d'efficacité n'a été observée entre la carbamazépine et la phénytoïne dans les essais individuels ; toutefois, les intervalles de confiance générés par ces essais sont larges et, par conséquent, la synthèse des données des essais individuels pourrait montrer des différences d'efficacité.

Objectifs: 

Examiner le délai avant l'échec du traitement, la rémission et la première crise avec la carbamazépine comparativement à la phénytoïne lorsqu'elle est utilisée en monothérapie chez les personnes ayant des crises focales (simples ou complexes et secondairement généralisées) ou des crises tonico-cloniques généralisées (avec ou sans autres types de crises généralisées).

Stratégie de recherche documentaire: 

Pour la dernière mise à jour, nous avons consulté les bases de données suivantes le 13 août 2018 : le Registre d'études Cochrane (CRS Web), qui comprend le Registre spécialisé de l'épilepsie Cochrane et CENTRAL ; MEDLINE ; le registre d'essais cliniques aux États-Unis (ClinicalTrials.gov) ; et le système d'enregistrement international des essais cliniques de l'OMS (ICTRP). Nous avons fait des recherches à la main dans des revues pertinentes et avons communiqué avec des entreprises pharmaceutiques, des investigateurs d'essais cliniques et des experts dans le domaine.

Critères de sélection: 

Les essais comparatifs randomisés comparant la monothérapie à la carbamazépine ou à la phénytoïne chez l'enfant ou l'adulte avec des crises à déclenchement focal ou généralisé (tonico-clonique).

Recueil et analyse des données: 

Il s’agissait d’une revue portant sur les données individuelles des participants (DIP). Notre principal critère de jugement était le temps jusqu'à échec du traitement. Nos critères de jugement secondaires étaient le temps jusqu’à la première crise post-randomisation, le temps jusqu’à la rémission de six mois, le temps jusqu’à rémission de 12 mois et l'incidence des effets indésirables. Nous avons utilisé des modèles de régression à risque proportionnel de Cox pour obtenir des estimations des rapports de risques instantanés (HR) spécifiques à l'essai, avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %, en utilisant la méthode de la variance inverse pour obtenir le HR global regroupé et l'IC à 95 %.

Résultats principaux: 

Les DIP étaient disponibles pour 595 participants sur 1 102 personnes éligibles, dans le cadre de quatre essais sur 11 (soit 54 % des données potentielles). Pour les résultats relatifs à la rémission, un HR supérieur à 1 indique un avantage pour la phénytoïne ; et pour les résultats relatifs à la première crise et au sevrage, un HR supérieur à 1 indique un avantage pour la carbamazépine. La plupart des participants inclus dans l'analyse (78 %) ont été classés comme ayant subi des crises d'attaque focale au départ et seulement 22 % ont été classés comme ayant subi des crises d'attaque généralisées ; les résultats de cette revue sont donc principalement applicables aux personnes ayant subi des crises d'attaque focale.

Les résultats pour le critère de jugement principal de la revue étaient les suivants : temps jusqu'à échec du traitement pour quelque raison que ce soit liée au traitement (HR regroupés ajustés en fonction du type de crise pour 546 participants) : 0.94, IC à 95 % : 0,70 à 1,26, preuve de certitude modérée) ; temps jusqu'à échec du traitement en raison d'un manque d'efficacité (HR regroupé ajusté en fonction du type de crise pour 546 participants : 0.99, IC à 95 % : 0,69 à 1,41, preuve de certitude modérée) ; les deux n'indiquent aucune différence claire entre les médicaments et le délai avant l'échec du traitement en raison d'événements indésirables (HR regroupé ajusté en fonction du type de crise pour 546 participants : 1.27, IC à 95 %, 0,87 à 1,86, preuve de certitude modérée), montrant que l'échec du traitement attribuable à des effets indésirables peut survenir plus tôt avec la carbamazépine qu'avec la phénytoïne, mais nous ne pouvons exclure un léger avantage pour la carbamazépine ou aucune différence entre ces médicaments.

En ce qui concerne nos critères de jugement secondaires (HR regroupés ajustés en fonction du type de crise), nous n'avons pas trouvé de différences claires entre la carbamazépine et la phénytoïne : le temps jusqu’à la première crise post-randomisation (582 participants) : 1.15, IC à 95 % 0,94 à 1,40, preuve de certitude modérée) ; le temps jusqu’à rémission de 12 mois (551 participants) : 1.00, IC à 95 % de 0,79 à 1,26, preuve de certitude modérée) ; et le temps jusqu’à rémission de six mois (551 participants) : 0.90, IC à 95 % : 0,73 à 1,12, preuve de certitude modérée).

Pour tous les critères de jugement, les résultats pour les personnes ayant des crises d'épilepsie à déclenchement focal étaient semblables aux résultats globaux (preuves de certitude modérée), et les résultats pour le petit sous-groupe de personnes ayant des crises généralisées étaient imprécis, de sorte que nous ne pouvons pas exclure un avantage par rapport aux deux médicaments, ou aucune différence entre les médicaments (preuves peu certaines). Il y avait des données probantes indiquant qu'une classification erronée du type de crise pourrait avoir faussé les résultats de cette revue, en particulier en ce qui concerne le résultat " délai avant l'échec du traitement ". L'hétérogénéité était présente dans l'analyse du " temps jusqu’à la première crise " chez les personnes ayant subi des crises généralisées, ce qui ne pouvait s'expliquer par une analyse de sous-groupe ou des analyses de sensibilité.

Des informations limitées étaient disponibles sur les effets indésirables dans les essais cliniques et nous n'avons pu comparer les taux d'effets indésirables entre la carbamazépine et la phénytoïne. Parmi les effets indésirables signalés sur les deux médicaments, mentionnons des douleurs abdominales, des nausées et des vomissements, de la somnolence, des troubles moteurs et cognitifs, des effets secondaires dysmorphiques (comme des éruptions cutanées).

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Lina Ghosn et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.